Shangri-Tunkashi-La, à vos souhaits !

Médéric COLLIGNON s’est installé pour deux soirs au Triton, au début de ce weekend dit de la Pentecôte et que tous les travailleurs-euses connaissent bien grâce à Raffarin ( mais-c’est-qui-qui-s’en-souvient ? ) et sa journée de la solidarité : ici, Collignon nous fera d’abord le coup de la pente le vendredi soir puis celui de la côte le lendemain. Comme ça, tout le monde est content.

Car, pour nous autres mécréants, apostats et rebelles à l’idée d’ordre et à ses manifestations, à défaut des tables de la loi ( salut les feuj’ !), c’est bien l’esprit même de la musique qui nous tombe sur la tête, dans les oreilles et partout ailleurs. Philippe GLEIZES à la batterie, Frank WOESTE au Fender Rhodes et Emmanuel HARANG à la basse et le leader COLLIGNON à la trompette, à la voix et aux bidouilles électroniques se jettent à fond dans la pente et entament le premier set par un thème très enlevé où d’emblée, COLLIGNON s’engage dans une prise de risque maximale : tempo high, impro hallucinante de vélocité et de souffle. On n’est pas loin d’un truc genre « le vol du bourdon » sous amphétamines de dernière génération... Et ce feu d’artifice va durer 40 minutes non stop pendant lesquelles nous ne pourrons jamais applaudir faute d’un petit creux où lui/leur faire savoir notre plaisir. C’est chaud-bouillant, ça va vite, ça pulse de partout, c’est bien.

Médéric Collignon (Paris - 2010) par Christian Ducasse.
Photo © Christian Ducasse

Et qu’on ne s’y trompe pas : le trio Fender-basse-batterie pose les fondations, monte les piliers et tient la baraque pour accompagner les coups de vents rageurs et imprévus du leader branché sur sa source d’inspiration intégrée. Ses deux micros lui offrent l’un, le son « naturel » de la trompette, l’autre divers sons bidouillés dont celui d’une guitare très électrique qui doit titiller les mânes de Hendrix et consorts.

Rien ne vaut, dans ce concert, le bonheur intense de deux ballades, en totale rupture avec le cours des choses collignonesques et qui donnent à entendre son immense talent en prenant tout le temps du temps : la trompette d’abord, au son doux et velouté, aux attaques parfaites, complétée par la voix : l’écouter en jouer ( mais est-ce un jeu ? ) renvoie au Roy Art Theatre, à Cathy Berberian, à Meredith Monk, au maître zen qui, du fond de son hara, lance le Shujo Muhen Seigan Do, au môme qui déconne avec son canard siffleur,... Jubilatoire et émouvant.

Le rappel nous vaut une nouvelle débauche d’énergie qui pose la question bête et basique : dans quel état seront ses lèvres pour le second concert ?

Eh bien, en bon état, merci. Le cours de ce concert sera vraiment différent, d’abord dans le programme complètement bouleversé, ensuite dans la manière de nous le donner : la côte sera gravie par étapes, nous aurons le temps d’applaudir les artistes. Ils seront déjantés et généreux et Collignon nous interprétera une chanson sidérante ( du verbe sidérer = abasourdir, ahurir, ébahir, éberluer, effarer, épater, époustoufler, épouvanter, estomaquer, étonner, foudroyer, interdire, interloquer, méduser, pétrifier, souffler, stupéfier, suffoquer).
Et tant pis pour ceux qui ont choisi de regarder vingt-deux garçons surpayés courir après un ballon.


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