Deux trios piano - contrebasse - batterie :

  Brad MEHLDAU : "Blues and ballads"

Brad MEHLDAU : "Blues and ballads"
Brad MEHLDAU : "Blues and ballads"
Nonesuch

Comme le souligne excellemment mon confrère Yves Dorison : que se passe-t-il donc chez Brad  ? Que nous compléterons d’un : pour accepter de sortir un tel disque ? Nous ne sommes pas Monsieur Soleil, encore moins Madame, mais nous avions déjà donné notre (pré)sentiment dans une précédente chronique (...lire...) et force est de constater que l’on reprend ici les mêmes ingrédients pour faire une (presque) même tambouille. Les plages rejetées d’anciennes séances deviennent, pourquoi se fatiguer, prétextes à la sortie de nouvelles galettes à forte espérance capitalistique : faut bien en plus entretenir le buzz en des temps où les rois de la com dominent et tentent de nous faire croire que le beurre dans les pâtes ça vient de sortir. Certes le son bien ancré au fond du temps pourvoyeur de swing est leur identité, mais les attitudes, les tempi, les techniques, l’extraordinaire virtuosité des premiers enregistrements deviennent ici de redondant clichés et révèlent les limites d’un trio ayant perdu nous semble-t-il toute envie et vitalité. Brad est-il maître des sorties de ses propres disques ou est-ce l’avidité de la production qui pousse à la publication d’enregistrements inutiles ? Nous voulons croire en la seconde hypothèse. Il nous reste alors les concerts qui sont paraît-il formidables. Espérons le, mais, chats craignant l’eau chaude et froide même salée, nous leur conseillerons toutefois de ne pas aller trop loin dans de vaines tentatives vouées à l’échec. Le temps n’y faisant rien, les plats re-réchauffés finissent par lasser.

Certes mais c’est à l’aide de bons ingrédients qu’il est possible de faire de bons plats…

  Aaron PARKS – Thomas FONNESBÆK – Karsten BAGGE : "Groovements"

Aaron PARKS – Thomas FONNESBÆK – Karsten BAGGE : "Groovements"
Aaron PARKS – Thomas FONNESBÆK – Karsten BAGGE : "Groovements"
Stunt

Ce disque n’est pas prétentieux pour un sou, il n’a d’ailleurs qu’une seule ambition à nos oreilles, celle de proposer une musique certes non révolutionnaire mais de jouer à fond, avec joie et entrain la tradition du jazz. Une rencontre qui s’est faite lors d’une longue résidence d’Aaron Parks au Danemark et on ne sait s’il en a profité pour apprendre à parler couramment le danois ou à goûter au stegt flæsk med persillesovs (plat typique du Danemark) mais ça swingue à fond. Beaux solos bien construits, solidement charpentés et aboutis comme on l’apprend en copiant les grands maîtres avant d’y mettre son propre grain de sel. Nous, on approuve et on ne boude pas notre plaisir. Soulignons la beauté des sonorités du piano et la souplesse de la contrebasse (belle transition entre Shapes ‘n’ Colors et You And The Night And The Music), le plus qu’excellent drumming de Karsten Bagge. On y joue à trois sans ambages et sans que personne ne songe à tirer à soi la couverture. On y raconte des histoires sur des thèmes qui appartiennent ou se rapprochent de l’univers des standards y compris pour les compositions personnelles. Du beau travail bien fait comme on l’aime.

Parmi tant beaucoup d’autres des disques recommandables en trio : Mulgrew Miller Live at the Kennedy Center Vol. 1 & 2 et Hank Jones The Great Jazz Trio at the Village Vanguard vol. 1,2 & again


La voix est au cœur de toute musique et si le trio piano contrebasse batterie est une des formules classique du jazz, l’art vocal en est son indispensable véhicule.

Deux chanteuses :

  Viktorija GEČYTÉ with Go Trio : "No Detour Ahead"

Viktorija GEČYTÉ with Go Trio : "No Detour Ahead"
Viktorija GEČYTÉ with Go Trio : "No Detour Ahead"
P.M. Records

Que cherche-t-on comme vertu première chez les musicien(ne)s si ce n’est avant tout la sincérité. Peu importe le style, la présente galette procure une chose qui ne s’apprend pas : d’un presque rien, et quand nous disons rien il faut d’abord comprendre ici humilité, jaillit le frisson. Viktorija, chanteuse lituanienne chemine en musique depuis l’enfance. Mesurons le terrain parcouru entre Vilnius, Paris et New York par l’autorité qui se dégage de son art, un placement vocal infaillible, un swing subtile et sensible qui s’exprime à travers le prisme d’une voix chaleureuse d’une suave douceur. Timbre charmeur, répertoire original, quelques chansons rarement abordées mais d’autres plus connues, Viktorija s’exprime plus par l’inflexion thématique que par le scat. Un accompagnement simple et beau avec en prime Gene Perla (contrebassiste d’Elvin Jones à Sonny Rollins en passant par Miles Davis excusez du peu) et nous nous retrouvons devant quelque chose d’indémodable. Là réside peut être la musique et nous ne pouvons que vous recommander l’écoute de ce disque qui ne devait être à la base qu’une maquette de présentation mais quand la sincérité est là…

