| 00- IIRO RANTALA . Potsdam- OUI !
| 01- CLAUDE TCHAMITCHIAN QUINTET . Ways out- OUI !
| 02- VINCENT PEIRANI . Jokers- OUI !
| 03- LYNNE ARRIALE . The lights are always on- OUI !


  IIRO RANTALA . Potsdam

Act Music

Iiro Rantala : piano

OUI

La ville de Potsdam figure en bonne place dans l’histoire allemande. Du château de Sans-souci aux dérives nazies, elle fut également la frontière ouest du mur, Potsdam a vu passer bien des vicissitudes. Elle est aujourd’hui une ville agréable et le titre du dernier solo en public d’Iiro Rantala. Lieu de l’enregistrement, entre les cordes du pianiste finlandais, elle est lyrique et joyeuse, mélancolique et douce. Toujours, elle est mélodique, très mélodique, et l’on reconnait bien là la patte « Rantala », cette dualité dans son caractère qui fait tout son charme. Farceur ou émotif, expressif en toute circonstance, il promène sa virtuosité sans effort apparent. Tout paraît donc très simple à l’écoute et c’est peut-être l’une des raisons qui font que certains l’ignorent. Son style vif et alerte est un hommage vivant à Oscar Peterson, pas une pâle copie. Son intelligence musicale est telle, sa liberté d’approche si prégnante, que l’on ne peut qu’être conquis par son travail, magnétique à bien des égards, et si d’aucuns le pensent un peu trop versatile, c’est qu’ils leur manquent une oreille ou deux. Quoi qu’il en soit, Iiro Rantala est entier et ne retient pas sa nature profonde. C’est pour cela qu’on l’aime, beaucoup. Avec en sus dans ce disque une belle reprise lenonnienne de « Women » et deux gouttes de Bernstein, ça le fait, comme on dit.

Yves Dorison


https://fr.wikipedia.org/wiki/Iiro_Rantala


  CLAUDE TCHAMITCHIAN QUINTET . Ways out

Label Emouvance

Claude Tchamitchian : contrebasse & compositions
Daniel Erdmann : saxophones ténor et soprano
Régis Huby : violon, effets
Rémi Charmasson : guitare
Christophe Marguet : batterie

OUI

Après « Ways out » en quartet il y a une dizaine d’années, voici « Ways out » en quintet, le cinquième élément étant Daniel Erdmann (qu’on ne présente plus depuis belle lurette). Claude Tchamitchian aime les formes longues permettant de conter les histoires dans le détail et avec précision, d’autant plus qu’il faut de l’espace pour l’improvisation. Alors, sans renoncer à rien, il construit des mondes musicaux qui n’appartiennent qu’à lui. Et chacune de ses histoires est parée de multiples facettes, où se mêlent les genres, qui sont autant d’ouvertures sur l’imaginaire. Portées par des musiciens XXL, Ways out explore et interroge l’avenir du monde humain, la primauté de l’être bafouée par des sociétés bâties sur le bénéfice égoïste autant que brutal. Claude Tchamitchian et ses acolytes démontrent l’évidence : autrui existe, il respire, il inspire, est notre indispensable miroir. Et nous nous demandons bien comment nous pouvons l’oublier au quotidien. De quoi être en colère, ce qui s’entend ici et là dans les compositions sensuelles du contrebassiste. De quoi espérer aussi : et c’est à n’en pas douter le fil conducteur de ce disque animé par une ferveur non feinte mais qui ne se berce aucunement d’illusion. C’est également l’album d’un collectif à l’opposé du nombrilisme ambiant.

Yves Dorison


https://tchamitchian.fr/compagnie/ways-out/


  VINCENT PEIRANI . Jokers

Act Music

Vincent Peirani : accordéon, accordina, clarinette, boite à musique, claviers, glockenspiel, voix

Federico Casagrande : guitare
Ziv Ravitz : batterie, clavier (9)

OUI

Si vous voulez savoir pourquoi l’accordéoniste niçois a fait ce disque qui ratisse étonnamment large, sachez qu’il n’écoute pas que du jazz. Et non je ne suis pas devin : j’ai lu la pochette et j’ai vu écrit Marilyn Mansion, Nine Inch Nails, entre autres. Ceci dit, nous savions déjà que l’exploration est une pierre angulaire pour lui et qu’à ce titre il n’a aucune raison de se priver. Alors quoi, c’est donc du rock ? Et bien non, c’est de la musique. Certes, pour les puristes (il en existe encore), elle navigue en eau trouble. Gorgé d’influences bien digérées, elle offre aux mélodies des espaces ludiques ainsi que des dérapages contrôlés pour agrémenter les rives (et dérives) du paysage qui n’est jamais un pays sage. Facile celle-là… Enfin passons. Pour la bonne cause, dans cet album, Vincent Peirani devient multi instrumentiste, histoire de brouiller un peu plus les pistes peut-être. Une chose demeure, la variété des timbres charge sa musique d’une densité autre et la renouvelle. Et bien que nous fûmes convaincus du talent de l’artiste avant ce disque, nous apprécions grandement cette nouvelle approche vitaminée qui nous fait souvenir que nous n’avons pas toujours écouté du jazz (et c’est toujours le cas d’ailleurs). A la guitare, le très imaginatif Federico Casagrande est égal à lui-même, c’est-à-dire très largement au-dessus du lot. Et comme il joue avec Ziv Ravitz depuis un bon bout de temps, ce dernier avance en terrain connu avec la maîtrise qu’on lui connait. Sur cette base, la greffe entre les trois ne fait aucun rejet. Par contre, nous aimerions bien qu’elle fasse quelques rejetons ! Allez, il m’a mis en forme ce trio, je vais réécouter Beck Bogart Appice avant d’aller voter. Et d’ailleurs, vous ne trouver pas que « Sweet sweet surrender » pompe un peu le « I shall be released » de mister Bob ?

Yves Dorison


https://vincent-peirani.com/


  LYNNE ARRIALE . The lights are always on

Challenge Records

Lynne Arriale : piano
Jasper Somsen : contrebasse
E.J. Strickland : batterie

OUI

Lynne Arriale a derrière elle une très belle et longue carrière (devant aussi d’ailleurs). Mais ici, personne ne la connaît ou presque. L’avez-vous déjà vue dans un grand festival ? C’est dommage car c’est une artiste qui mérite bien plus qu’un petit détour. Avec le grand E.J. Strickland à la batterie et l’excellent Jasper Somsen à la contrebasse, elle continue, dans cet album, son chemin de jazz, un chemin tout d’élégance et de grâce. Nous nous demandons depuis longtemps si sa musique est une musique du cœur qui parle à l’esprit ou bien une musique cérébrale qui parle au cœur. Et nous n’arrivons toujours pas à nous décider. Il est probable que l’alchimie interne qui la caractérise relève de l’indicible. C’est un peu comme chez Bill Evans, voyez-vous. Quoi qu’il en soit, son univers est suffisamment riche pour qu’on l’écoute sans se poser de question. Certes, dans la forme comme dans le fond, cet univers personnel appartient au jazz classique contemporain, mais ce n’est pas un défaut que je sache. Sa musicalité, emplie d’un savoir délicatement mis en œuvre, mérite à elle seule une écoute approfondie. Mais comme elle n’est pas accompagnée par des seconds couteaux, il est nécessaire de porter une attention particulière à la musique de ce disque car elle détient les clefs d’une originalité pianistique qui nous parle habilement et harmonieusement, à mots couverts, avec une fausse simplicité et une sincérité véritable.


https://www.lynnearriale.com/