Mercredi 05 octobre 2022

Je parlai il y a peu du trio de Vincent Courtois « Love of life »avec le projet édifié autour de l’œuvre de Jack London. Le revoici, augmenté par les voix de John Greaves et Pierre Baud mais tout aussi musical, enchâssé dans un prisme littéraire incluant des extraits, dit en français et anglais, du livre « Martin Eden ». Bien que Jack London nia toujours l’aspect autobiographique de l’œuvre, la fin du héros et la fin de vie de l’auteur, qui questionne encore, me décidèrent à les réunir mentalement, en toute partialité, pour n’en faire qu’un, un héros fantasmé et fantasmable à l’envi. Mais réflexion faite, je n’y fus pour rien, la faute en incomba au violoncelliste et à ses acolytes. Ils eurent été moins convaincants, je n’aurais écouté qu’un concert comme les autres et serais rentré dans mes pénates satisfait, comme souvent, sans être cependant repu (ce qui est assez rare). Dans l’amphi de l’opéra de Lyon, rebaptisé depuis quelques années Underground (l’anglicisme c’est chic), il en alla autrement et, absorbé d’emblée par l’espace poétique imposé, je plongeai illico dans une placide ataraxie. C’est d’ailleurs un fait étonnant que la transformation de la prose lue à haute voix en poésie instantanée. Cela doit tenir à la qualité du lecteur car j’ai souvenir en d’autres occasions de m’être carrément fait chier (et je pèse mes mots). Je laissai donc défiler les images mentales suscitées par les mélodies simples et complexes à la fois, mais jamais compliquées, en accrochant mes pavillons auditifs à chacune des lignes développées : la meilleure façon de voyager, c’est d’être pris en charge par le mouvement et de l’accepter. L’écart entre la clarté locutive de Pierre Baud et la rocailleuse approche de John Greaves me le permit, tout comme les interventions des trois musiciens qui varièrent les timbres avec bonheur, illustrant de la sorte le verbe polychrome de l’auteur dans un échange perpétuel. La force de ce quintet réside à l’évidence dans son approche collective, ce qui n’empêcha néanmoins pas les soli. Et puisqu’on en parle, Daniel Erdmann propulsa dans l’espace un de ces soli essentiels, comme j’en entends très rarement, durant lequel il avala un peu plus encore son saxophone : être la musique, ce n’est pas donné à tout le monde. Et c’est pénible pour moi car après, il me faut du temps pour trouver un intérêt quelconque aux autres saxophonistes. Ceci posé, Vincent Courtois et Robin Fincker furent au niveau (pas vraiment étonnant, n’est-ce pas ?) et l’ovation finale fut au rendez-vous. Le contraire eut été inadmissible.

En ce 05 octobre, qui vit naître en 1962 une amie, Martin Eden prit la lumière de la plus belle des façons. Drôle de nom d’ailleurs. Martin me fit penser à l’âne qui sauva supposément Gignac en 719. Et Eden, ne serait-ce pas un truc avec une histoire de pomme (de discorde) qui fut le début de nos emmerdements (selon certains) ? Et puis y-a-t’il un âne dans la bible ? Je vous le demande ; et ce n’est ni Martin Eden, ni Jack London, qui vous éclaireront sur ce sujet car le héros, tout romanesque qu’il fut, «  au moment même où il le sut, il cessa de le savoir. » Je sens qu’il va falloir faire avec le sans.


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