| 00- JEFF LEDERER SUNWATCHER QUARTET . Eightfold path
| 01- LUNDGREN / DANIELSSON / PARISIEN . Into the night- OUI !
| 02- ENRICO RAVA . Edizione speciale - OUI !
| 03- S.DOMANCICH / S.GOUBERT . Twofold head
| 04- ALVIN QUEEN TRIO . Night train to Copenhagen
| 05- CHET DOXAS . You can’t Take It With You - OUI !
| 06- DAVID SANFORD BIG BAND featuring HUGH RAGIN . A Prayer For Lester Bowie
| 07- THEO GIRARD . Pensées rotatives
| 08- ADRIEN CHICOT . Babyland
| 09- FABRICE TAREL TRIO . Flower in the desert


  JEFF LEDERER SUNWATCHER QUARTET . Eightfold Path

Little (i) music

Jeff Lederer : saxophone
Jamie Saft : piano, orgue
Steve Swallow : basse
Matt Wilson : batterie

Si l’on croit le texte de présentation du disque, c’est d’une réflexion sur les huit principes fondamentaux de la conduite bouddhiste. N’étant pas particulièrement féru dans ce domaine, nous nous sommes contentés d’écouter de la musique. Et c’est déjà beaucoup. Enregistrée en une après-midi à l’été 2020 cette galette possède un bel univers qui lui est propre. Le line-up du quartet Sunw atcher réunit quatre musiciens plus que talentueux. Seule différence avec leur premier Cd paru il y a une dizaine d’années, Steve Swallow succède à Buster Williams. De l’exceptionnel à la place de l’exceptionnel quoi. Les quatre musiciens sont en osmose, à tel point que tous les titres enregistrés sont des premières prises. D’humeur changeante, la musique puise son originalité dans celle des jazzmen qui la produise. C’est construit, d’une fraîcheur véritable et d’une densité non négligeable. Cela nous a fait penser à ces combos des années soixante dix toujours prêt à improviser sur les idées spontanées. Nous ne savons pas si Jeff Lederer est un grand mystique mais lui et ses acolytes appartiennent à la caste des créateurs inspirés. Ca c’est sûr. A écouter bien évidemment.

Yves Dorison


https://www.littleimusic.com/


  LUNDGREN / DANIELSSON / PARISIEN . Into the night

Act Music

Jan Lundgren : piano
Lars Danielsson : contrebasse
Emile Parisien : saxophone

La Covid 19 possède quelquefois des avantages. Sans elle, ce trio n’aurait pas vu le jour. Le batteur du dit trio n’ayant pu se déplacer pour le concert en raison des restrictions faites aux voyageurs, c’est Émile Parisien qui s’est invité pour un remplacement spontané à ce concert enregistré en Suède. Qualifié par le pianiste de « divine providence », la rencontre des trois musiciens est de fait une impeccable réussite. Grandement musicale, hautement mélodique, réellement inspirée, la musique de ce trio se berce des échos d’une volupté apaisée. Elle glisse entre les courants avec une sourde langueur qui voile à peine l’épaisseur et la force du propos des musiciens. Qu’il s’agisse de musique traditionnelle ou des compositions de chacun des protagonistes, l’alchimie est là et elle se réinvente dans l’instant autour d’improvisations expressives empreintes de lyrisme aux origines multiples. Et si Jan Lundgren et Lars Danielsson se connaissent et sont irréprochables, c’est bien l’apport musical d’Émile Parisien qui projette le trio dans une dimension nouvelle qui nous a séduits. Un bien beau disque à ne pas manquer.

Yves Dorison


https://www.janlundgren.com/


  ENRICO RAVA . Edizione speciale

Ecm

Enrico Rava : trompette et bugle
Francesco Bearzatti : saxophone ténor
Giovanni Guidi : piano
Gabriele Evangelista : contrebasse
Enrico Morello : batterie
Francesco Diodati : guitare

