Le chroniqueur de Jazz que je suis est un individu sérieux, profond, rigoureux, au jugement sûr et impartial, etc. Dans vos rêves !!!! comme on dit maintenant... Il a besoin de se lâcher ! Alors quand on lui propose...

(Oui je sais, c’est déjà écrit dans le descriptif de l’article)

... Alors quand son pote (Pascal Derathé) de Jazz Rhône Alpes (site excellentissime) lui propose de faire des billets décalés pour la 29ème édition de Jazz à Vienne, et bien il accepte. Mais comme le même chroniqueur écrit avant tout pour le non moins excellentissime Culture Jazz (je ne vous mets pas de lien, vous êtes dessus...), il ne voit pas pourquoi il en priverait ses lecteurs habituels qui ne connaissent peut-être pas JRA (Jazz Rhône Alpes, pour les intimes).
Bref, ces inénarrables proses ont été accompagnées de cette photographie. Voyez :

Lucien Buysse
Vainqueur du Tour de France 1926

Je tiens à dire de suite qu’il ne s’agit pas de moi. Eh oui, j’ai ma pudeur...
De fait, cette image, dont je remercie au passage l’anonyme auteur, représente monsieur Lucien Buysse, à qui il est temps de rendre hommage car il fut (est et sera toujours) le vainqueur du Tour de France 1926.
Grâce à lui, j’ai pu avec homogénéité faire passer les billets que voici comme une lettre à la poste.

Mardi 30 juin 2009

En garant mon vélo, frais comme un gardon malgré l’eau qui bout (et oui j’ai mon passeport biologique), je me posais cette question saugrenue : que vouliez-vous qu’il advienne de ce festival presque trentenaire ? Qu’il aille courir la prétentaine auprès des muses, avec mention spéciale pour Erato ? C’est un peu le cas, vu le programme... Qu’il nous surprenne ? Vous le dire-je franchement ? Je ne cherche pas a être surpris, eu égard au traitement de fond que doit subir tout bon chroniqueur avant le tour des festivals estivaux, surtout s’il se déplace à deux roues...
Où en étais-je ? Ah oui, que Vienne me surprenne... mais comment donc ? Par exemple ce soir avec six pianos sur la scène du théâtre antique, ce qui n’est pas courant. Eh ! Bonjour les Dugas... De loin comme de près, six pianos, c’est massif. Et les critiques de dire que c’est en trop ! le baleinier d’avouer que c’est assez, l’amateur d’expresso que c’est assez, avec ou sans sucre. Enfin quoi, six fois quatre vingt huit touches, c’est assez considérable pour affirmer que Don Juan n’en a pas fait autant dans sa petite vie et moins encore l’équipe de France d’escrime aux derniers championnats du monde. Et le jazz dans tout cela me direz-vous ? C’était le parfum de mon voisin, en début de soirée. Mais pas seulement, fort heureusement.

Solal ? C’est le premier roman d’Albert Cohen et il se dit qu’il recèle un romantisme flamboyant. Ce qui n’est pas martial, même vu du côté cour. Côté coeur, Martial Solal nous donne bien du plaisir. Nous aimons son humour "virtuoso" (joe Pass et des moins bons... comme dirait l’autre....)

Jones ? A New York, certains pensent-ils qu’il a bon dos ? Sa carrière est riche, indéniablement. Pas de spéculation possible : 780 albums en sideman et 150 en leader à ce jour. 92 balais, de quoi supprimer tous les suspicieux avec une efficacité de surface pour le moins technicienne. Le bon goût et la modestie. Un état de grâce qui se perpétue bien qu’il n’ait rien à voir avec la Jones à coiffure sans grâce des années quatre vingt. Oui vraiment, Hank, il a pas changé depuis le 27 juin dernier... Et comme il disait à Martial dans les coulisses : "joyful ! " Enfin, s’il me fallait passer au crible l’intégralité de la dodécasoirée, la nuit serait trop courte, j’aurais Dérathé sur le dos et des ratés dans la caboche. Et puis je suis moins royaliste que l’arêne ! Au fait, j’ai encore à bouloter une chronique pour un site ami... à qui je vais refiler cette géorgique à deux kopeks, que dis-je, cette pastourelle iséroise...

