Stefano Bollani et Enrico Pieranunzi : piano solo

L’Amphi Jazz de l’opéra de Lyon a débuté sa saison avec une résidence, intitulée Pianissimes, accueillant dans l’ordre Giovanni Mirabassi, Stefano Bollani et Enrico Pieranunzi. Indisponible pour le pianiste de Pérouse, nous avons pu écouter ses congénères milanais et romain.
 

Enrico Pieranunzi
Enrico Pieranunzi
Opéra de Lyon, 01/10/2011

L’art du solo exige du musicien une qualité spécifique : celle de ne pas lasser son auditoire. Et quelle que soit la maîtrise technique du dit musicien, quelle que soit sa musicalité, quelle que soit son vécu artistique, rien ne remplace l’inspiration quand il s’agit de captiver l’auditeur. Là où Enrico Pieranunzi a su exceller dans le genre, Stefano Bollani a eu recours à des artifices qui ne nous ont pas parus très probants. Après un début de concert plutôt réussi, bien que légèrement abscons, puis un ou deux standards évocateurs de bonne facture, le pianiste, dont on apprécie par ailleurs nombre d’enregistrements, s’est découvert chanteur (une version d’Estate que l’on oubliera vite), percussionniste spontané et, enfin, artiste de cabaret avec un pot-pourri de titres choisis par le public qui a donné lieu à une imitation redondante de Paolo Conte entre autres choses. Au final, si l’on ne doute aucunement des qualités de l’artiste, l’on s’interroge cependant sur ses motivations. Est-ce bien utile de combler par une surenchère démonstrative une panne d’inspiration ? Être généreux suffit-il pour endosser le costume du soliste ? Stefano Bollani ne malmène t-il pas son talent (comme il malmène le couvercle du clavier) à agir de la sorte ? Certes le public est conquis. Mais faire le spectacle, ce n’est pas forcément faire la musique.
 
A l’opposé de cette prestation, Enrico Pieranunzi, lui, a voué son concert à la musique. Avec une infaillible maestria, il a été le maître absolu de son clavier comme de ses idées. Sans aucune suffisance, et même avec modestie, il a abordé le répertoire classique des œuvres qu’il a choisies en marquant nettement sa capacité à les transfigurer. Le public qui le découvrait a rapidement compris qu’il était confronté à un improvisateur hors norme, d’une incroyable aisance, doublé d’un artiste qui évite de se prendre au sérieux. Simplement, cet homme-là sait ce qu’il fait et chez lui, la rigueur est toujours au rendez-vous. La précision, la fluidité et la finesse aussi. Qu’il attaque son clavier en douceur ou forte avec Scarlatti ou Rodgers & Hart, la limpidité éclate avec brio dans son phrasé. Lyrique mais jamais emphatique, il fait vivre une musique dont l’élégance n’a d’égale que la richesse des structures harmoniques qu’elle véhicule. A bientôt 63 ans, le pianiste romain s’impose de ne pas capitaliser sur ses acquis. En allant vers le baroque, il explore des contrées qui requièrent un engagement sans faille et un art de la nuance qu’il possède à l’évidence. Nul besoin pour lui de céder à la facilité. Sa personnalité musicale, construite sur quelques décennies, lui suffit amplement pour séduire un public quel qu’il soit. Il n’est d’ailleurs pas devenu par hasard une des figures de proue du jazz contemporain. Judicieux dans ses choix, exigeant et respectueux, Enrico Pieranunzi offre à ceux qui viennent l’écouter un jazz qui va à l’essentiel.


- Stéfano Bollani, piano solo : vendredi 30 septembre 2011.

  • Enrico Pieranunzi, piano solo : samedi 1er octobra 2011

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