En concert, vendredi 5 novembre 2010.

> Samedi 6 novembre 2010, 10 heures.

"Faut battre son frère pendant qu’il a chaud" dit le proverbe arabe. C’est pourquoi je tiens à vous conter dès ce matin les nouvelles aventures de Sa Majesté Médéric Collignon 1er et de son Jus de Bocse.

Je sortais de deux concerts exceptionnels, Santana à Bercy et Wayne Shorter à Marseille, celui de Médéric Collignon à Nice fit mieux que compléter la belle série.
En effet, ce que j’ai entendu, et vu, m’a littéralement ( non, heureusement ) troué le cul.

Médéric Collignon
Photo © Yves Dorison

Car Médéric est bel et bien agité d’une folie et d’une fureur salutaires, on le surnomme du reste Coléric Médignon. Je dis agité et non pas habité car sa gestuelle invraisemblable nous donne à voir autant qu’à entendre. "Une véritable chorégraphie, il aurait pu être danseur chez Béjart", dixit mon épouse préférée. Et elle n’a rien d’artificiel - sa gestuelle, pas mon épouse- elle traduit, ponctue, souligne, fait VIVRE sa musique. Car c’est bien de cela qu’il s’agit(e), Collignon vit sa musique, et nous la fait vivre. Intensément. Elle est FOLLE et la folie est l’apanage habituel des génies créateurs, même si elle n’est pas toujours visible, comme chez Gillespie ou Monk. Je pense à Louis Armstrong, Charlie Parker, John Coltrane et Wayne Shorter.

Laissant de côté les « ustensiles » que nous l’avons vu utiliser parfois ( Porquerolles, La Seyne ), il joua ici exclusivement du cornet. Cornet un peu spécial... quand même !
Et de se lancer dans une relecture/re(é)création de la période électrico-funkisante ( 69-73 ) de Miles Davis, Big fun, Mademoiselle Mabry, Bitches brew...

Médéric Collignon à Cimiez (Nice), le 5 novembre 2010 - Photos © J-F Fer

Non seulement ses interventions au cornet tutoyèrent-elles constamment la fulgurance, mais ses prouesses vocales nous laissèrent... sans voix. Car elles furent toutes péremptoires, nécessaires et parfaitement incrustées, serties, dans le contexte musical. Médéric possède une voix dont le registre aigu est stratosphérique. Il aurait pu chanter du classique, dixit...

Au rayon voix/bruitage, Mc Ferrin peut aller se faire voir chez Leader Price !

Et que dire de ses apôtres/complices. Philippe Gleize est à proprement parler un batteur ahurissant. Avec son visage angélico-démoniaque, habité façon Christian Vander-Jacques Thollot, il est le feu de cette musique incandescente. Son jeu est surpuissant et ATTENTIF. Je n’ai jamais vu un batteur suivre à ce point son leader, du regard et du cœur. On lit dans ses yeux toute la dévotion, tout l’amour et le respect qu’il a pour Médéric. Comme jadis le regard de Billie Holiday pour Lester Young ( The sound of Jazz ), ou celui de Carlos Santana pour Wayne Shorter ( DVD A supernatural evening, version de répétition d’ Apache ). Miles Davis était dans ses batteurs, Philippe est dans le cornet de Médéric.

Au Fender Rhodes, Frank Woeste envoie par vagues des ondes milesdavisiennes belles à souhait, qui tissent un large tapis sonore pour Médéric.

Médéric Collignon
Photo © Yves Dorison

À la basse, Frédéric Chiffoleau maintient ferme le tempo et l’explose quand et comme il se doit.

Un concert qui nous laissa cassés, de bonheur, comme ceux de Clash naguère, comme celui de Santana cité plus haut.

Cependant, Mme Plus Loin Music, Label(le) de Médéric Collignon, vous avez commis une petite erreur, ce n’est pas un CD - Shangri-Tunkashi-La - qu’il eût fallu sortir, mais un DVD.

Le CEDAC, trente ans déjà que la Salle Stéphane Grappelli nous régale des plus grands artistes, John McLaughlin, Wayne Shorter, Pharoah Sanders... et donne leur chance à de jeunes groupes en devenir, tels Sashird Lao que nous applaudirons le vendredi 10décembre.

Merci Pierre de Maria.

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