MARTIAL SOLAL . Live in Ottobrunn

GLM Music

Martial Solal : piano

Ce disque indispensable documente l’avant-dernier concert du vertigineux Martial Solal, invité au 5th Klavier Festival d’Ottobrunn, Allemagne (le dernier ayant eu lieu moins deux mois après, salle Gaveau). Le pianiste joue (déjoue) ce soir-là majoritairement des standards. À 91 ans, il démontre, s’il le fallait encore, que la science qui est la sienne fait des merveilles là où d’autres feraient des pâtés. La subtilité et l’humour sont de sortie, l’élégance et la virtuosité aussi. Avec une telle maestria, rien ne lui résiste et moins encore l’auditeur collectionnant les surprises musicales sortant de son clavier. Nous sommes sûrs d’une chose : entre les doigts de Martial Solal, la tradition est aussi aimée que bousculée. Il y a dans son jeu, à l’égard des standards qui constituent le concert, une sorte de délicate dévotion, comme si le plaisir de la re-création se doublait d’un infini respect pour ces thèmes incontournables qui lui permettent depuis si longtemps d’être ce pianiste aventureux jamais à court d’inventivité, de sensibilité. Toujours dense, son discours pianistique est un régal, son élasticité un must absolu, pour peu qu’on se donne la peine de rentrer dedans. Et puis, avec le temps, Martial Solal est devenu un standard a lui tout seul : le plus anticonformiste des standards, bien évidemment. A ne pas rater.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Martial_Solal


  DIMITRI NAÏDITCH . Ukraine, les chansons sans voix

Dinaï Records

Dimitri Naïditch : piano

Dimitri Naïditch est ukrainien. Installé en France depuis une trentaine d’années, il a éprouvé, comme nombre de ses compatriotes artistes exilés, le besoin de rendre hommage à sa terre natale. Le Cd est constitué de compositions originales et de chants traditionnels recréés pour l’occasion. La mélancolie transparaît souvent sous les doigts du pianiste, mais pas seulement. C’est également une ode à la vie qui se traduit au gré des compositions par des atmosphères variables dans lesquelles toute la gamme des sentiments peut s’exprimer. Ceci écrit, Dimitri Naïditch est d’abord un pianiste magnifique au jeu d’une toujours étonnante et imparable clarté. Sa capacité à alterner légèreté et profondeur, à mettre du silence entre les notes, de l’émotion, lui permettent d’évoluer à son aise sur l’étendue d’un domaine musical qui semble presque infini. C’est toujours sensible, jamais démonstratif, avec des mélodies d’une grande finesse qui délie l’imaginaire de l’auditeur. C’est aussi le disque s’un musicien qui ne se résout pas à voir son pays disparaître sous les bombes. Il est donc utile de le souligner dans ces lignes, avec une pensée appuyée pour d’autres zones du globe où les conflits sanglants ne manquent pas. Et puis surtout, la musique est belle, très belle, alors oui, faites une place sous le sapin.

https://www.dimitri-naiditch.com/


  ERLEND APNESETH . Nova

Erlend Apneseth : violon Hardanger

Un peu (beaucoup) de retard pour chroniquer ce disque quasi hallucinatoire d’Erlend Apneseth, jeune et rare musicien utilisant le violon Hardanger, violon norvégien usité dans l’ouest du pays qui se caractérise par la vibration sympathique entre les cordes sous-jacentes et les cordes mélodiques. Dans ce contexte et en solo, l’expression musicale du violoniste s’étend sur une très large palette sonore qui éloigne tout ennui lors de l’écoute. L’enregistrement traduit parfaitement les résonances multiples et profondes de l’instrument, notamment grâce au lieu où le disque a été réalisé (un mausolée). La musique, un traditionnel du pays et des explorations originales, flirte avec le cosmique et dilate le temps. Elle devrait vous plonger dans un univers quasi parallèle où la sérénité le dispute à l’intrigant, l’indicible au flottant. Quelquefois proche du geignement, le violon semble mêler nostalgie et mélancolie, tout autant qu’il tend vers une forme de futur nocturne et étoilé. Difficile de décrire les émotions que l’on ressent à l’écoute de cet album inclassable. mais pour nous, c’est un must. Qu’on se le dise.


https://erlendapneseth.com/


  THELONIOUS MONK . The London collection, Vol. 1

Black Lion Records

Thelonious Monk : piano

Enregistré le 15 novembre 1971 à Londres, le disque dont nous parlons dans ces lignes ne fait aucunement l’objet d’une réédition ou de je ne sais quel hommage marketing. Si nous l’évoquons, c’est parce qu’il nous a semblé qu’il était idéal pour clore cette sélection, et même qu’il répondait judicieusement au Cd de Martial Solal chroniqué ci-dessus, non pas que les deux musiciens soient similaires, mais bien parce qu’ils sont des semblables, des affidés à la créativité, des originaux, des réfractaires à l’ordre établi, chacun à leur manière, des musiciens libres. Aussi, à force de recevoir des nouveautés plein les boîtes aux lettres, matérielle et numérique, l’on finit par oublier d’écouter les fondamentaux de notre discothèque, et ce disque en est un qui nous est essentiel car il fait partie de ses trois dernières sessions enregistrées le même jour, comme indiqué ci-dessus. Monk et Solal avaient dix ans d’écart. L’un est mort depuis quarante ans et l’autre est encore bien vivant. Mais peu importe les dates, les deux sont intemporels par la musique. Régalez-vous, l’abus de jazz est recommandé pour la santé.


https://fr.wikipedia.org/wiki/Thelonious_Monk