Soixante-quinzième étape

Roxanne Perrin

Bon, d’accord, c’est vrai, nous éprouvons quelque peine à rester en place, raison pour laquelle nous allâmes l’autre soir au Péristyle de l’Opéra de Lyon supposément écouter le trio M’bisha (Benoît Thévenot, Jean-Pierre Almy, Andy Barron). Suite à l’hospitalisation du pianiste le jour même (rien de grave), ce trio se transforma en Jöak Duo plus un, soit Roxane Perrin et Jean-Pierre Almy plus Andy Barron. Bien évidemment, ils n’avaient rien répété et ce fut conséquemment fort sympathique. Sachant que le répertoire du Jöak Duo est éclectique en diable, l’on prit plaisir (eux aussi) à écouter/voir ces musiciens à l’ouvrage, sourire aux lèvres, tester en direct des versions inédites des chansons abordées dans le cadre du Péristyle qui, tout au long de l’été, offre une visibilité unique au jazz rhônalpin, ce qu’il faut signaler car il n’existe à notre connaissance aucun équivalent en France. Framboise sur le biscuit, c’est un lieu où les photographes sont respectés, ce qui doit être dû à l’absence de producteurs/managers et de Brad et de Keith, et caetera. Cela se passait un 18 juillet, jour qui vit naître Nathalie Sarraute (1900) et la chaleur était au rendez-vous.


Soixante-seizième étape

Et voilà de nouveau le pérégrin dans un festival ! Quoi ? Qu’oyez-vous ? Du calme, c’était le festival du Crescent à Mâcon, c’était gratuit pour le public (c’est rare) et les photographes furent bien traités. C’était un 21 juillet, jour de gloire pour Neil Armstrong qui ce jour-là dépucela la lune (1969, année érotique).

Crescent septet

La soirée débuta avec le Crescent septet (Eric Prost - saxophone ténor, Baptiste Poulin - saxophone, Christophe Métra - trompette, Christophe Brun - guitare, Romain Nassini - piano, Greg Theveniau - basse, Stéphane Foucher – batterie), des gars que l’on connaît bien à l’exception du jeune Baptiste Poulin, au saxophone, nouvelle recrue ne manquant pas d’intérêt, c’est le moins que l’on puisse dire. L’idée leur était venue de proposer une relecture des grands succès de Steps Ahead, sans le vibraphone de Mike Mainieri, sur des arrangements du batteur Stéphane Foucher. C’est vous dire s’ils aiment s’amuser… Ils le firent avec entrain et justesse et cette musique datée année 80 picota les jambes (et pas que) d’un public surpris (les trop jeunes pour connaître) et ravis (les cinquantenaires et plus). Le pérégrin, lui aussi, se souvint que, merde, il n’avait plus tout à fait vingt ans… Bandes d’enfoirés !

Mark Turner

Vint le tour du quartet du quartet de Mark Turner (Mark Turner - saxophone, Jason Palmer - trompette, Joe Martin - contrebasse, Jorge Rossy – batterie). Pas de piano. Pas besoin. L’inventivité de Mark Turner, sa capacité à s’écarter de la mélodie sans la perdre, ses conceptions harmoniques, son introspective sonorité, en font un saxophoniste majeur. Aussi important que discret. Doit-on déplorer cet effacement ? On ne sait. Après tout, ce disciple de Warne Marsh, et par filiation de Lennie Tristano, poursuit son bonhomme de chemin musical en s’entourant des meilleurs. Ce fut encore le cas avec Joe Martin et Jorge Rossy (en remplaçant de luxe de Justin Brown) ainsi qu’avec l’étourdissant Jason Palmer, trompettiste capable de faire durer (longtemps) un solo créatif sans jamais donner l’impression de forcer, ne serait-ce qu’un peu, et sans se répéter, ne serait-ce qu’un instant. Sur des compositions léchées, voire millimétrées, largement ouvertes sur l’improvisation, le quartet déroula un set homogène d’une musicalité ardente et délectable (ces gens-là ont digéré la technique depuis belle lurette) sans jamais tomber dans l’outrance et la superfétation. Ce ne fut qu’élégance, dans ses plus beaux atours, et intelligence. La classe, quoi. Le public mâconnais de l’esplanade Lamartine les écouta avec un enthousiasme bienvenu, ce qui donna à cette première soirée festivalière un lustre pour le moins réjouissant.


Dans nos oreilles

Bob Mintzer - All L.A. Band


Devant nos yeux

Mathias Enard - L’alcool et la la nostalgie