Baie du Mont Saint Michel.

En ces temps difficiles pour les programmateurs et la musique vivante, lancer un nouveau festival s’avère un véritable défi. Pari gagné pour Pierre Betton et son équipe, créateurs de ce jeune festival d’été en terre normande. Un vrai challenge !

34 concerts programmés dans sept communes de la baie, de Granville à Genêts.

Grosse logistique : montage-démontage des chapiteaux, sonorisation, lumières, le tout assuré par quelques professionnels soutenus par une soixantaine de bénévoles dont il faut saluer l’énergie et la disponibilité.

Le saxophoniste Gaël Horellou à Granville - Festival Jazz en Baie 2010
Photo © Christian Ducasse

De très beaux concerts : un public nombreux et ravi, près de 10 000 spectateurs séduits par la musique et les sites enchanteurs.

Premier week-end dans le jardin Christian Dior avec une rencontre inédite : le trio du pianiste Manuel Rocheman invitait le guitariste virtuose Sylvain Luc : complicité, sensibilité, écoute réciproque, la musique à l’état pur.

Le lendemain, le vétéran du saxophone alto Peter King soutenu par une section rythmique impeccable (le trio d’Alain Jean Marie). Peter King, un peu fatigué a début du concert, a vite retrouvé la fougue, l’énergie, la vélocité qu’on lui connait pour un final éblouissant avec coucher de soleil sur les îles Chausey. Magique !

Le saxophoniste Peter King, à Granville, invité du festival Jazz en Baie
Photo © Christian Ducasse

A 21 h 30, direction St Jean le Thomas (où la révélation française de la soul blues, Malted Milk a enthousiasmé les 1500 spectateurs. Notons la présence à la basse et à la batterie de deux caennais ex-Spoonful : Igor Pichon et Gilles Delagrange, parfaitement intégrés dans le groupe nantais dirigé par le guitariste et chanteur Armand Fradin.

Le lundi, à Carolles-Plage, le trio Ceccarelli invitait l’harmoniciste Olivier Ker Ourio, sur un répertoire des Beatles. Cette première rencontre fut une réussite totale, l’harmonica d’Olivier s’intégrant parfaitement à la musique du trio.

Mardi, en fin d’après-midi, salle municipale de Carolles, Mourad Benhamou et ses Jazz Workers (en guest Ronald Baker) ont interprété avec brio les compositions de quelques hard-boppers ( W. Perkins). Mourad, en chef d’équipe inspiré, fait preuve d’une autorité, d’une précision rythmique et d’une technique qui le placent à l’égal des plus grands du genre.

Ronald Baker et David Sauzay, deux des Jazz Workers de Mourad Benhamou - Jazz en Baie 2010.
Photo © Christian Ducasse

Le soir, à Saint-Pair-sur-Mer, anniversaire oblige, l’hommage à Django Reinhardt était assuré par le trio de Romane ; au-delà du répertoire traditionnel manouche, Romane père et fils soutenus par la basse puissante de Marc-Michel Le Bevillon, offrent de belles mélodies à un public conquis d’avance.

J’étais absent le mercredi ; le groupe vocal « à 4 » à l’église de Carolles et le Big Band Christian Garros, sous chapiteau ont, m’a-t-on dit, assuré une excellente prestation.

Jeudi, place au Jazz vocal (Port du Hérel à Granville) avec deux chanteuses très différentes : la presque trop discrète Johanne Sayada du JiJi Sextet en fidèle représentante de la Bossa Nova puis la pétulante, exubérante et swingante China Moses. Digne fille de sa mère [1], elle « fait le show », le public est venu pour cela et en redemande. Notons la présence efficace de Fabien Marcoz à la basse et François Laudet à la batterie, qui assurèrent un tempo d’enfer pour cet hommage à Diana Washington...

La chanteuse Marie-Laure Bourdin était aussi programmée au festival Jazz en baie 2010, le 17 août.

Vendredi et samedi, tout le monde déménage et s’installe sur les falaises de Champeaux face au Mont-Saint-Michel et sa baie : le festival n’usurpe pas son nom.

Le cadre est magnifique, la musique proposée vendredi par le pianiste Cédric Hanriot ne l’est pas moins. Une révélation pour beaucoup, ce jeune pianiste qui partage son temps entre New-York et la France avait invité la saxophoniste hollandaise Tineke Postma (découverte au dernier festival Jazz Sous Les Pommiers) et le batteur Otis Brown III. Belle cohésion du groupe, compositions originales, inventives et surprenantes : une réussite.

Concert de clôture de haute tenue avec le trio Laurent de Wilde au piano acoustique. Jeu inspiré et tonique soutenu par le groove de son invité Alex Tassel au bugle.

Last but not least, Sylvain Beuf sextet entouré de solistes d’exception. (Denis Leloup trombone, Pierrick Pedron alto, Jean-Yves Jung piano)
Les compositions et arrangements du saxophoniste (récemment nommé aux Victoires du Jazz) ont enthousiasmé le public qui quitta avec regret le chapiteau tandis que les techniciens s’affairaient déjà au démontage.

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> Le festival Jazz en Baie 2010 - Le point de vue du photographe et journaliste Christian Ducasse. (diaporama : cliquer sur l’image ci-dessous).

Jazz en Baie vu et commenté par Christian Ducasse - diaporama
Photos © Christian Ducasse

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On n’oubliera pas de mentionner les animations, concerts gratuits, jam sessions assurés tout au long de la semaine par les artistes régionaux : Bop de Rue avec l’infatigable Gaël Horellou, Doré-Marthouret quartet, les pianistes David Garcia, Hervé Hec et tous les autres.

Il ne nous reste plus qu’à souhaiter, comme l’ont fait tous les musiciens invités de cette première édition, longue vie à Jazz en Baie et à féliciter Pierre Betton et son équipe pour avoir transformé ce coup d’essai en coup de maître.

À l’année prochaine !

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> Lien :

> Retrouvez l’auteur de cet article, Michel Dubourg, chaque dimanche dans son émission Atout Jazz sur les ondes de France-Bleu Basse-Normandie.

[1China Moses est la fille de la chanteuse Dee Dee Bridgewater (NDLR).