Un moment d’intense complicité.

> Lundi 5 août 2013

La chaleur estivale s’est un peu estompée. Le soleil décline et la lumière du soir est magnifique. Le cheminement vers le château de Tallard accroché à la falaise qui domine ce joli bourg des Hautes-Alpes est un moment agréable qui prépare à une écoute sereine des "Silences" de Guillaume de Chassy.

L’accueil est chaleureux et convivial dans la cour que dominent les vestiges de tours et les murs usés par le temps.
Le Festival de Chaillol (17è édition) développe un art du cheminement, d’un village à l’autre, d’une musique à l’autre, d’un art à l’autre. L’esprit de cette manifestation (en tous points remarquable) repose sur "un projet, qui envisage la musique - et plus exactement la création musicale - comme un art de la relation, de la rencontre avec l’Autre.". Les musiques conviées sont sérieuses, souvent savantes, jamais coincées dans des codes et conventions sclérosants. Il est donc naturel que le jazz, "la plus populaire des musiques savantes" ait aussi sa place parmi les musiques improvisées et écrites proposées dans un programme éclectique déroulé sur plus de trois semaines entre les vallées du Drac (Champsaur) et de la Haute-Durance jusqu’au pied du Dévoluy.

"Silences" : Guillaume de Chassy, Arnault Cuisinier, Thomas Savy à Tallard - 5 août 2013
© Thierry Giard
© Thierry Giard

Cette année, c’est le pianiste Guillaume de Chassy qui était invité à faire un bout de chemin dans ce festival ponctué par trois concerts en trois lieux du pays gapençais. Chaque jour, le pianiste, Arnault Cuisinier (contrebasse) et Thomas Savy (clarinettes) ont joué et marché, puisant l’énergie et l’inspiration de leur programme du soir au cours de randonnées matinales sur les chemins escarpés des Hautes-Alpes avec leurs rencontres imprévues : Arnaud Cuisinier n’avait pas imaginé que les marmottes puissent être aussi grosses !... Comme quoi...

"Silences" le disque de Guillaume de Chassy avec le trio que nous allions écouter à Tallard (premier des trois concerts) avait particulièrement touché(s) des chroniqueurs de CultureJazz au point qu’Yves Dorison en avait fait un de ses cinq disques favoris de l’année (Étoiles 2012).
Ce concert a comblé notre attente avec ce plus irremplaçable qu’apporte l’écoute des musiciens dans l’action. Si cette musique repose essentiellement sur des fragments d’œuvres empruntés à des compositeurs "classiques", c’est avant tout pour ouvrir des espaces à l’improvisation. Et quelles improvisations inspirées et inventives quand on s’appelle Guillaume de Chassy, Arnault Cuisinier et Thomas Savy ! Ces trois musiciens qui appartiennent au pôle d’excellence du jazz français.

Pour éviter de radoter, il nous semble que ce que nous écrivions du disque en février 2012 peut s’appliquer sans retouches aux fortes impressions laissées par ce concert d’une grande intensité.
"Silences, est un ensemble aéré et raffiné de pièces qui effeuillent les répertoires de Poulenc, Chostakovitch, Prokofiev, Schubert en y déposant quelques miniatues de la plume du pianiste et autres perles fines.
Un moment d’intense complicité entre le pianiste nourri de toutes ces musiques, Arnault Cuisinier contrebassiste qui allie musicalité et polyvalence et Thomas Savy qui se montre définitivement à l’aise dans tous les contextes en assurant dans ce disque une magistrale partie de clarinettes(s).
Un des disques qui nous touchent le plus dans le parcours de Guillaume de Chassy.
"

Arnault Cuisinier à Tallard - 5 août 2013
© Thierry Giard
© Thierry Giard
Guillaume de Chassy à Tallard le 5 août 2013
© Thierry Giard
© Thierry Giard
Thomas Savy à Tallard - 5 août 2013
© Thierry Giard
© Thierry Giard

Le public du festival de Chaillol est habitué aux surprises et ceux qui sont venus écouter "du jazz" n’auront peut-être pas retrouvé les archétypes d’un style plus ou moins familier. Avec "Silences", tout est dans l’art de la suggestion et du filigrane mais cependant, des ombres flottaient sous les voûtes du château, celles d’Ellington pour le goût des couleurs moirées ou de Jimmy Guiffre pour l’art de l’échange en trio sans rythmique.

Un superbe moment de musique avec le plaisir de la proximité... On entre ainsi facilement dans l’art de la confidence autour de musiques qui distillent finement leurs beautés secrètes. Du grand art !


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