Et si la musique aussi redescendait dans la rue ?

L’automne est chaud !

Les occasions et le motifs ne manquent pas pour descendre dans la rue et essayer de faire entendre sa voix.

Et voilà que les fanfares se remettent en ordre de marche pour donner une nouvelle jeunesse à une formule qui fait beaucoup de musique avec peu de besoins : c’est très "durable" tout cela !

Nos oreilles ont été agréablement et favorablement mises en alerte avec la parution de trois disques qui ont chacun leur identité. En outre, chacun d’eux peut s’écouter assis tranquillement dans un fauteuil car ces musiques qui ne manquent ni d’air ni d’airs ont été travaillées, arrangées, mises en forme avec cœur. La fanfare est sophistiquée de nos jours mais garde une relative spontanéité !

L’Occidentale de Fanfare : "version Originale"
Le Maxiphone

L’Occidentale de Fanfare ferait presque figure d’ancêtre dans cette sélection. Créée en 1997, elle a pu user ses partitions au vent de nombreux festivals, sur les planches de multiples scènes car elle a la particularité de brasser avec un bonheur communicatif des musiques populaires de Bretagne (cornemuse, bombarde), de Gascogne (fifre et tambours), l’inter-régionalisme de l’accordéon diatonique et les indispensables cuivres et bois.

Seulement, faire vivre et tourner une formation de 15 musiciens, à l’origine, c’est la galère quasi-quotidienne. Pour cette raison que L’Occidentale s’est octroyée quatre années hors-scène pour nous revenir avec une formule resserrée à 9. Une sorte de fanfare "de chambre" plus adaptée à une prestation scénique qu’à une déambulation. L’équilibre entre les voix parfois ténues de certains instruments (accordéon diatonique...) nécessitent une écoute attentive et de préférence sonorisée, on l’imagine.

En VO (Version Originale : le titre de cet album), on se laisse entraîner sans peine dans un univers où les assemblages fédéralistes (Bretagne, Gascogne, gens de France, même combat ?) lient des couleurs complémentaires en préservant les identités. Les rythmes issus des musiques traditionnelles se fondent souvent dans un groove qui ne manque pas de pêche ! Et les arrangements ont souvent un air de famille avec les formes familières aux lyonnais de l’ARFI (qui ne rechignent pas à puiser dans les traditions, eux non plus).

Globalement "jazz" dans l’esprit général, ce disque permet de (re)découvrir une formation qui porte la formule de la fanfare à un degré élevé de sophistication orchestrale. Sur des compositions originales ou des arrangements de thèmes traditionnels, elle permet d’entendre de très bons solistes dans de larges espaces d’expression "libre".

La Friture Moderne : "Pour en finir avec 69"
Mr Morezon / Orkhêstra

Les mouvements du printemps 1968 ont ouvert une large brèche dans les archaïsmes d’une société qui avait besoin de liberté. "Ce n’est qu’un début !" Et après...

En 1969 ; la libération était en marche. C’est à cette année particulière qu’a voulu s’intéresser La Friture Moderne une fanfare qui a conçu son dernier album "Pour en finir avec 69" , paraphrasant ainsi l’intitulé d’une conférence de Daniel Cohn-Bendit à propos de mai 68.

Cette formation française de fort belle facture a choisi de se faire porte-voix (avec mégaphones) de compositeurs-interprètes qui ont marqué l’époque ciblée (et la période qui a suivi) : Pharoah Sanders, Carla Bley ou Frank Zappa mais aussi Gainsbourg, Janis Joplin, Jimi Hendrix ou Albert Marcœur (plus "post-soixanteneufard" nous semble-t-il !).

Cette fois, on a affaire à une authentique fanfare qui peut défiler et brailler dans la rue. Plutôt sympathique et débridé (mais structuré) : une qualité première. Le répertoire choisi rappellera de belles choses à certains anciens-combattants ! Ouverture avec The Creator has a master plan, le Pharoah Sanders de la grande époque. Plus loin, une version francisée du Mercedes Benz de Janis Joplin (qui redevient à la mode ces derniers temps !) et en conclusion un Liberation Medley brodé librement sur le répertoire du Liberation Music Orchestra, version originale !