Mercredi 1er juillet 2009

Cette après-midi sur le bord de la nationale, j’allais tranquille : 46 x 19 pour être précis. Passant devant le panneau " Vienne 8", j’avais l’esprit qui flânait du côté de la mémoire. Ah oui, enfants, nous jouions au "Milles Bornes". Aujourd’hui, la crise est passée sur nos rêves et ce soir, on a juste joué Sanborn. C’était mieux qu’un CD, mais le voyage fut balisé à l’excès. La chevauchée ne fut pas fantastique, loin s’en faut et la conquête de l’ouest n’eut pas lieu.
Ok, quand cette musique est cool, cela coule et roucoule (la voiture dans le garage). Quand ça groove, voire blues, ça bucheronne à la cognée. Bref, l’alto de Saint Louis ne nous a pas vraiment transportés (quant à le télécharger, l’ado pis que les autres s’en charge, mais il est jeune, à sa décharge...) De ce côté-ci du Mississipi, la rive est propre et le soleil brille de mille feux sur des rondeurs cabossées par la récession (c’est presque une guerre, n’est-ce pas ? ) et ce n’est pas ici qu’on croisera l’homme qui tua Liberty Valance. D’accord, d’accord, la musique pour métropolitain n’est pas nécessairement underground. Mais est-ce une raison suffisante pour délivrer un message musical qui n’adoucit même pas les morts ? A choisir, je rejoins Paul et Art : je préfère le son du silence.

Elle n’était pas là Randy Crawford. Cela ne n’empêche pas que quand elle chante, elle donne l’impression de rouler dans une grosse américaine qui ne manque pas d’estomac. J’espère qu’elle a encore du coffre même si elle pêche, de temps à autre, par insuffisance de littérature. Toujours est-il qu’après sa défection pour raison médicale grave, je ne pouvais m’empêcher d’être inquiet pour sa remplaçante. "Et si Chaka canne ?" m’interrogeais-je. Le Duke perd sa duchesse et à la douve va tout s’en va ! Déjà qu’on avait perdu Joe Sample et son échantillon chantant.

La stridence vocale était ce qu’elle était ; le concert fut ce qu’il fut.

Mais que reste-t-il de tout cela au matin ? ................................................ Il y a chez Rilke (je ne sais plus où exactement, mais pas dans la cuisine assurément), l’image de ce chat longeant silencieusement le rayonnage d’une bibliothèque et effaçant au passage avec son corps le titre des ouvrages. Et bien je n’ai pas eu besoin d’attribut maoiste pour oublier la playlist ( rappel : le grand timonnier a délivré un jour cette maxime, essentielle à nos confrères de Trente millions d’amis : "un chat est un chat"). Au final, la bonne humeur est avec eux et le reste de mon pique-nique avec moi. Sur l’éphémèride, c’est juste un papillon.

Rendez-vous dimanche si d’ici-là mon coeur ne flanche.

