jeudi 12 janvier 2023

La nouvelle année engendre les résolutions, plus ou moins angéliques, plus ou moins infécondes, moins de plus, moins de moins, et plus et plus, et tout le monde s’en fout, s’enfuit à la première alerte (sauf si la dite première est jolie), s’enfonce dans l’obscur, s’enfile au mitan du jour, s’encave les jours fériés, s’enchausse à la va comme je te pousse, s’encolère dès potron-minet, s’emporte avec la langue, s’encrote dans les mots, s’engazonne dans les silences. Dire que ce n’est qu’un début, celui d’une autre année du troisième millénaire, et je me sens flirter avec le troisième âge ; ça fleure bon le suranné, l’archaïque, l’antique poussiéreux, le vétuste et le désuet. L’obsolescence programmée (nous sommes les premiers concernés) est aussi vieille que la cosmogonie qui nous supporte et tout va pour le mieux. Mon unique résolution sera conséquemment de continuer à divaguer, de préférence autour du jazz, dans le non style caractéristique que certains osent me prêter. J’t’en foutrais moi du style…

A part ça, ils sont où les concerts ? Ceux que j’aurais envie d’écouter / voir. Dans la région, ces temps-ci, on joue en troisième division (ça existe, non ?). Rien de notable à se mettre sous la dent (euphémisme euphémisant). Je ne dis pas que ce qui passe est foncièrement mauvais, j’affirme que cela ne m’intéresse pas, mais alors pas du tout. Depuis Noël, c’est désertique. Est-ce dû au réchauffement climatique ? Le jazzeux haut de gamme est-il plus sensible à ses effets que le péquin moyen ? Se cache-t-il en attendant la fin du monde ou la sortie de son énième disque ? Qu’en sais-je ? Même Jeff Beck prend la tangente (tout les guitaristes de jazz sont en émoi et moi pas). Pfff ! Bref, dans la deuxième agglomération de France et dans les vastes alentours, ça fait dans le local, je ne sais pas si c’est bio par contre, et le local, s’il n’est pas international, il y a peut-être bien une raison. Dans le cas contraire, l’international deviendrait local et ce serait le bordel, comme si le banquier en chef du pays devenait humain du jour au lendemain, plus personne ne saurait où donner du neurone. A ce train-là, Keith Jarrett me téléphonerait pour que j’aille le prendre en photo dans sa baignoire, Diana Krall serait aimable et France Culture serait encore une radio d’exception. Je ne vais pas passer tout 2023 en streaming (spécial dédicace à qui de droit) à attendre qu’une annonce de concert m’excite. Si ?

Alors en attendant le miracle, et si vous êtes comme moi dans l’attente, je vous conseille d’écouter un disque, sorti en 2017, de Kate Lindsey et Baptiste Trotignon qui interprètent principalement Kurt Weill et Alma Malher. Quoi, une mezzo-soprano et un pianiste de jazz qui fricotent ensemble ? Il est où Lionel Hampton ? Je m’en fous, c’est très beau. Elle et lui habitent ces chansons avec une souplesse époustouflante dans laquelle se glissent un large éventail de nuances, le clair obscur de l’époque à laquelle elles ont été écrites aussi. La sensibilité de l’ensemble va presque au-delà du sensible. Dense et fragile à la fois, inspiré et inclassable, sculpté dans l’intemporel, ce disque est un petit bijou. L’avez-vous écouté ?


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