Quinzième équipée

En ce 23 octobre 2018, Claudia Solal et Benjamin Moussay rhinorisèrent le jazz au Périscope avec leur duo cuisiné au beurre. Une soirée aux petits oignons après mon écart pop rock au Ninkasi Kao qui sentait les nouilles (je n’invente rien), la sueur et la bière. La salle, pas Anna Calvi qui a, je vous informe à toutes fins utiles, des origines italiennes (souvenez-vous des nouilles ci-dessus s’il vous plait). A leur habitude, avec un humour décalé et non sans profondeur, les deux comparses entrainèrent la salle dans leur ubéreux univers et moi avec. Celles et ceux qui ne connaissaient pas le projet apprirent que la vocaliste eut la berlue à Berlin, qu’à un moment elle ne sut pas sur quelle multipiste se poser et que le beurre dans son cerveau ne fut pas qu’une cerise sur le gâteau quand le pianiste moussait. En un mot comme en cent (sang), ce fut capiteux, sensuel, épris de liberté première, de libre échange humain, humecté par une poétique aux faux airs d’enfadolescence (la plus tragique), truffé de non-dits lumineusement exprimés dans une vie musicale rêvée, les sens grand ouverts sur l’essence de l’indocile. Benjamin Moussay crépita d’intelligence complice et ses claviers baroque (‘n’ roll) et improvisatoires n’eurent qu’à mal se tenir face aux éclats vocaux versatiles de Claudia Solal. Dans la salle, il y eut à coup sûr deux ou trois bipèdes locaux interloqués (disloqués) par l’audace créative de ce duo épris d’exigence artistique. Qui sait s’ils n’avaient pas frit leurs cerveaux laids à la végétaline et ne surent, par suite, aborder cette douce insurrection cérébrale, du genre de celles qui favorisent la bonne incompréhension du monde que l’on endure quand on oublie que les arbres sont verts, que les moineaux portent un bonnet de nuit, ce qui je le confesse ne rend pas l’herbe à l’affût plus verte.

A propos d’insurrection, en 1956, celle de Budapest se déclencha un 23 octobre. C’était aussi un mardi mais les hongrois eurent du mal à remettre le couvert après la répression. Un demi-siècle passe et ils se vautrent aujourd’hui dans l’ultra nationalisme. Hongrois rêvé ? Allez comprendre. Ce qui manquera aux extrêmes jusqu’à la fin des taons, c’est l’idée même de la tendresse. Alors, pour consoler mes synapses affligées, de retour dans ma caverne, j’ai célébré l’anniversaire de Dianne Reeves en écoutant « Good night and good luck. » C’est sorti chez Fantasy Concord. La concorde fantaisiste ? Deux autres mots sympathiques pour un duo. N’était-ce pas le thème de la soirée ?


Dans nos oreilles

David Bowie - Aladdin Sane


Devant nos yeux

François Maspéro - Le vol de la mésange


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