Jeudi 04 août

Par chez moi, le jazz qualitativement remarquable, entre le festival du Crescent à la mi-juillet et Jazz campus en Clunisois la troisième semaine d’août, j’affirme qu’il est inexistant. C’est une raison amplement suffisante pour aller voir ailleurs si j’y suis et, plus précisément, découvrir le festival Musique en Charolais Brionnais (oui c’est de la musique classique) dont la programmation m’avait tapé dans l’œil, à tel point que j’éprouvais quelque peine à ne choisir que trois journées. Je pensai donc débuter mon nettoyage auditif, dès 12 h 00, grâce à Hélène Collerette, violoniste franco-québécoise, et les deux partitas de Bach qu’elle devait interpréter dans l’église de Briant (71110). Bach, le plus réarrangé par les jazzmen depuis Jacques Loussier, assurément un pionnier mais pas le meilleur d’entre tous d’après moi, au frais dans une église, pouvais-je espérer mieux en ces temps caniculaires qu’un archet glissant avec virtuosité sur les cordes d’un violon ? Hélas, un variant n’autorisa pas sa venue et elle fut remplacée au pied levé par Eric-Maria Couturier, violoncelliste dont l’éclectisme n’est plus à prouver (j’ai souvenir de l’avoir écouté avec Jean-Philippe Viret, entre autres). Au programme deux suites pour violoncelle (de qui, je vous le demande) parsemées de fines improvisations et une sonate pour violoncelle seul de l’austro-hongrois Zoltán Kodály dont je ne connaissais que le Psalmus Hungaricus et les Peacock variations. Un archet glissant avec virtuosité sur les cordes fut tout compte fait au rendez-vous, et même plus car la sonate de Kodály (1915) permet à l’instrumentiste (l’oblige à ?) de pincer, frotter et frapper les cordes, ce qui donne à cette pièce une dimension autre, avec une âpreté particulière véritablement séduisante ; le musicien, quant à lui, se dut d’empoigner cette sonate physique afin d’en extraire le meilleur. Un tonnerre d’applaudissements mérités salua la performance et l’artiste offrit en sus un prélude de sa composition, histoire de finir au XXIème siècle un moment musical débuté trois siècles plus tôt. Brillant.

À 19 h 00, à Varenne-l’Arconce (71110), un violon, un alto et un violoncelle. Sébastien Surel, Rafaell Altino et Eric-Maria Couturier, deux pièces contemporaines et un divertimento de Mozart. Pour le coup, j’ai deux repères, le violoniste, vu avec Galliano il y a fort longtemps et le violoncelliste du concert méridien à Briant. Il me restait à découvrir l’altiste brésilien. Sur le papier, deux œuvres contemporaines et le Divertimento de Mozart m’attendaient. Étant d’une inénarrable nullité en musique contemporaine, je sus dès l’entame que mes minuscules capacités d’analyse seraient inutiles et inefficaces. Je choisis conséquemment de sauter dans le vide avec l’altiste... et la chute fut plutôt belle. La première œuvre jouée (Jocy De Oliveira) s’accompagnait d’un texte déclamé par l’altiste, texte dont je ne compris que des bribes, étouffé qu’il était par le mélange des timbres et l’acoustique de l’église. Il y était cependant question de « point of no return », ce qui correspondait bien à l’ambiance tranchante de la pièce, entre éclat émotif acéré et sombre mélancolie. La seconde (Garth Knox), me parut moins attractive, allez savoir pourquoi. Rafaell Altino, non sans facétie, se déplaça de tabouret en chaise, présents sur l’espace scénique, et je me garderai bien de tenter une explication. À chacun ses limites. Fort heureusement, le Divertimento de Mozart qui conclut cette première partie de soirée me rassura un tant soi peu. Mozart, c’est comme Monk, j’en ai régulièrement un bout qui s’invite sans prévenir sous mon crâne. Épatant.

À 21 h 00, même lieu, même endroit, Sébastien Surel et Tomás Gubitsch clôturèrent la soirée avec un programme syncrétique mélangeant allègrement les genres. Des compositions du guitariste argentin, du Gainsbourg et du Haendel, du Pascoal et du Gardel, du Django et une once de Beatles, le tout exécuté avec une décontraction qui ne masqua jamais la virtuosité des musiciens, notamment la redoutable exigence de précision du violoniste qui s’exprima dans chacune de ses notes avec une aisance déconcertante. Les intermèdes oraux des deux complices, non dénués d’un humour quasi potache, donnèrent à ce concert une atmosphère de fête souriante très éloignée du cadre guindé de la « musique classique » dans sa tradition la plus chiante (c’était plus Academy Saint Martin In The Fields que Mozarteum de Salzbourg, si vous voyez ce dont je parle). Le public apprécia à sa juste valeur l’exercice et le fit bruyamment savoir. Évident.

C’était un 04 août, jour qui vit en 1782 Wolfgang Amadeus prendre pour épouse Constanze Weber, qui s’avéra après le décès de son mari être une femme d’affaire avisée, je n’invente rien, et jour qui vit aussi naître Herb Ellis (1921), guitariste toujours trop méconnu et mésestimé, ou encore ce petit trompettiste surnommé Pops (1901), celui qui cartonna et sortit les Beatles de la tête du hit parade en 1967 avec cette chanson, What a wonderful world, dont le succès n’eut d’égal que la mièvrerie du texte ; et je reste poli. Il est probable que vous vous en foutiez royalement et moi aussi d’ailleurs, surtout quand j’écoute Paco De Lucia et que j’ai des tomates à cueillir. Enfin passons...


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