Deux apéros-concerts en novembre.

> Jeudi 9 Novembre 2017 : L’Appel du 5
> Jeudi 16 Novembre 2017 : Greg Lamy Quartet

La salle Stendhal, c’est où ? Il vaut mieux avoir l’adresse pour la trouver car elle est plutôt discrètement signalée ! C’est en tout cas cette salle qui accueille les sympathiques apéros-concerts du jazz-club de Grenoble les jeudis soir, à une heure compatible avec le travail pour les uns et le risque d’endormissement pour les autres. Du vin rouge pour se mettre à l’aise, des petites assiettes pour grignoter mais pas de noix (sauf oubli de ma part) dans la capitale de ce fruit automnal (pluriel : des fruits au tonneau)… Que les littéraires me pardonnent cette allusion vaseuse, j’en conviens, à un illustre écrivain ! De Stendhal aux standards… il n’y a pas loin.
Salle quasi-comble à chaque fois, ambiance club, proximité avec les musiciens : on peut même regretter l’absence d’estrade mais la projection simultanée des images filmées permet de bien apprécier le jeu de chacun, notamment lors des solos.
Point commun des deux concerts relatés ici, plus sommairement pour le second, le leadership des formations est assuré par un guitariste maniant la demi-caisse avec un son typiquement jazz mais qui n’exclut pas quelques incursions furieuses dans des ambiances rock quand les morceaux s’y prêtent, ce que votre serviteur ne peut qu’apprécier compte tenu de son penchant pour le rock dit progressif. Et aussi deux saxophonistes qui s’en tiennent à l’alto pour l’un et au ténor pour l’autre, mais avec brio dans les deux cas.


L’Appel du 5 : un voyage circum-méditerranéen
Alexandre Demolliens : guitare
Yazdhi Chalabi : Saxophone alto
Jacky Arpino : banjo
Louis Ménard : contrebasse
Jorge Costagliola : percussions

L'Appel du 5
L’Appel du 5

La particularité de cette formation réside dans la combinaison heureuse de la guitare électrifiée et du banjo (pour une fois sorti de son embrigadement par le dixieland), associés à des percussions et non à une batterie, dans l’esprit de Jarrod Cagwin avec Rabih Abou-Khalil par exemple. Le tout, sur des compositions faisant largement référence aux musiques balkaniques, méditerranéennes et arabo-andalouses, nous emporte dans une très stimulante navigation d’un bout à l’autre de la Méditerranée et en vue des montagnes qui l’entourent. Pointent ici et là des références plus éloignées au reggae et au ska, et au tango (Vers Moulu) encore plus au sud.
Les compositions sont souvent complexes avec de soudains changements de rythmes négociés avec une impressionnante maîtrise. L’exécution est débordante de vitalité, chaque musicien est bien mis en valeur même si la vedette est solidement barrée par le guitariste Alexandre Demolliens. Un concert très plaisant donc, avec une majorité de compositions originales issues du nouvel album « Mi fugue Mi raison », bien nommé puisque la figue et le raisin sont deux bases de la diète méditerranéenne. On en redemande.
La reprise du morceau Fred de Tony Williams (période Lifetime) est tout aussi convaincante, en écho à celle d’Allan Holdsworth dans un quartet récent (album « Blues For Tony »). Après le break, on revient logiquement avec le chaloupé La Soif mais la barque tient le flot puisque la soif est étanchée. Un peu plus tard, un emprunt à Henri Texier nous incite à ne plus acheter d’ivoire, mais les éléphants alpins sont à Chambéry (« les 4 sans cul » à y voir sans défense) : à chaque ville du massif sa spécialité, encore que cette reprise ne manque pas de poigne (comme aurait dit le Général de Boigne).
Fin du voyage ensoleillé avec Ghost Dance, mais à la sortie du concert la ville est encore bien peuplée d’êtres humains bien vivants et l’Isère voisine coule toujours en direction de la Méditerranée avant d’être happée par le Rhône. Il fait un peu frais pour se croire sur ses rivages et l’appel du lit remplace légitimement L’Appel du 5.


Greg Lamy Quartet : voyage autour d’un clavier… sans clavier !

Greg Lamy Quartet
Greg Lamy Quartet

Ce concert ayant eu lieu la veille de celui déjà relaté dans ces colonnes par Alain Gauthier, je vous renvoie à sa lecture (c’est ici...).
À Grenoble le 16 novembre, c’était le soir du Beaujolais nouveau mais l’auditoire a eu assez de retenue pour rester en capacité d’apprécier cet excellent concert d’un quartet sans clavier mais sur un répertoire dont les noms empruntent au vocabulaire d’un clavier d’ordinateur (Press Enter, Exit, Control Swift, etc.). Il est vrai qu’au Luxembourg dont est originaire le leader de ce quartet, il vaut mieux savoir pianoter pour gérer les finances.
Au demeurant, il ne manquait que les carreaux à la chemise de Greg Lamy (et une légère calvitie à la rigueur) tant son jeu peut faire penser à John Scofield, univers d’ailleurs conforté par le jeu très « breckerien » du saxophoniste Damien Prud’homme (je vous le conseille). J’ai pensé aussi, lors de silences légitimes du dit saxophoniste, au trio de Marc Ducret dans l’album « La Théorie du Pilier » qui reste une référence dans la guitare jazz. Mais aussi par moments au « 80/81 » de Pat Metheny avec Mike Brecker, pourquoi pas.
Pour rester dans la métaphore informatique, allez écouter dès que possible ce groupe en forme de demi-octet mais proposant des mega-beats non exempts de risettes. Et accessoirement, lâchez votre clavier et allez visiter le Luxembourg qui n’est pas qu’un paradis fiscal ; il renferme de bien beaux paysages.