Soixante-et-onzième étape

20, 26. Avec ça, vous ne gagnerez ni à la loterie, ni à la tombola de la paroisse. Ce sont juste les deux dates auxquelles nous écoutâmes de la musique de nègre ces derniers temps… Du jazz ! Dégénérés que nous sommes, nous avons tout de même noté que le 20 mai vit naître Honoré De Balzac (1799) et que sur la scène du LS JAZZ Project, Bruno Tocanne, Daniel Erdmann et Anne Quillier livrèrent un de ces concerts dont on se souvient. Marceau Brayard vous en parlera bientôt dans ces colonnes mais nous tenons néanmoins à vous signifier notre opinion en toute partialité car il est, de fait, plus qu’inaccoutumé qu’une première rencontre musicale soit, au sens propre, une rencontre, avec tout ce que cela comporte d’humanité. Ce fut le cas et dès les premières minutes de répétition, nous vîmes naître par alchimie un trio ; peut-être était-ce d’ailleurs de l’archimagie, cette partie de l’alchimie traitant de l’art de faire de l’or. Le concert qui suivit eut un effet majeur sur les musiciens en cela qu’ils veulent renouveler l’expérience. Ça le fait, non ?

Le 26 mai, la talentueuse et belle Isadora Duncan est née (1877). Mais dans ces colonnes réservées à l’improvisation et au swing, tout le monde s’en fout. Garde à vous ! Miles a poussé sa première note, pas un cri bémol à notre avis, ce jour-là (1926). Un peu plus d’un an avant que ne décède tragiquement l’exceptionnelle Isadora Duncan qui, aussi douée et visionnaire fut-elle, vécut dans la douleur (pour ne pas dire une vie de merde).

Qui est qui ?

Ce même 26 mai, en 2016, à Chorus, Lausanne, Jean Claude Rochat avait organisé un hommage au saxophoniste Georges Robert, mort prématurément le 14 mars dernier à cinquante-cinq ans. Assez méconnu chez nous, il était dans sa contrée d’origine un exemple tant ses qualités musicales et humaines étaient patentes. Disons aussi qu’en un peu plus de trois décades il avait fréquenté une bonne part du gratin mondial du jazz (Tom Harrell, Phil Woods, Billy Higgins, Buster Williams, etc) sans jamais se départir de son humilité et de son goût affirmé pour la transmission de son savoir.

Sur la scène du club plein à craquer, nous vîmes d’abord des élèves de l’HEMU (haute école de musique de Lausanne) dirigé par Bänz Oester à la contrebasse au sein de l’atelier Coltrane qu’il anime dans l’établissement précité. En un mot, jouissif. Et l’on s’aperçoit soudain que l’exhaustivité risque de lasser le lecteur. Alors sachez tout de même que l’on écouta ensuite Emyl Spanii avec Bänz Oester et Daniel Humair, qu’ils furent rejoints par Bob Bonisolo (ténor) et Zachary Ksysk (trompette), puis par Sandy Patton (chant) avant que les 88 touches passent entre les doigts de Dado Moroni, d’Hervé Sellin, d’Antonio Farao et de Kenny Barron avec qui Georges Robert enregistra plusieurs disques. Passèrent par là aussi, Francis Coletta et Didier Lockwood. Nous vous faisons grâce du reste mais vous assurons que nous passâmes une soirée éminemment festive, musicale en diable et fondamentalement joyeuse car il est rare, entre autre, d’écouter successivement autant de talents pianistiques majeurs dans un laps de temps aussi court. En outre, c’est bien le seul moyen d’honorer les disparus. Enfin nous le croyons.


Dans nos oreilles

Bach – L’offrande musicale


Sous nos yeux

Robert Creeley – L’insulaire