Qui veut du jazz à l’italienne, version vitaminée et léchée, sans compromis ? Avec ce disque enregistré (à l’endroit) en concert à Anvers, vous allez être servis. Dans ce Cd, jamais à court d’idées, la musique de l’octogénaire triestin tutélaire, propulsée par des artistes non moins talentueux que lui, s’épanouit pleinement. Elle envahit l’espace par de multiples lignes directionnelles qui, toutes, alimentent une musique aussi complexe que d’approche aisée. Ce doit être cela l’art. Toujours lisible quel que soit le ou les formats choisis. A ce petit jeu, le guitariste, le pianiste et le saxophoniste (Guidi, Diodati, Bearzatti) ne sont pas en reste et le leader les laisse évoluer avant de reprendre la main quand il l’estime nécessaire. La rythmique, tout au long de l’album se plie aux contraintes imposées avec une rigueur et une justesse évidentes. Riche de timbres et d’idées la musique de l’inusable Enrico Rava ne lâche rien. Mélodique à l’italienne, jazzy comme toujours et créative en diable, elle demeure une référence incontournable et enviée dans le jazz européen. Pourvu que cela dure encore longtemps.

Yves Dorison


http://www.enricorava.com/


  S.DOMANCICH / S.GOUBERT . Twofold head

Peewee !

Sophia Domancich : piano, claviers
Simon Goubert : batterie

Deux jours d’enregistrement en studio, dans les conditions du direct, autour du cinéma de David Lynch, c’est le contenu musical du nouveau disque de Sophia Domancich et Simon Goubert. Le duo est alchimique depuis longtemps et l’envie d’explorer musicalement l’univers du cinéaste taraudait la pianiste depuis quelques temps déjà. Voilà qui est fait et bien fait. Que l’on connaisse ou non les films et court-métrages de Lynch peut avoir son importance à l’écoute de ce Cd, mais ce n’est cependant pas rédhibitoire. Nous qui ne sommes pas connectés à ce cinéma-là avons profité pleinement de la musique méandreuse du duo, musique dont l’étirement temporel crée à tout moment des zones de suspension agrégées à des rythmiques traduisant, nous a-t’il semblé, les obsessions oniriques du natif du Montana. D’un morceau l’autre, le duo dialogue avec une finesse et une imagination dont il est coutumier. Quant à nous, l’on s’est pris à écouter sa musique sans plus se soucier du postulat, ce qui n’empêche pas d’avoir sa propre boite à images, même si ces dernières ne sont pas le fait de David Lynch qui, par ailleurs, est aussi musicien.

Yves Dorison


https://www.facebook.com/Sophia-Domancich-124539524280359/


  ALVIN QUEEN TRIO . Night train to Copenhagen

Stunt Records

Calle Brickman : piano
Tobias Dall : contrebasse
Alvin Queen : batterie

Le batteur américain installé en Suisse depuis les années quatre-vingt possède un curriculum vite fait plus long qu’un jour sans pain. Aux côtés d’Horace Silver, de George Benson, De Horace Parlan, de Kenny Drew, de Pharoah Sanders ou encore d’Oscar Peterson, la liste n’est pas exhaustive, il a parcouru le jazz de la seconde moitié du XXème siècle avec une constance qui a mis en évidence son jeu atypique. Dans cet album où il s’est acoquiné avec deux jeunes pousses suédoise et danoise, il rend hommage à Peterson, période Night Train et We get request et à la ville de Copenhague où bien des jazzmen américains ont trouvé refuge (et studio ouvert) à une époque où le jazz déclina sévèrement dans les médias (cela ne s’est pas arrangé depuis) et son audience avec. Quoi qu’il en soit, cet album est plutôt sympathique et nous ramène au jazz mainstream que nous avons découvert il y a longtemps et qui nous néanmoins mené vers d’autres jazz(s) plus ardus et encore plus confidentiel. L’affaire est rondement mené, le swing est bien là pour honorer les standards qui se succèdent tout au long de l’album et le batteur excelle dans un genre qui pour lui est une seconde nature. De temps en temps, c’est cool d’écouter cela. Tiens la dernière fois que l’on a vu Alvin Queen sur scène, c’était avec Mulgrew Miller et NHOP et c’était bien.

