Une escale au D’Jazz Nevers Festival à l’occasion d’une traversée de la France, en voilà une bonne idée ! C’est ainsi que nous avons retrouvé avec bonheur cet événement pour sa 36 ème édition, l’espace d’une journée et un peu plus (lire ici)...

Au programme de cette journée :

Mikko Innanen "Autonomus" - M. Golouja (Théâtre du Temps Pluriel & La Litanie des Cîmes) - Airelle Besson Quartet

Un grand merci à Maxim François pour les photos !


  Mikko Innanen "Autonomus"

12h15 - Théâtre de Nevers

Mikko Innanen : saxophones alto et sopranino, hautbois, flûtes, compositions / Håvard Wiik : piano / Étienne Renard : contrebasse / Peter Bruun : batterie.

Mikko Innanen Autonomus Quartet
© Maxim François

Avec son agence Vapaat äänet basée en Finlande, notre compatriote Charles Gil tisse des liens solides et fructueux entre la France et les territoires nordiques depuis 1996. Grâce à lui, nous nous avons eu la chance d’écouter le saxophoniste-compositeur Mikko Innanen à de nombreuses reprises. On se souvient de son groupe Innkvisitio ou du joyeux sextet Gourmet (toujours très actif soit dit en passant).

Mikko Innanen
© Maxim François

À Nevers, on le découvre à la tête d’un quartet international à l’instrumentation conventionnelle mais au répertoire des plus originaux intitulé Autonomus. Avec Håvard Wiik, pianiste norvégien/berlinois du célèbre groupe Atomic, le batteur danois Peter Brunn (entendu ici il y a... 11 ans dans le trio de Django Bates) et le bourguignon de l’étape, Étienne Renard [1], contrebassiste remplaçant au pied levé (chapeau !) Antti Löjtönen, victime malchanceuse d’un virus trop célèbre, Mikko Innanen a trouvé des complices prêts à déjouer les pièges d’une musique malicieuse.
Le volumineux corpus de compositions d’Autonomus repose sur un système d’écriture à partir de formes graphiques simples ou complexes souvent figuratives à base de portées découpées, triturées, enchevêtrées, éclatées au gré de l’imagination fertile de Mikko Innanen. Certes, la composition graphique n’a rien d’innovant dans l’univers musical contemporain mais transposée au jazz en mêlant dessin et notation conventionnelle, le résultat est assez épatant. Ainsi s’ouvre à nos oreilles un monde musical insolite combinant avec ruse liberté et contrainte : le finlandais est malin et ne manque pas d’humour et cette musique qui pétille de belles idées entre abstraction et mélodies furtives.

Mikko Innanen
© Maxim François

Du fait main, à la maison, un travail qu’aucun ordinateur, aucune machine programmée ne pourra remplacer, c’est bigrement attirant et réjouissant. Il y a de l’humain là-dedans, du souffle, de la sueur et de l’engagement, une prise de risques, la complicité et le plaisir du jeu collectif car c’est bien de jeu qu’il est question là. Avec un esprit vif et une âme d’enfant, souvent. Un jeu de pistes quand il s’agit de se sortir du rond-point, le dessin de base de "Kampintorin kiertoliitymä",composition XXIA. Un ballet aérien imaginaire avec, en rappel "Par avion D8 443" (composition XXVI) qui s’enroule en spirale avec des flèches directionnelles. Un sport à risques aussi sur les tremplins de saut à ski des compositions XXIII (avec indication de la vitesse d’envol, sensations assurées !). On l’aura compris, cette collection de compositions fantasques et assez aléatoires apporte une grande diversité de climats et des jeux de couleurs changeantes en fonction de l’instrument choisi par Mikko Innanen (saxophones alto ou sopranino, hautbois et diverses flûtes). À l’issue de ce concert, on ne pouvait qu’espérer que ce quartet trouve d’autres occasions de se produire en France. Cette musique qui se consruit entre liberté et structures mélodiques, harmoniques et rythmiques ne sera jamais reproduite à l’identique et c’est bien ainsi qu’on aime ce jazz-là.

À noter :
Le programme de 30 compositions d’Autonomus figure sur un triple album paru en novembre 2019 sur le label finlandais Fiasko records : Mikko Innanen Autonomus : I-XXX


  M. Golouja (création)

18h30 - La Maison, petite salle.

