Cent trente et unième étape

Gerardo Nunez
Gerardo Nunez

En ce deuxième jour de décembre de l’année 1980 Romain Gary, toujours aussi joueur, se tirait une balle dans la bouche avec un Smith & Wesson de calibre 38. Efficace et pas dans la demi-mesure comme à son habitude. Son vieux pote de la rue du bac, Roger Grenier, vient de se faire la malle en douceur, le 8 novembre dernier, à 98 ans. Pure coquetterie ? Nous ne le saurons jamais. Notre seule question demeure : mais vers qui va-t-on se tourner maintenant pour écouter une anecdote inédite sur le sieur Kacew  ? Argh ! Le pérégrin vient de s’apercevoir qu’à la fin de la vie, il n’y a pas de rappel. Vous ratez la dernière mesure, vous êtes mal pour, au moins, l’éternité. En guise de vengeance envers ces deux zigues peuplant notre bibliothèque de blancheur gallimardienne, ce 02 décembre 2017, nous allâmes écouter Ulf Wakenius et Gerardo Nunez à l’excellent (et toujours trop méconnu) festival « Les guitares  » de Villeurbanne. Dans la salle de l’Espace Tonkin, soutenus par Cepillo aux percussions, l’andalou et le suédois donnaient à ouïr le fruit de leur collaboration musicale (déjà traduite en enregistrements de qualité). Chacun des guitaristes débuta par un solo puis, comme trois larrons en foire sûrs de leur coup, ils nous collèrent une bonne baffe. Et comme ils sont bons amis, aucun ne tenta d’étouffer l’autre. Alors, s’il fut indubitable qu’ils étaient virtuoses, nous donnâmes la palme de la musicalité à Gerardo Nunez et le grand prix de la flamboyance à Ulf Wakenius. Cepillo, lui, remporta le prix de l’indispensable présence rythmique. L’on pourrait dans le même esprit distribuer le prix du public au public (où l’on parlait beaucoup l’espagnol, entre soi comme avec les musiciens d’ailleurs) qui donna à cette soirée une coloration plus que conviviale. Sur scène, les improvisations contemplatives (arabesques andalouses) du natif de Jerez de la Frontera se frottèrent aux emportements mélodiques et aux variations percussives de ses camarades de jeu. L’on pensa bien sûr à ceux d’avant qui les premiers firent les épousailles entre flamenco et jazz. Mais Paco n’est plus là, John est vieux et seul Al (c’est pas Martial) semble encore avoir encore du jus. Alors il est grand temps de considérer Gerardo Nunez (et Vicente Amigo, et Tomatito) en tenant de la boutique, tant sur le plan de l’écriture qu’en terme de technique instrumentale. Ulf Wakenius, lui, demeure à part, n’entrant vraiment dans aucune case. C’est méritoire. Et c’est dangereux. Quand un musicien a de multiples personnalités, en a t’il vraiment une ? Nous nous posâmes la question hier soir sans nier son immense talent pour autant. Une chose est certaine, son énergie débordante fut communicative et peut-être est-ce là le secret de l’aura dont il jouit de par le monde.

En (brève) première partie de soirée, « Leo Gipsy Trio », un trio de guitares du crû présenta sans démériter un répertoire basé sur de versions instrumentales de chansons françaises. Le chilien Felipe Silva Mena, Laurent Vincenza, et Simon Hel donnèrent leur vision musicale de titres emblématiques issus du patrimoine. Plutôt sympathique pour tout dire et assurément de quoi bien débuter la soirée dont il était question ci-dessus.


Pour se faire une idée

Gerardo Nunez & Ulf Wakenius + Cepillo - Logos - ACT 9822-2


Dans nos oreilles

Tift Merritt - See you on the moon


Devant nos yeux

Kent Haruf - Nos âmes la nuit