Jazz à Cérences, le 19 juin 2009.

Cérences n’est pas le pôle culturel le plus branché de l’Ouest, loin s’en faut... Cependant, chaque début d’été et pour la 7ème fois, le Théâtre de la Presqu’île, basé à Granville prend ses aises dans ce petit bourg qui domine la vallée de la Sienne. Un ancien garage automobile devenu le Hang’Art abrite une série de spectacles de styles divers : théâtre, chanson, débats philo et... jazz ! Ce sont les Semaines Spectaculaires de Cérences.

La collaboration entre Michel Vivier, directeur du Théâtre de la Presqu’île et Christian Ducasse, homme de jazz et photographe aura abouti, cette fois encore à un petit miracle : la constitution d’un trio magique autour de Gilles-Marc Dardenne, un musicien trop discret pour capter l’attention des médias... et pourtant... !

Ichiro Onoe - Harry Swift - Gilles-Marc Dardenne - Cérences (50) le 19 juin 2009
Photo © Christian Ducasse

Dans une ambiance de club en un lieu qui a vu s’ouvrir bien des moteurs et de boîtes de vitesses, la magie de la mécanique du jazz s’est mise en marche avec tout ce qu’il faut de balancement, de déhanchements, de cliquetis des notes ciselées, de ronflement des basses bien rondes. Trois musiciens qui ne s’étaient guère côtoyés auparavant ont, deux heures durant, assemblé leurs talents pour jouer le jazz avec une merveilleuse simplicité.

Gilles-Marc Dardenne - 19 juin 2009
à Cérences (50)

Comme l’écrit son ami, le guitariste Louis Winsberg : "Gilles Dardenne comme un poète surréaliste, s’invente à chaque seconde un imaginaire musical, qui se déploie en toute liberté, la liberté des artistes qui improvisent au quotidien, par nécéssité". C’est ainsi qu’un solo destiné, modestement à "tester le piano", a promené les auditeurs à travers l’histoire du jazz : le stride, Monk, Bud Powell, quelques standards égrainés dans une improvisation inspirée.

Quand arrivent ses deux complices, Harry Swift, le britannique contrebassiste, et Ichiro Onoe, batteur expérimenté et très polyvalent, la musique emplit le lieu et l’attention, sans tension, en toute décontraction, ne se relâchera pas. Entre les compositions de Dardenne (Tree for Bird, hommage à Mal Waldron, Remember Dulcy September, Spirits of the Vanguard...) dans lesquelles viennent s’enchâsser des bribes de standards, on se souviendra d’un hommage poignant et totalement improvisé à un autre ami de Dardenne, le pianiste Siegfried Kessler (disparu en janvier 2007). Tout cela, sans partitions, carbure au clin d’œil, au sourire et à l’envie de jouer.

Gilles-Marc Dardenne trio
Cérences (50) - 19 juin 2009

Gilles-Marc Dardenne vit la musique à sa façon, sans entraves mais avec un profond respect du jazz et de son histoire. Son jeu de piano est nourri de l’influence des maîtres mais il ne se contente pas de réciter une leçon bien apprise, il en tire l’essence pour donner vie sa musique à travers des compositions et des improvisations où les notes jouent avec les limites du temps (et du tempo), en équilibre instable : un swing fragile et subtil. Le bonheur de jouer en ce lieu avec un public attentif et captivé lui aura permis de laisser libre cours à son imagination... Il fut autrefois saxophoniste et flûtiste et joua, en fin de concert, quelques thèmes sur la traversière qui avait sagement attendu sur le piano. Il ne put s’empêcher de se livrer à un bricolage cocasse (logique dans un ancien atelier !) en assemblant flûte, bocal et bec de saxophone pour une improvisation aux sonorités étranges et nasillardes...

Gilles-Marc Dardenne et son invention hybride !
à Cérences, 19 juin 2009.

Le jazz en toute liberté avec une telle insouciance toujours respectueuse de la forme, c’est assez rare ! Comme l’a écrit Christian Ducasse après ce concert : "Nos invités ont montré en quoi le jazz est vraiment la musique de l’instant comme aime à le dire Martial Solal. La liberté aussi était au centre des débats, cette fraîcheur qui fait parfois défaut tant les musiciens semblent souvent craindre de ne pas être pris au sérieux. ". CQFD !








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