Yves Dorison


https://alvinqueen.com/


  CHET DOXAS . You can’t Take It With You

Whirlwind recordings / Socadisc & Bandcamp

Chet Doxas : saxophone ténor
Ethan Iverson : piano
Thomas Morgan : contrebasse

Chet Doxas
You can’t Take It With You - Whirlwind Rec. 2021
© Whilwind recordings - 2021

L’écoute de ce trio vous évoquera sans doute celui (cultissime) de Jimmy Giuffre jadis ou encore le trio de Carla Bley avec Steve Swallow et Andy Sheppard. Ce n’est surtout pas un hasard. Chet Doxas, saxophoniste canadien, vénère le premier et entretient une amitié fertile avec le couple Bley-Swallow, ses mentors dit-il. Dans le jazz, faire tenir d’aplomb un trio sans batterie nécessite une équipe irréprochable et une connivence parfaite dès lors que l’on souhaite que la musique vive, palpite, ait une âme. En s’associant au pianiste Ethan Iverson, célèbre chauve du Wisconsin, co-fondateur de The Bad Plus il y a 20 ans et au formidable contrebassiste Thomas Morgan au look d’éternet adolescent, Chet Doxas a concocté une recette magique. Alors, au-delà de l’évocation des trios de référence, ce disque de Chet Doxas, son premier chez Whirlwind, nous offre une série de dix compositions qui sont autant de défis, écrites en 25 minutes chrono, à raison d’une par mois, fignolage compris. Un défi que seuls les sorciers Bley & Swallow pouvaient lui imposer en toute bienveillance. Il l’a fait, magistralement ! Écoutez ça maintenant...

Thierry Giard


www.chetdoxas.com . chetdoxas-whirlwind.bandcamp.com


  DAVID SANFORD BIG BAND featuring HUGH RAGIN . A Prayer For Lester Bowie

Greenleaf Music / Orkhêstra & Bandcamp

Ted Levine, Kelley Hart-Jenkins, Anna Webber (1, 2, 7, 8), Marc Phaneuf (3-6), Geoff Vidal, Brad Hubbard : saxophones
Brad Goode (1-7), Tony Kadleck (8), Tim Leopold, Wayne J. du Maine, Thomas Bergeron : trompettes
Mike Christianson, Jim Messbauer, Ben Herrington (1, 2, 4, 6-8), Mike Seltzer (3, 5) : trombones
Steven Gehring : trombone basse
Raymond Stewart : tuba
Dave Fabris : guitare électrique
Geoff Burleson : piano
Dave Phillips : basse et contrebasse
Mark Raynes : batterie
Theo Moore : percussion
David Sanford : direction (1-4 and 6-8)
Hugh Ragin : trompette + direction sur 5

David Sanford Big Band feat. Hugh Ragin
A Prayer for Lester Bowie
Greenleaf records - 2021

Hommage à un trompettiste par un autre trompettiste sur le label d’un trompettiste. Ou comment on réunit le regretté Lester Bowie, le texan créatif et très vaillant Hugh Ragin (né en 1951) chez Dave Douglas (Greenleaf records). Le compositeur et chef d’orchestre David Sanford (né en 1963), lui-même petit fils d’un trompettiste de jazz a souhaité associer le grand ensemble qu’il dirige à un projet autour de la composition de Hugh Ragin A Prayer For Lester Bowie, un hommage en forme de condensé de l’histoire du jazz.
Si on excepte la Dizzy Atmosphere de Dizzy Gillespie, on trouve donc dans ce disque six compositions originales de belle facture écrites par David Sanford au cours des vingt dernières années. Que Lester Bowie n’occupe finalement qu’une petite place dans ce disque aux ambiances variées n’a guère d’importance. Ceux qui, comme nous, souhaitent rappeler la place essentielle des racines afro-américaines du jazz pourront retrouver dans ce disque l’esprit de cette musique toujours créative qui se nourrit de son histoire pour aller au-delà et laisser une large place à la spontanéité des solistes souvent jeunes dans un ensemble qui a du souffle.

Thierry Giard


greenleafmusic.com/a-prayer-for-lester-bowie. davidsanfordbigband.bandcamp.com


  THEO GIRARD . Pensées rotatives

Discobole Records

Antoine Berjeaut, Julien Rousseau, Simon Arnaud, Jérôme Fouquet, Nicolas Souchal : trompette
Basile Naudet, Martin Daguerre, Adrien Amey, Raphaël Quenehen : saxophone alto
Théo Nguyen Duc Long, Morgane Carnet, Nicolas Stephan, Sakina Abdou : saxophone ténor
Sebastian Rochford : batterie
Théo Girard : Contrebasse, direction artistique, compositions

