Cent douzième étape

An ah ah !

Le 7 juin dernier, voilà que l’ami Delorme, le Michel, the one and only, a tiré sa révérence sans même attendre que son pote Wayne revienne jouer à Juan les Pins cet été. Mais c’était bien sa manière d’être là où on ne l’attendait pas forcément et, d’un revers saignant, d’asséner la baffe qui recadre. Je me souviens de lui mouchant proprement quelques attachées (atta chiées dans la colle) de presse et autres parasites incompétents des backstages. Je me souviens de lui narrant ses frasques avec Elvin Jones et les autres. Je me souviens de lui expliquant à deux de mes collégiens pourquoi et comment McCoy Tiner n’était plus ce qu’il avait été. Je me souviens de son enthousiasme qui pouvait être tout aussi grand que ses détestations. Je me souviens de sa gentillesse. Je me souviens de ses enregistrements chopés ici et là dont un bon nombre sont maintenant historiques. Que vont-ils devenir ? Je me souviens qu’il a voué au jazz avec une fidélité sans pareille une vie riche et belle. Je me souviens aussi que nous nous sommes bien marrés et c’est peu de le dire ; d’y penser, j’ai encore mal aux abdos. Je me souviens enfin que je ne m’habitue pas à penser qu’il n’est plus là. Alors quoi ? Je vais continuer à aller écouter des jazzmen, les photographier et, avec certains d’entre eux, nous parlerons de lui. Tout simplement.


Cent treizième étape

Christophe Metra

C’était l’été avant l’été, poil au nez. C’est pour ça qu’on était venu (vous n’y avez pas cru ?), pile poil en retard… C’était le 10 juin et Judy Garland est née ce jour-là (1922) tandis qu’en 2017 au Péristyle de l’opéra de Lyon, la saison débutait avec Wilhelm Coppey et son quartet, en l’occurrence Christophe Metra à la trompette, Brice Berrerd à la contrebasse et Cédric Perrot à la batterie. En deux mots comme en cent, Bop Bop. Un public nombreux et chaud comme la braise pour une musique qui afficha sans complexe son parti-pris. Hommage au bon vieux jazz de derrière les fagots, du swing et du swing, des quatre quatre en veux-tu en voilà. De quoi joyeusement agrémenter un samedi estival. Nous prîmes donc du plaisir à retrouver ce Péristyle qui, avec le temps, est en passe de devenir une institution et une chance pour les musiciens locaux de faire connaître leurs projets devant un public nombreux, au cœur de la ville.


Cent quatorzième étape

Stracho Temelkovski

Alors comme le dit Péristyle est un lieu sympathique, en ce 1er juillet qui vit le début de la bataille décisive de Gettysburg (1863), nous étions à nouveau là, au rendez-vous donné par le trio de l’excellent multi-instrumentiste d’origine macédonienne Stracho Temelkovski (basse, mandole, viola, percussions) avec l’accordéoniste Jean François Baez, le saxophoniste Jean-Charles Richard et, en invité, à la cithare, Ashraf Sharif Khan. Une soirée balkanique donc. Nous le savons, les Balkans sont une terre de contraste où coexistent depuis toujours l’orient et l’occident à travers une population multi ethnique. La musique née de ce multi culturalisme est à cette image et la formation que nous écoutâmes l’était aussi, étendant même jusqu’au Pakistan son goût pour la découverte. Avec des instrumentistes accomplis capables de basculer d’un monde à l’autre à chaque instant, la trame musicale de la soirée fut chatoyante, riche de sonorités et d’espace, tour à tout festive et nostalgique, jamais lassante. Elle eut également le bon goût de fédérer le public du péristyle qui, d’un set l’autre, varie au gré des flux humains déambulant dans la presqu’ile ; ce n’est pas à la portée de toutes les musiques et cela nécessite en outre des musiciens autant de science que de générosité.

Des Balkans pacifiques, il ne reste aujourd’hui que cette musique qui vit encore sur fond d’exode massif vers les pays les plus riches de l’Europe. Alors attendons que la bêtise humaine entre en déréliction, si cette possibilité existe. Quoi qu’il en soit, « l’espoir est humainement terrestre ; c’est une marque d’imperfection. » Nous ne sommes pas l’auteur de cette sentence vertigineuse. Ernst Jünger l’a écrite dans ces journaux de guerre. Question : la musique est-elle un refuge ?


Dans nos oreilles

Pink Floyd - Meddle


Devant nos yeux

Luis Sepulveda - L’ouzbek muet