Avec La Friture Moderne, l’expression de la spontanéité et la persuasion dans le message n’occultent pas la subtilité et une mise en place souple. On joue et on laisse vivre la musique, en liberté... contrôlée, en évitant les débordements, comme à la manif !

L’Éléfanfare : "Fanfare, mon œil !"
L’Arbre Canapas

Derrière le joli nom d’Éléfanfare se dessinent les silhouettes ondulantes de huit musiciens qui aiment la musique sans fard des fanfares et ne manquent ni de fougue ni d’humour. N’allez pas croire pour autant qu’il s’agisse d’un orphéon bon enfant car ces gens-là ont de la culture et des relations. Si, parmi d’autres, ils remercient Louis Sclavis de son soutien et de ses encouragements c’est qu’il y a entre eux pas mal d’atomes (double-)crochus. Avec ce disque, Fanfare, mon œil, ces membres de l’association l’Arbre Canapas (basée à Bourg-en-Bresse) démontrent sans esbroufe mais avec cœur, malice et intelligence qu’ils forment une vraie fanfare qui peut battre le pavé (5 titres enregistrés live dans les rues de Bourg-en-Bresse) et tenir la scène devant des auditeurs attentifs grâce à des arrangements imaginatifs qui maintiennent l’attention en éveil. Dans un registre qui se réfère aux conventions du genre (cuivres et vents brillants, rythmes entraînants), ils apportent non sans humour une touche contemporaine en utilisant à bon escient des enchâssements de thèmes, des soli sauvages et des formes atypiques bien sentis (Mon Samedi à Géant Cas’, Medleyleïev...) . On imagine que ces gens là ont pu écouter le Willem Breuker Kollektief, Anthony Braxton ou leurs voisins de l’ARFI mais ils cherchent à être avant tout eux-mêmes pour faire (et se faire) plaisir.

On notera que parmi les musiciens de cet ensemble pachydermique au pas alerte se glissent Guillaume Grenard et Thibaut Martin, respectivement trompettiste et batteur de La Table de Mendeleïev, une formation également inventive.

À découvrir dans la rue ou bien au chaud à l’abri ou chez soi dans son fauteuil à l’écoute de ce disque revigorant sans prétention. Une qualité !


> Les références :

> L’Occidentale de Fanfare : "version Originale" - Le Maxiphone collectif - Commande par courriel : lemaxiphone@gmail.com - www.lemaxiphone.com

Fred POUGET (clarinettes, compositions) / Gwen GOULENE (flute, accordéon, bombarde, compositions) / Ronan LEGOURIEREC (sax baryton, bombarde, compositions) / Maurice FARI (batterie) / Anthony MASSELIN (cornemuse, uillean pipes) / Anne COLAS (piccolo, flutes) / Guillaume SCHMIDT (sax soprano, alto, ténor) / Fidel FOURNEYRON (tuba, trombone) / Claude BARRAULT (trompette, bugle).

14 titres : compositions originales ou arrangements de thèmes traditionnels.

* * * * * *

> La Friture Moderne : "Pour en finir avec 69" - Mr Morezon 005 - distribution Orkhêstra

Walter BARBERA : trompette / Benoît CAZAMAYOU : accordéon, chant / Marc DÉMEREAU : saxophones, électroniques, compositeur arrangeur / Fabien DUSCOMBS : batterie / Ruben GUIU : trombone / Piero PÉPIN : trompette, bugle, tuba / Pascal PORTEJOIE : percussions / Olivier SEYWERT : saxophones / Mathieu SOURISSEAU : soubassophone, voix / et tous : gueulophone !

9 titres. Enregistré en avril 2010

* * * * * *

> L’Éléfanfare : "Fanfare, mon œil !" - L’Arbre Canapas CAN 10/02 - www.arbre-canapas.com/elefanfare

Serge Bonvalot : tuba / Sylvain Bonvalot : trombone / Fabien Chagnard : trompette / Guillaume Grenard : trompette, compositions / Eddy Kowalski : sax soprano / Thibaut Martin : batterie / Sofiane Messabih : sax baryton / Sylvain Nallet : clarinette mi bémol /
Stéphane Visini : tuba / ...

12 titres originaux.

Enregistré en 2010, en studio et dans la rue.


> Liens :