  Chloé DEYME : "Noturna"

Chloé DEYME : "Noturna"
Chloé DEYME : "Noturna"
Autoproduction

Chloé , sa passion c’est le Brésil, la voix. Loin des clichés elle en a évité les pièges, les faux semblant en s’immergeant dans ce monde colorisé aux multiples visages. En premier lieu en s’appropriant la langue, le brésilien qui a ses particularités qui le détachent du portugais, la langue mère. On le sait, les paysages, l’Histoire des humains, les mythes offrent son vocabulaire, ses accentuations au parlé. Cet album dont la majorité des titres ont été composés par la chanteuse, est le fruit de cette rencontre passionnée, d’un coup de foudre entre une personne et un pays, sa traduction musicale loin des pâlottes imitations world-music dont on nous rebat les oreilles depuis des années. Par sa voix, dans ce rapport intime révélateur de soi-même jusque dans nos propres failles, entourée par d’excellents musiciens Chloé nous offre un disque aux confluences, on le sent bien de ses propres envies. On ne chante pas, on n’écrit pas avec une telle conviction sans les avoir au fond de ses tripes. Toutes les chansons de l’album ont leur histoire, leur couleur à l’image de l’immensité de ce pays, luxuriance des forêts, longues plages, mixités. Nous retiendrons Noturna à l’accent nordeste renforcé par l’harmonica de Gabriel Grossi et la viole d’amour de Yasser Haj Youssef sur Sehoras Do Amazonas qui lui donnerait un accent presque oriental, le swing des chorus de piano. Des signes d’ouvertures qui nous plaisent, particulièrement en ces temps d’enfermements, de rejets et de glacis identitaires…


  Les références, détails et liens :

Brad MEHLDAU : "Blues and ballads"

> Nonesuch - 7559-79465-0 / Warner Music

Brad Mehldau : piano / Larry Grenadier : contrebasse / Jeff Ballard : batterie

01. Since I Fell For You (Buddy Johnson) / 02. I Concentrate on You (Cole Porter) / 03. Little Person (Jon Brion) / 04. Cheryl (Charlie Parker) / 05. These Foolish Things (Remind Me of You) (Jack Strachey & Holt Marvell) / 06. And I Love Her (John Lennon & Paul McCartney) / 07. My Valentine (Paul McCartney) // Enregistré aux Studios Avatar (New York) le 10 décembre 2012 et le 12 mai 2014.

Aaron PARKS – Thomas FONNESBÆK – Karsten BAGGE : "Groovements"

> Stunt - STUCD 15152 / UVM

Aaron Parks : piano / Thomas Fonnesbæk : contrebasse / Karsten Bagge : batterie

01. Winter Waltz (Fonnesbæk) / 02. Alcubierre’s Law (Bagge) / 03. Bolivia (C. Walton) / 04. I’m On Fire (B. Springsteen) / 05. Elutheria (Parks) / 06. Tit er jeg glad (C. Nielsen) / 07. A Rabbit’s Tale (Bagge) / 08. Forever This Moment (Fonnesbæk) / 09. Shapes ‘n’ Colors (Parks-Fonnesbæk-Bagge) / 10. You And The Night And The Music (Schwartz-Dietz) // Enregistré au Danemark le 12 août 2014.

Viktorija GEČYTÉ with Go Trio : "No Detour Ahead"

> P.M. Records / pmrecords.com/NoDetourAhead

Viktorija Gečytė : voix / Sean Gough : piano / Gene Perla : contrebasse / John Arkin : batterie

1. You Turned The Tables On Me / 2. Don’t Be On The Outside / 3. I Keep Going Back To Joe’s To / 4. Up Jumped Spring / 5. I’ll Remember April/ 6. Tenderly / 7. Kalėdų Ryt (Trad) / 8. Detour Ahead / 9. The Days Of Wine And Roses / 10. You Go To My Head / 11. Laukų Daina (solo V. Gečytė) / 12. Laukų Daina / 13. All My Tomorrows / 14. Do Nothing Till You Hear From Me / 15. Lost Mind (P. Mayfiel) / 16. You Must Believe In Spring

2955 juin

Chloé DEYME : "Noturna"

> Autoproduction / Inouïe Distribution

Chloé Deyme : voix / Laurent de Oliveira : piano / Gerso Saeki : contrebasse / Christophe Bras : batterie /+/ Robinho Antunes : trompette / Chloé Cailleton, Sonia Cat-Berro, Lanna Zita : chœurs / Fernando Delpapa : cavaquinho / Gabriel Grossi : harmonica / Yasser Haj Youssef : viole d’amour / Inor Sotolongo : percussions

01. Bailarino / 02. Piano Piano / 03. Noturna / 04. Voltei / 05. Eu ja te avisei / 06. Quem sabe amar / 07. Senhoras do Amazonas / 08. Leah / 09. Flor musical / 10. Esquizoqueira // Enregistré récemment en France (Aulnay-sous-Bois).