Vingt-sixième étape

Stefano Risso

Nous étions le 8 avril 2015 au Hot Club de Lyon pour écouter Anne Quillier en solo et, en seconde partie de soirée le trio de Bruno Tocanne «  In a suggestive way » avec Rémi Gaudillat (trompette) et Stefano Risso (contrebasse). 8 avril, écrivions-nous, jour béni qui vit naitre un roumain rigolard nommé Cioran en 1911, Carmen McRae en 1920, mais aussi jour qui vit en 2013 la dame de fer rendre les armes. Elle aurait dû faire gaffe la rouquine Marguerite because « rust never sleeps », dixit Neil Young, un autre ferrailleur dans son genre. Nous les mélangeons un peu, les genres, pour le coup, nous les télescopons même, mais c’est pour la bonne cause puisque c’était ce soir-là le début de « Collision Collective », événement organisé par le Grolektif avec Anne Quilllier au piano donc, mais pour trente minutes seulement. Juste le temps de s’apercevoir qu’entre des mélodies immédiatement reconnaissables un foisonnement de notes et d’accords puissants ont envahi l’espace d’une manière haletante et radicale, laquelle nous pose encore quelques questions. Questions qui se seraient probablement évanouies si le temps imparti l’avait permis. Un entracte à rallonge plus loin (aussi long que la première partie, de quoi laisser poindre la frustration, n’est-ce-pas ? ), le trio de Bruno Tocanne a repris le flambeau. La formation «  In a suggestive way » surprend souvent car elle possède les attributs de la protéiformité, attributs nécessaires à la redécouverte de son répertoire selon les artistes qui la compose au moment du concert. La cheville ouvrière Tocanne / Gaudillat est sa seule constante. Au Hot Club, elle accueillait le contrebassiste italien Stefano Risso pour définir une nouvelle triangulation autour de leur corpus musical. Bien leur en prit car au-delà de la collision collective, nous pûmes apprécier l’éclosion d’une sorte de collusion positive entre les partis au service de la musique, celle de Paul Motian en particulier. La découverte de Stefano Risso et de sa musicalité n’ont en rien gâché le plaisir d’autant que c’était une première rencontre réussie et qu’il nous semble vraisemblable de l’écouter encore au sein du réseau Imuzzic.

Allez savoir pourquoi, nous eûmes l’impression de passer une étrange soirée, une soirée supplémentaire dans une ambiance en demi-teinte où nous déplorâmes que le public ne fut pas plus fourni. Une fois les amis déduits du total des entrées, les curieux étaient rares. Parce que ces temps-ci, la nature du public n’est pas ou plus encline à la curiosité (qui n’est pas un vilain défaut). Pas de têtes d’affiche au sommet de la gloire médiatique, pas d’octogénaire à la brillantissime carrière et le spectacle vivant au mieux vivote. Les artistes également. La tendance étant ce qu’elle est, à ce rythme, la culture sera morte avant nous.


Vingt-septième étape

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18 avril 2015, AMR, Genève. Fred Hersch. Nous nous faisions une joie d’assister à ce concert et ce fut une belle soirée. L’ahurissante maîtrise instrumentale de l’artiste, son extrême sensibilité, la poésie que son jeu génère, étaient au rendez-vous. Sur un répertoire éclectique allant de Jobim à Joni Mitchell, de Monk à Jerome Kern, agrémenté de quelques compositions personnelles, Fred Hersch démontra à ceux qui ne le savaient pas encore quel fantastique musicien il est. Cependant, le natif de Cincinnati parvint à perturber notre soirée en interdisant aux photographes de travailler. Depuis quand un artiste interdit-il à un autre artiste d’exprimer son art ? Et de quel droit ? Rappelons donc ici ce que la jurisprudence dit : "tout personnage public peut être tacitement photographié dans l’exercice de sa fonction à des fins d’information et/ou d’archivage historique." Bref, passons. Tiens, nous vous signalons au passage que le 18 avril fut un jour de gloire pour L’Humanité puisqu’elle fit paraître son premier numéro, en 1904. Et ce n’était pas un dimanche. En 1973, c’est le premier numéro de Libération qui parut. Quinze ans plus tard, ce même jour, Pierre Desproges se faisait bouffer par le crabe. Il avait dit entre autre, «  Maurice Genevoix qui marche pensivement dans la forêt en regardant les écureuils s’enculer dans les arbres, ça c’est un écrivain… Moi, je suis écriveur.  » Imaginons ce qu’il aurait dit et écrit sur notre époque. À mourir de rire, non ?


Dans nos oreilles

Philip Catherine - September sky
Sweet Smoke - Live

Sous nos yeux

C.F.Ramuz - La pensée remonte les fleuves