| 00- KETIL BJØRNSTAD . New Morning
| 01- HIRSUTE . Miniatures du dedans
| 02- QUENTIN GHOMARI . Ôtrium
| 03- BINKER GOLDING . Dream like a dogwood wild boy
| 04- MARTIN BEJERANO . #CubanAmerican


  KETIL BJØRNSTAD . New Morning

Grappa

Ketil Bjørnstad : piano

En Norvège comme ailleurs, des solutions ont été inventées pour combattre l’isolement dû à la Covid. Le disque dont nous parlons dans ces lignes en est un pur produit. Grâce à un producteur qui créa un festival en streaming, le pianiste Ketil Bjørnstad put donner un concert improvisé depuis le hall d’un centre municipal à Oslo. Et qui dit streaming dit caméra ; il y a donc dans la pochette, en plus du Cd, un Dvd de l’événement. Quant au pianiste, quasi septuagénaire au moment de l’enregistrement, il s’est lancé dans une improvisation longue de soixante-quinze minutes dans laquelle chacun pourra percevoir la brillance technique et l’inspiration dont il fit preuve ce jour-là. Mélodique, mélancolique, avec quelques accès de désarroi contenu et des accents de frénésie (d’irritation) très expressionnistes, la musique de Ketil Bjørnstad fait montre d’une ampleur peu commune dans la variété des approches. Dans cet état d’esprit propre au confinement, construite en phases successives, elle se développe sur une trame paysagère où les contrastes sont appuyés et les virages quelquefois abrupts : l’embardée n’est pas loin mais l’artiste a les ressources d’un vieux routier du clavier et il sait ménager ses effets (pas ses efforts). Le Steinway modèle D, lui, sonne de superbe façon et cela ajoute à la qualité intrinsèque du jeu pianistique versatile de Ketil Bjørnstad. Pour ceux qui aime les images, le Dvd donne à regarder le concert. Une question de goût. A noter pour finir que la pianiste est un auteur reconnu et nous vous conseillons de lire « La société des jeunes pianistes ».

Yves Dorison


https://www.ketilbjornstad.com/


  HIRSUTE . Miniatures du dedans

Pince-oreilles

Anne Quillier : piano, compositions
Damien Sabatier : saxophone baryton
Pierre Horckmans : clarinettes
Michel Molines : contrebasse
Guillaume Bertrand : batterie

Hirsute est l’un des rejetons du Collectif Pince-Oreilles. Emmené par Anne Quillier, qui compose tous les morceaux, il élabore un monde organique qui s’agite, tel celui que l’on découvre en fouillant l’humus, à l’écart, en toute discrétion. Il n’en est pas moins riche, mais il faut aller le chercher pour en profiter. Et pour peu que l’on tende les ouïes, il met à jour un univers complexe dans ses structures et suffisamment mélodique pour capter l’attention et se laisser prendre au jeu d’une écoute attentive. Les membres du quintet se connaissant parfaitement, ils savent se laisser absorber par les compositions et en extirper une moelle aux facettes multiples, celle d’un monde à part qui soudain jaillit au jour par les sons. Comme souvent, la musique d’Anne Quillier est aussi visuelle que sonore. Chacun peut donc s’approprier son imagerie, la digérer et la faire vivre autrement. L’imaginaire, c’est fait pour ça. Hirsute (montrez-moi sa tête) ne l’ignore pas et sait le provoquer. Avec une inventivité constante et une musicalité de tous les instants, hirsute risque de vous ébouriffer…

Yves Dorison


https://collectifpinceoreilles.com/Groupes.php?id=26


  QUENTIN GHOMARI . Ôtrium

Pegazz & l’hélicon

Quentin Ghomari : trompette
Yoni Zelnik : contrebasse
Antoine Paganotti : batterie

