Ah ! Je crois aux troisièmes sets.

Il est facile formellement de distinguer en concert une chanteuse de jazz d’une chanteuse de non- jazz : on attend la fin de la chanson pour applaudir cette dernière et la première est applaudie au fil de ses interventions, comme les musiciens qui jouent avec elle.

Cécile McLorin Salvant au Sunside (Paris), juillet 2013.
© Philippe Paschel
© Philippe Paschel

Le Sunside était plein ce vendredi pour écouter Cécile McLorin Salvant, mais c’était d’abord la soirée du quartet de Fred Nardin/ Jon Bouteillier.
Fred Nardin est un pianiste impressionnant, une grande virtuosité, tout en donnant son poids spécifique à chaque note -il chante en solotant, mais cela n’est pas sonorisé- ; ce n’est pas un manchot, la main gauche marque toujours les accords, et il nous a fait une grande démonstration de sa pratique des deux mains en débutant seul le deuxième set.
Jon Bouteillier est un garçon sympathique et cela s’entend dans son jeu instrumental qui veut faire plaisir ; il a un beau son un peu lisse, jouant surtout dans le haut médium. Au premier set, il avait le défaut de jouer toutes les notes dans la même nuance, ce qui nuit au souigne, cela s’est atténué au deuxième set et a disparu au troisième (trac ?). Patrick Maradan a une attaque molle, qui fait un peu trop résonner la note et donne une impression de mollesse, de manque d’autorité dommageable. Romain Sarrion est très content de jouer et il fait des grimaces épouvantables [stricto sensu], croyant varier son jeu, il donne l’effet d’être désordonné et n’est finalement que fort bruyant. Certes cela est efficace et plaît au public.

La musique du groupe, qu’ils ne connaissent pas tous par cœur [contrairement aux combos américains de juillet], est un mélange de standards et d’originaux, dans ce style que l’on peut aujourd’hui qualifier de mainstream, moderne sans aspérité, toujours souignant.

La star de la soirée, Cécile McLorin Salvant (Miami, 1989), pour laquelle nous étions tous venu, a rempli nos attentes, interprétant plusieurs chansons de son dernier disque (Woman Child, I didn’t know what time it was, John Henry, Le Front caché sur tes genoux ...) et des standards, qui permettent de mesurer son art à celui de ses consœurs. Grâce à une belle technique et à une variété d’effets toujours à propos, jointes à une profonde musicalité, elle fait grande impression, alors que sa voix n’a rien d’extraordinaire. C’est son grand talent et son travail qui en font une si magnifique chanteuse [le grand ténor mozartien Julius Patzak entendant un jeune chanteur pourvu d’un organe extraordinaire remarquait : “Si j’avais eu une voix comme ça, je n’aurais pas fait carrière”].
Comme elle n’est pas un “canari” (chanteuse d’orchestre supposée idiote], on peut espérer qu’elle saura continuer sur la bonne voie où elle mène sa voix et dans le style de la Black American Music, sans égarement pop.

Et il y eut un troisième set vers la minuit passée, devant un public clairsemé (1/3 de la salle) ; d’abord le quartet, qui joua un magnifique “Darn that dream” [Rapetasse ce rêve] avec un beau solo de saxo, puis Cécile est venue et a interprété un superbe “Fine and Mellow”, mettant en oeuvre tout son savoir-faire. Et cela continua ; il y eut un rappel. Il était 1.15. Ah ! Je crois aux troisièmes sets.

Sunside - vendredi 26 juillet 2013
Fred Nardin (p), Jon Bouteillier (saxo ténor), Patrick Maradan (b), Romain Sarrion (dms) + Cécile McLorin Salvant (chant). En trois sets 2h 50.


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