L’art de la fugue.

La liberté est encore une fois le maître mot de la soirée proposée par la formation venue de Toronto, Canada Day invitée pour clore la saison jazzistique du Conservatoire de Caen. On était donc en territoire connu si on peut oser ce paradoxe (le célèbre « conformisme de l’anticonformisme » cher à Cocteau) et s’il y a bien çà et là quelques signes extérieurs de modernité obligés dans la recherche sonore, c’est pour mieux laisser place à une musique infiniment plus subtile et personnelle.

Harris Eisenstadt

Cela tient aux compositions du batteur et leader du quintette Harris Eisenstadt qui mine de rien sont relativement écrites sans contraindre l’auditeur à un formalisme quasi mathématique. Plus que la mélodie, le soubassement rythmique donne son originalité à chacune des compositions. La complicité et la très grande écoute entre le batteur et le contrebassiste Pascal Niggenkemper en sont la cause. Ce sont eux qui charpentent les thèmes ouvrant la voie à l’improvisation la plus débridée des deux autres comparses aux cuivres et aux anches, le trompettiste Nate Wooley et le saxophoniste Matt Bauder. Peu de chorus là encore mais un jeu sinon à l’unisson du moins en duo ; à charge à eux deux de propulser cette musique intimiste et raffinée à la face du public. Enfin, le vibraphone, instrument percussif par excellence apporte nuance et intimité par le jeu impressionniste de Chris Dingman. En s’interposant entre les deux paires de duettistes, tout en prolongeant leurs propositions, Il apporte à l’univers de l’ensemble du quintette une part de poésie qui fait souvent défaut aux écritures trop formelles ou aux improvisations à tout va.
Au total l’univers musical de Canada Day est attachant car s’il évite aussi bien les chemins tout tracés, il refuse tout autant les sentiers de traverse et pratique –dirons-nous- plutôt l’art de la fugue. De ce fait, il ne perd jamais son auditeur en route.

Une découverte pour l’ensemble d’entre nous alors même que Canada Day a fait paraître en 2015 son quatrième album et que Harris Eisenstadt déborde d’activité Outre-Atlantique aussi bien en tant que leader que comme sideman.

Auditorium du Conservatoire de Caen,mardi 26 avril 2016, 20 heures.
Canada Day avec Nate Wooley : trompette / Matt Bauder : saxophone ténor / Chris Dingman : vibraphone / Pascal Niggenkemper : contrebasse / Harris Eisenstadt : batterie et compositions