Jeudi 24 novembre 2022

Retour aux fondamentaux avec la première soirée de Jazz à Fareins, le festival où tout le monde boit du champagne en grignotant des petits gâteaux et de la charcuterie, la seule que je mis à mon programme pour cette vingtième édition. Le quintet de David Bressat et le groupe de China Moses étaient à l’affiche. En première partie, le pianiste et ses collègues firent du jazz. Je n’en attendais pas moins. Ce jazz, ils le jouèrent à la sauce contemporaine avec une assise classique très claire. Leur force tint dans leur complémentarité et dans leur cohésion née d’un cheminement commun de longue date. Les compositions, majoritairement mainstream hormis deux titres plus atmosphériques, offrirent à chaque musicien la possibilité d’exprimer sa musicalité et son savoir-faire. Mais suite à un problème débile ne relevant pas directement des organisateurs, le set commença avec un retard conséquent et le public, visiblement venu pour China Moses et personne d’autre, ne demanda même pas de rappel, ce qui eut été pourtant très mérité. En cette époque où le gris domine, les consommateurs sont ce qu’ils sont, n’est-ce pas ? Être respectueux de la création et des artistes ne fut pas dans leurs cordes ; et si j’en avais eu une sous la main, j’eus volontiers pendu quelques spécimens, histoire me défouler et d’assainir l’espace. Toujours fut-il qu’après l’entracte China Moses vint faire le show puisque le public était chaud. J’attendais du jazz, j’eus de la soul-rock-funk-blues vaguement motown, co-composée par la chanteuse, qui usa mes tympans avec une véloce promptitude. Il ne me fallut que trois morceaux pour déguerpir, direction le bar, me taper une assiette de charcuterie, discuter avec un ami et les musiciens de la première partie, avant d’avaler les sept dizaines de kilomètres me séparant de mes pénates. J’avais appris plus tôt dans la journée, 24 novembre 2022, la mort de Christian Bobin qu’il m’arrive de lire plus souvent qu’à mon tour malgré mon irréligiosité avouée. La musique de sa prose, toute de légèreté profonde, son goût pour l’oubli de soi, pour la qualité du silence et le nécessaire recours aux forêts, m’apaisent. Ses livres sont des oasis à la lisière des temps, aussi éloignés du tumulte de l’immédiateté qu’il est possible de l’être, jamais péremptoires, simplement ouverts sur l’essence des choses, sur la nature comme évidence en regard de notre supposée primauté sur le monde du vivant. Considérant le non-choix qui nous balance sur terre, j’ai envie de croire que son regard sur l’existence était une improvisation, c’est à dire du travail, beaucoup, des fulgurances créatives, une perception délicate du réel et un besoin irrépressible de connaissance. Un genre de jazz, une liberté fondamentale.


https://www.jazzafareins.com/
https://www.facebook.com/dBressat/