Mercredi 28 mai 2025

Jelena Kuljić : voix
Daniel Erdmann : saxophone ténor
Théo Ceccaldi : violon
Jim Hart : vibraphone

Après six semaines de diète, n’ayant rien trouvé à me coller entre les oreilles qui mérite mon détour, un passage au Périscope à moi s’imposa l’autre soir. La raison ? Le triangle de velours révolutionnaire de Daniel Erdmann, dix ans d’âge, et nouvellement augmenté d’une voix, celle de Jelena Kuljic. Au programme, le résultat de deux jours de résidence périscopienne avant de partir enregistrer à Budapest des compositions originales et des reprises de l’autre Velvet qui, dans la tête d’un vingtenaire, est plus perdu dans les sous-sols qu’underground. Une chose fut évidente, les qualités habituelles du trio étaient au rendez-vous : de l’intime expressif, de l’espace, des thèmes simples et mémorisables, prétextes à l’ouverture d’un champ improvisé (et en l’occurrence d’un chant improvisé) sans frontière, une circulation naturelle des idées entre les quatre musiciens et, framboise sur le pancake, une créativité de tous les instants. Le public ne s’y trompa pas et fut extrêmement attentif, avant de se lâcher bruyamment en fin de concert, pleinement satisfait, voire repu. L’alliage des timbres fit merveille et la voix claire et franche de la chanteuse serbe prit sa place en respectant l’équilibre natif du trio, délivrant ainsi une version augmentée du velours erdmannien originel, velours tissé de savoir faire, d’arrangements sensibles, propices à l’évocation d’émotions délicates et harmonieuses. Ceux qui, dans la salle, n’avaient jamais écouté ce groupe furent surpris que l’atticisme des formes contînt autant de puissance organique, mais c’est là le talent de ces musiciens d’être capables par essence d’envoûter de leur inventivité et de leur imaginaire démesuré les publics les plus sourcilleux. Je pourrais continuer longuement à lister par le menu leurs qualités, mais je suis fainéant et je sais aussi que vous ne liriez pas la chronique jusqu’à son terme si elle s’éternise. Proust est passé de mode, n’est-ce pas ? Je vous signale toutefois que ce moment musical de partage essentiel et atemporel eut lieu un 28 mai, jour qui vit en 1922 la création à Cologne de l’opéra Der Zwerg, d’Alexander Von Zemlinsky (1871-1942), un bon pote à Schönberg qui d’ailleurs épousa sa sœur Mathilde (celle d’Alexander, bien sûr). Mais cette dernière trompa son mari avec un ami de ce dernier, le peintre expressionniste Richard Gerstl (1883-1908). La relation adultérine découverte par Arnold, il mit fin à ses jours en se pendant devant un miroir (ce qui est bizarre tout de même...) mais certainement pas en écoutant la musique atonale du cocu.


http://www.daniel-erdmann.com/Home.html