Le communiqué de presse explique la chose suivante sur ce disque enregistré en concert à Jazz sous les pommiers en 2019 : « Théo Girard a donc imaginé une véritable mise en scène circulaire. Une partie du groupe se niche au milieu des spectateurs, c’est le quartet trompette-saxophone- basse-batterie du disque « Bulle » ; une autre partie encercle le public : c’est la couronne des soufflants. » Ce devrait intéressant à voir. Une chose est certaine, c’est très agréable à écouter. Des petites mélodies a priori paisible qui, par la grâce des intervenants, bifurquent et se perdent dans des champs musicaux où les repères habituels répondent absent, ce n’est pas tous les jours. Chaque soufflant apporte avec lui son lot de surprises et le propose au reste du groupe qui fait de même. Là encore, comme il est dit dans le communiqué précédemment cité, c’est à Charles Mingus que nous avons pensé. Entre écriture et improvisation, la ronde musicale progresse, calme ou sauvage, mais toujours surprenante de profondeur et d’originalité. Une réussite incontestable empreinte de poésie et de groove.

Yves Dorison


https://www.facebook.com/togirard


  ADRIEN CHICOT . Babyland

Gaya Music Productions

Adrien Chicot : piano, Fender Rhodes
Ricardo Izquierdo : saxophone
Julien Alour : trompette
Sylvain Romano : contrebasse
Antoine Paganotti : batterie

Pianiste de son état et auteur de trois albums en trio (All in 2014, Playing in the dark 2017, City walk 2018), avec déjà la compagnie du contrebassiste Sylvain Romano, le pianiste Adrien Chicot, pour ce dernier opus Babyland, revient en quintette avec les cuivres de Julien Alour (trompette) et Ricardo Izquierdo (saxophone). Adrien Chicot s’avance aussi ici, avec raison, en tant que compositeur de l’ensemble des titres.
Rien d’enfantin dans ce disque Babyland placé sous le signe de l’enfance et ayant pour dédicace le poème « Le fils » de Pablo Neruda sinon un véritable enthousiasme et beaucoup de fraîcheur dans les compositions ainsi que dans leur interprétation.
Les cuivres apportent à la section rythmique toute l’invention et la fantaisie qui font le charme de ce Cd. De l’impératif Now au chaloupé Cala Cardo jusqu’au Birth doté d’une voix évoquant les mots de l’enfance (?) et pour nous (allez savoir pourquoi) celle de la mendiante d’India Song de Marguerite Duras. Dans Meeting with Fred, Adrien Chicot donne sa pleine mesure, lyrique et swinguant à la fois, sous les doigts et les baguettes inspirées, respectivement du contrebassiste Sylvain Romano et du batteur Antoine Panagotti. Le tout culminant dans ce très beau titre, The rooster in the hat is watching TV, aux accents classiques et aux modulations aventureuses.
Un disque pour tous les âges !

Jean-Louis Libois


www.adrienchicot.com


  FABRICE TAREL TRIO . Flower in the Desert

Tetrakord

Fabrice Tarel : piano, compositions
Yann Phayphet : contrebasse
Charles Clayette : batterie

Placé sous le signe de l’espoir, ce récent enregistrement du pianiste Fabrice Tarel est tout bonnement lumineux.
L’idée du trio a surgi lors de son séjour de trois ans - dans les années 2000 -en Angleterre, même si les musiciens au sein de cette formation en trio ont depuis varié. Pour ces deux derniers disques, nous retrouvons les noms de Yann Phayphet à la contrebasse et de Charles Clayette à la batterie.
Auteur des compositions ainsi que des brefs textes qui accompagnent chacune d’entre elles, le pianiste impose un piano mélodique aussi bien que rythmique avec un grand sens de l’équilibre ; chaque morceau étant doté d’une couleur propre.
On pourrait lui reprocher son manque d’anfractuosités, son absence de doute mais s’il est vrai que la musique composée par ce musicien est tout sauf tourmentée, on appréciera l’enthousiasme de son interprète, la fraîcheur et le lyrisme de ses compositions.
« C’est coloré et créatif, toujours précis » concluait Yves Dorison, à l’occasion du précédent opus de ce même trio, dans l’Appeal du disque de novembre 2018.
Rendez vous à 19h30 au Sunside, le 1er décembre prochain.

Jean-Louis Libois


www.fabricetarel.com