Nostalghia – song for Tarkovsky

Musique inspirée par les films d’Andrei Tarkovski, ses acteurs favoris et la façon dont le cinéaste joue des nuances de couleur et de son.

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Le Jazz et le Cinéma entretiennent depuis leurs origines (ils sont nés tous les deux au tout début du XXième siècle qu’ils auront rythmés de fort différentes façons) certaines correspondances allant de l’accompagnement de films muets, puis sous formes « clips » ou courts-métrages… au « film de jazz » (dont le Jammin’ the blues de Gjon Mili rest un chef-d’œuvre inégalé), de la biographie romancée au concert enregistré, au documentaire, au « portrait » de musicien (notamment le Bird de Clint Eastwood, les films de Franck Cassenti)… à l’accommodement entre fiction et jazz dont Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle avec la musique de Miles Davis constitue un des archétypes… et bien d’autres choses encore dont la liste est longue (lire l’essai de Gilles Mouëllic Jazz et Cinéma édité par les Cahiers du Cinéma en 2000).

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Poignant hommage d’un musicien à un cinéaste

François Couturier - Nostalghia – song for Tarkovsky
ECM Records - 2006

Pour son premier disque sous sa signature au catalogue du label ECM (où il a enregistré trois disques avec le joueur de oud Anouar Brahem et un en duo avec le violoniste Dominique Pifarély), François Couturier a choisi de rendre hommage au grand cinéaste russe Andreï Tarkovsky (1932 – 1986), réalisateur de sept longs métrages (dont Andreï Roublev (1969), Solaris (1972), Stalker (1979), Nostalghia (1983) et Le sacrifice (1986), à qui il voue une véritable passion.

Il ne s’agissait pas pour le pianiste, pour le compositeur, de « mettre Tarkovsky en musique » mais bien de donner à entendre les émotions ressenties au regard de ses films et ce par l’intermédiaire de treize pièces dont certaines sont particulièrement dédiées à des personnalités célèbres comme le directeur de la photo Sven Nykvist (Crépusculaire) ou le comédien Erland Josephson (L’éternel retour).

A l’écoute attentive de ces séquences, la question se pose d’emblée : comment les définir par des mots ? ; quelle sorte de musique est-ce donc là ? ; musique contemporaine, jazz de chambre, musique nouvelle ? F.C. répond dans une interview : c’est de la musique d’aujourd’hui dans laquelle la lenteur et le silence ont une grande importance… jouée par un ensemble qui n’est ni un quartette (de jazz) ni un quatuor (de musique de chambre) et qui ne pouvait que plaire à Manfred Eicher par son exigence et son austère beauté empreinte (comme les films de Tarkovsky) d’une évidente spiritualité, se référant parfois à La passion selon Saint-Mathieu de J.S .Bach (Le sacrifice et L’éternel retour), au Stabat Mater de G.B. Pergolese et à la Sonate n°1 pour violoncelle d’Alfred Schnittke (1934 – 1998), compositeur russe d’origine allemande.

Il ressort de ces plages une profonde plénitude teintée de mélancolie mais dénuée de tristesse : un poème, une ode poignante impeccablement interprétée et remarquablement enregistrée (le « son ECM » qui convient si bien ici).
On n’a pas souvent l’occasion d’entendre une musique d’une telle ampleur, d’une telle rectitude, à l’univers si personnel, loin du jazz, certes, mais au plus près du principal, de l’essentiel : la musique.


> ref : Nostalghia – song for Tarkovsky / ECM 1979 - distribution Universal Music

François Couturier (piano), Anja Lechner (violoncelle), Jean-Marc Larché (saxophone soprano), Jean-Louis Matinier (accordéon)

Enregistré à l’Auditorium Radio Svizzera de Lugano en décembre 2005.

1/ Le Sacrifice. 2/ Crépusculaire. 3/ Nostalghia. 4/ Solaris I*. 5/ Miroir.
6/ Solaris II*. 7/ Andreï. 8/ Ivan**. 9/ Stalker. 10/ Le temps scellé.
11/ Toliu. 13/ L’éternel retour.
Compositions de François Couturier sauf * de Couturier/Lechner/Larché
et ** de Couturier/Larché


> Lien : http://www.ecm-records.com