Repéré dans plusieurs formations, Quentin Ghomari est déjà un trompettiste qui compte autant qu’il conte. Avec ce trio acoustique sans instrument harmonique, il resserre sa musique et va à l’essentiel. Fort bien soutenu par une excellente rythmique qui n’ignore rien de l’interplay, il peut à loisir étirer ses phrases, les hacher un peu, les faire sortir de la route (juste assez pour susciter l’intérêt) et donner à ses deux interlocuteurs l’occasion de briller avec lui. Un vrai trio, pas un leader et deux accompagnateurs. Son jeu est varié et il maîtrise bien des effets, agissant ainsi sur la sonorité de son instrument. Le propos est en toute circonstance clair et affirmé, plus intimiste qu’expressionniste. La contrebasse de Yoni Zelnik, elle, est toujours charnue tandis que la batterie est plus spaciale. L’ensemble possède un bel équilibre et, les compositions du trompettiste n’étant pas anodines, le trio peut s’exprimer avec une homogénéité vraiment épatante. Côté influence, on pense à Dave Douglas et à Miles aussi. Il y a pire, n’est-ce pas ? Un beau disque avec de la belle musique de jazz. Que demander de plus ?

Yves Dorison


https://www.pegazz.com/musiciens/quentin-ghomari/


  BINKER GOLDING . Dream like a dogwood wild boy

Gearbox Records sortie le 17 juin

Binker Golding : saxophone ténor
Sarah Tandy : piano
Billy Adamson : guitare
Daniel Casimir : contrebasse
Sam jones : batterie

Binker Golding, jeune et déjà bien connu saxophoniste londonien repéré pour son duo avec Moses Boyd ou encore un bel album plutôt free avec Steve Noble et John Edwards, semble n’être jamais à court d’idées. En leader, il sort ce disque hybride fort sympathique entre jazz, blues et americana qui sonne vraiment bien et nous a rappelé (allez savoir pourquoi) l’ambiance de certains groupes à une époque où la créativité pop était foisonnante. Souvent très rythmée, avec quelques belles brisures, les thèmes se retiennent aisément et ne cherchent aucunement à faire trépasser les limites du conventionnel, écoutable par toutes les oreilles. C’est alerte, bien fait, homogène, mais il nous a manqué un je ne sais quoi pour adhérer pleinement. Peut-être une forme globale trop linéaire (allez savoir), peut-être qu’à trop vouloir bien faire le quintet n’a pas osé sortir du cadre et dériver vers des contrées plus aventureuses. Cela demeure néanmoins une galette qui mérite le détour, histoire de se faire une idée, car elle est susceptible d’emporter l’adhésion de nombreux auditeurs.

Yves Dorison


https://binkergolding.com/


  MARTIN BEJERANO . #Cuban American

Figgland Records

Martin Bejerano : piano
Edward Perez : contrebasse
Ludwig Alfonso : batterie
Samuel torres : percussion
Roxana Amed : voix (8)

D’une manière générale la musique sud américaine tend à nous irriter. Le pianiste américano-cubain Martin Bejerano fait exception et c’est pour une très part dû à son jeu, un jeu qui flirte avec celui des meilleurs. D’un bout à l’autre de l’album, la musique oscille entre ses identités cubaine et américaine de fort agréable manière. Elle est généreuse et mélodique à souhait. Les musiciens se tiennent au niveau du leader avec aisance. Bref, ça tourne avec des beaux soli et des improvisations des plus costaudes (très beau solo de contrebasse sur « Lonely planet »). Les compositions s’épanouissent souvent en crescendos trempés dans un lyrisme incandescent qui retiennent l’auditeur sans coup férir. Au passage, vous pourrez écouter une longue version très percussive du morceau de Sonny Rollins « Doxy » qui fleure bon le club new-yorkais en fin de soirée. Et là encore, Edward Perez sort de sa contrebasse un solo pas piqué des vers (il est très présent tout au long de l’album) avant que le quatre quatre prenne le pouvoir pour parachever de la manière la plus classique qui soit un exercice de style en tout point épatant. Plus tard dans le disque, une version très apaisée de « You’ve changed » se déroule tout en douceur avec de subtils dérapages harmoniques. Vous l’aurez compris, ce Cd ne manque pas d’atouts et devrait séduire les oreilles les plus exigeantes.

Yves Dorison


https://www.martinbejerano.com/