Théâtre du Temps Pluriel & La Litanie des Cîmes
Olivier Broda : jeu théâtral / Clément Janinet : violon / Élodie Pasquier : clarinettes / Bruno Ducret : violoncelle

La Litanie des Cîmes & Olivier Broda
© Maxim François

Quelle performance d’acteur ! Olivier Broda a impressionné les spectateurs réunis pour la seconde représentation de cette création théâtrale et musicale. Pour adapter le livre de Branimir Šćepanović, La Mort de Monsieur Golouja, Olivier Broda a choisi la forme du monologue pluriel en parvenant à incarner le personnage central et toute une partie de la population de ce village étrange et ordinaire où se déroule l’action.

La Litanie des Cîmes & Olivier Broda
© Maxim François

Il a trouvé une parfaite complémentarité dans ce projet avec le trio La Litanie des Cîmes dont nous ne manquons jamais de vanter les qualités. La musique sous-tend l’action, crée un univers sonore complice du jeu si intense de l’acteur. Sans se cantoner au rôle d’accompagnement, les trois entrent dans l’action et prennent part à ce récit qui repose sur une imposture qui virera au drame final... Un spectacle entre ombre et lumière, rêve et réalité parfaitement restitué grâce à l’interaction entre les nuances la voix parlée et la richesse expressive et illustrative de la musique.
On ne peut qu’espérer que cette magnifique création ne restera pas sans lendemain et trouvera des scènes curieuses et accueillantes pour prolonger le plaisir que nous avons ressenti ici.


  Airelle Besson Quartet

21h - Théâtre de Nevers

Airelle Besson : trompette, composition / Lynn Cassiers : voix, électronique / Benjamin Moussay : piano, Fender Rhodes, synthétiseur modulaire et synthé basse / Fabrice Moreau : batterie

Airelle Besson Quartet
© Maxim François

On retrouvait avec bonheur le très joli théâtre à l’italienne de Nevers pour écouter le quartet d’Airelle Besson dans une formule un peu originale puisqu’Isabel Sörling, la voix suédoise habituelle de ce quartet, était remplacée par Lynn Cassiers, remarquable vocaliste belge. Il est bon de rompre avec les habitudes car dès l’entrée en scène, le quartet démarrait sur les chapeaux de roues en bousculant les compositions de la trompettiste, elle-même emportée dans le tourbillon. Particulièrement en verve, Benjamin Moussay malmenait (gentiment) le piano en se lançant dans des improvisations échevelées (ça lui va bien !), esquissant des lignes de basse franches sur son petit clavier, faisant vibrer le Fender Rhodes et planer le synthé modulaire.

Airelle Besson
© Maxim François

Il se passait assurément quelque chose sur scène en présence de Lynn Cassiers qui sut élargir le registre habituel de la voix dans cet ensemble désormais bien soudé qui ne manque pas de caractère. Des nappes sonores ondulantes tressées par la voix démultipliée par les effets électroniques jusqu’à la simplicité brute du blues, parfois, Lynn Cassiers a montré qu’elle avait toute sa place dans ce carré parfaitement équilibré. À l’issue du concert, lors d’une rencontre avec le public, Airelle Besson évoquait le fonctionnement très collaboratif qu’elle avait souhaité pour ce quartet tout en rappelant son goût pour les mélodies simples ouvrant de larges espaces à l’improvisation. C’est bien ce qui transparaissait lors du concert de Nevers avec, là encore, une vraie joie, un grand plaisir de jouer ensemble et de se surprendre encore et ce depuis la création du quartet en mai 2015.

Lire aussi sur CultureJazz à propos du quartet d’Airelle Besson : Caen, janvier 2016 ; Saint-Ouen, mars 2016... Chronique de Try ! Par Yves Dorison, février 2021

Sélection de photos de Maxim François - Nevers, le 7 novembre 2022.

Mikko Innanen
Mikko Innanen Autonomus Quartet
Mikko Innanen
Peter Bruun
Étienne Renard
Håvard Wiik & Mikko Innanen
La Litanie des Cîmes & Olivier Broda
La Litanie des Cîmes & Olivier Broda
Airelle Besson Quartet
Airelle Besson
Benjamin Moussay
Benjamin Moussay
Fabrice Moreau
Lynn Cassiers
Roger Fontanel, directeur du festival D'jazz Nevers

Lire aussi :


[1Interview en 2013 par Armel Bloch pour CultureJazz à lire ici...