Une soirée où des musiciens jouent en club devant quatre personnes crée une impression doucereuse d’incompréhension, sinon de tristesse. Aucun des présents ne peut s’empêcher de penser que le jazz mérite mieux, que les musiciens ne méritent pas ça et que, même s’il est méritoire d’être méritant, il est honteux de devoir évoluer sous une voute humide, dans une viduité désolante laissant accroire que la culture a du souci à se faire, le samedi soir notamment.

Mais quand en sus quelques personnes accoudées au comptoir gênent les artistes et les rares auditeurs attentifs durant le second set par un flot incontinent d’éclats verbaux, cela devient presque douloureux et le dépit affleure. Nous ne sommes pas de ceux qui croient que le silence absolu soit une nécessité, non. Nous appartenons néanmoins à la catégorie des gens pensant que la bonne éducation commence bien évidemment par le respect d’autrui. Nous sommes également de ceux qui savent que des lieux ouverts au public existent pour boire (et boire encore), parler, discuter (et même aussi élever la voix), où aucun musicien n’est programmé, et qu’il est bon de ne pas mélanger les genres quand on souhaite faire des mélanges ou partager un moment festif entre connaissances. Là où la gaieté tout à fait respectable des uns empiète sur l’espace créatif absolument respectable des autres, les seules gagnantes sont l’indifférence, la désinvolture et l’incorrection.