Dessous de table
30/07/2009

Dimanche 5 juillet 2009

Je vins incognito par la rive gauche du Rhône. Seul Mon Vélo dominical m’accompagnait pour aller écouter SMV. Moi qui avait sué dans la dernière ascension avant l’amphi (la pentecôte était raide), j’arrivais plus qu’un poil de cycliste en retard, pour être précis avec la voiture balai. Et là, je fus refroidi illico expresso. Sur scène, les bougres moulinaient si prestement qu’il me sembla les écouter tricoter à la chaine. Côté dérailleur, il y avait tout ce qu’il fallait pour monter les pires descentes de manche et dévaler les plus indécentes remontées. Fichtre me dis-je, voilà des sieurs aux doigts agiles ! aux mains d’argent (sûr que cela leur rapporte autre chose que des cals sur les phalanges). Sur le coup, le plus que je pus infirmer, c’est qu’ils ne mégotaient pas. Voire, ils nous enfumaient (attention : Décret n°2006-1386 du 15 novembre 2006). Clarke était à l’aise dans ses chaussures (c’est légendaire maintenant), Mais, je vous dépose la question : qui sait comment Victor et Marcus les souliers le long des kilomètres à pieds ?
Toujours est-il que l’ennui survint subrepticement, avec moins de légèreté que l’hirondelle sous le linteau. A trop tirer sur les cordes, ils faillirent me rompre l’échine. Doucement les basses, bourreaux ! Je ployais soudain sous une migraine si prématurément germée que je m’effondrai rapido-presto dans un Raul, tel le républicain espagnol Capa de bol. On me Midon sur une civière... Encore un cliché... et après un blackout passager, je demandai une blonde à une jeune personne du crû ( la dame aux camels, y a que ça de vrai) qui m’informa que Raul Midon n’avait rien à voir avec Rol Tanguy et qu’il était conséquemment inutile de résister. Quand elle vit mon étonnement, la viennoise rit aux larmes (Ô citoyenne..) et s’évanouit dans la foule (touante tiou). Moralité : à Vienne, si tu es presque mort, alité, tu n’as pas le fantôme d’une chance de finir autrement que baba, au rhum ou au rosé condamné.
Ce soir-là, nonobstant les épreuves, c’est l’ami mollet qui ramena à la maison le chroniqueur marri, imbibé et vermoulu, sur son vélo. Oh oui il le rêva solex ! Mais dura lex avec les poivrots. Et avec sa vieille selle en cuir de Russie, la perf’ fut médiocre bien que sous cul tanné. In vino veritas mais fluctuat nec mergitur. Enfin presque.

Mercredi 8 juillet 2009

Nous nous étions quittés dimanche, je crois, moi à la dérive sur les berges sans âge du natif d’Aar, et vous... Ah les intermittences du souvenir ! Vous ? Où étiez-vous alors que j’étais indubitablement seul avec mon vélo ? Est-ce la rosée qui consuma les effluves malsaines de l’arrosoir à rosé dans le petit matin (Autre version de l’arroseur arrosé) ou la patience du polochon et la magie de l’acide salicylique ?

Et voilà qu’en ce soir béni (oui, oui...), Vienne m’offrit les femmes sur un plateau. Enchanté par les chanteuses, je le fus, et ravi aussi qu’on entr’aperçut le vieux chêne sous l’écorce nous parler d’un pays profond au gré d’intonations puissantes, dans le souffle évocateur d’un art vocal consommé.

Que Dianne arrive enfin, le taon suspend son vol ! ...
Et les heures pro peace déroulèrent leurs cours.
Oui les minutes furent infiniment précieuses !
Et à cette nuit douce je dis d’être plus lente,
Plus lente encore qu’un pou, sans lendemain qui chante.
A ce sujet d’ailleurs, pour les échevelés,
C’est toujours, oui toujours, un pou sur le revenu.
Inconstant que je suis ! Derechef je m’égare...
Elle était là oh oui ! chasseresse opulente.
Ah ne me croyez pas, s’il faut je vous supplie !
L’homme pauvre que j’étais n’avait, oui, point de porc,
Rien que les cornichons pour son pain ramolli,
Et le temps plus de Reeves pour éviter la bise.
Je demandai en vain quelques moments encore,
Pour un blanc de pou laid où je ne sais quoi de fort,
Mais rien d’autre à becqu’ter sinon sa belle voix,
En hommage à Nina, en hommage à Nina,
Et mon cornichon seul au fond de son bocal.
La paix du chant unique, oui je ne souhaitai qu’elle !
Et je l’appelai fort, d’un cri universel :
Pace ! Pace ! Pace ! (en hommage à Nina).
Je l’appelais encore... l’orange de ma voisine,
Une néerlandaise, solide comme un Roch,
Qui tenta un sourire et une oeillade vaine.
Mais le pépin fut bref, elle était frigidaire,
Se marcha sur les pieds, en signe d’expiation,
Finit face contre terre, mais pas dans l’abbatiale.

Le jour dissipe la nuit et la blonde aux Camels
(c’était il y a trois jours) mon esprit turlupine.
Foie d’Alphonse ! N’était-ce pas la Martine ?