Henri Texier "Equanimity Meeting" : une soirée exceptionnelle au Théâtre du Châtelet à Paris pour fêter le jubilé du contrebassiste. C’était le 1er mars 2013.
Vendredi 1er mars 2013 : Henri jubile.
Henri, c’est MONSIEUR HENRI TEXIER, contrebassiste de jazz et cette fête ce soir, son jubilé, pour le remercier de toutes ces années au service de la musique en général et du jazz en particulier.
Où cela se passe-t-il ? Dans un de ces clubs qui font de Paris une des grandes villes du jazz ? Dans un salle à la jauge minimaliste, au plafond bas et à l’éclairage succinct ?
Non, au théâtre musical de Paris, le théâtre du Châtelet, notre Carnegie Hall à nous. Théâtre quasi bondé de spectateurs de tous âges : des vingtenaires aux octogénaires.
Autour de Monsieur HENRI sont rassemblés Christophe MARGUET et Louis MOUTIN à la batterie ( chacun la sienne … ), Manu CODJA et John SCOFIELD à la guitare ( chacun la sienne... ), Sébastien TEXIER au sax alto et clarinettes, Francesco BEARZATTI au sax ténor, François CORNELOUP au sax baryton et Joe LOVANO aux sax ténor et soprano. Excusez du peu : Monsieur HENRI ne se refuse rien ni personne. Des compagnons de route venus du siècle dernier et des compagnons de celui-là. Et pour jubiler, il doit jubiler sous sa jolie calotte assortie à sa chemise bleu nuit.
Mais mais mais que se passe-t-il ? Dés la quatrième mesure du thème joyeux, enlevé et dansant que nous envoient les deux sax Texier et Bearzatti, une série de questions existentielles me brouille l’écoute et m’empêche de jubiler :
Le jazz est-il soluble dans un théâtre de cette envergure ?
Ne conviendrait-il pas de descendre le plafond et les quatre étages de balcons histoire d’intimiser la chose ?
Les lasagnes au boeuf équin de mon déjeuner contenaient-elles quelque additif diminuant mon audition ?
Est-il normal que ces musiciens qui s’échinent là, devant nous, disposent d’une bande son aussi mal foutue ?
Serions-nous les cobayes d’une expérience de contrôle des foules par le son ?
Faut-il lancer une fatwa urbi et orbi contre l’ingénieur du son ?
Car cruelle déception : le son est À CHIER. En particulier en ce qui concerne les sax et clarinettes, écrabouillés et réduits à une platitude de crêpe bretonne sous le bulldozer des CRS dégageant les squatters de Notre Dame des Landes : on est loin de la densité, du dodu et de la rondeur de leur sonorité habituelle.
Texier et Bearzatti s’arrachent les lèvres dans des envolées montgolfiériques et nous n’entendons rien si ce n’est une bouillie pour chats étiquetée Ragoût Gnasse.
Mon voisin dit à sa créature :
-Merde, on se croirait au bout d’un entonnoir », sans préciser de quel bout il s’agit.
Le second morceau, Slinky, de John Scofield, ramène un peu d’espoir. Les sax vont boire un coup, reste un quartet basse-batterie-deux guitares. Cette fois le son est épatant, chaque instrument repérable et ouïssable et nous goûtons un superbe enchaînement de soli des guitaristes, le sexagénaire Scofield, classique et sage, versus le trentenaire Codja, déchiré et véloce.
Puis retour des sax et du son merdique. La poisse. Il faudra trente-cinq minutes avant que, subitement, sans aucune raison apparente, un solo a capella de Joe Lovano nous donne ENFIN à entendre le vrai son du sax avec des vrais bouts de respiration, des petites notes fantômes, du velouté, des ceci et des cela qui vont bien. Pffff....
Au second set, le luxueux quartet de saxophones a (presque) effacé l’immense frustration du premier set en jouant « Le Petit Opportun » écrit par Joe Lovano pour ce soir. C’est si beau, si présent, si proche que je me suis demandé si le 4tet n’avait pas joué acoustique- unplugged, avec une qualité telle qu’il conviendrait de prévoir une battle avec le World Saxophone Quartet.
À partir de ce moment, le son est à la hauteur de l’événement et nous jouissons sans entraves des différents formats présentés, du quartet au nonet, celui-ci remarquable de puissance et de densité, à l’image des opus de Henri TEXIER. Lequel prend sa place, toute sa place, introduisant un morceau ici, chorusant là, jubilant toujours. Pratiquant avec ses pairs ce qu’il considère comme la meilleure façon de piloter le band : en les écoutant.
Ça envoie du son à emplir le théâtre jusqu’au paradis, ça groove en veux-tu en voilà, ça rebondit d’un solo à l’autre et chaque soliste y va de son grain de folie. Ahhhh !!! Grand le final !!!
Au rappel, Henri ( oui, je l’aime, je l’appelle Henri ), caresse sa basse et nous susurre le « raga du soir espoir » avant une de ses compositions remarquables as usual « Ô Elvin » : écriture rigoureuse, métrique impeccable et tour de soli en veux-tu en voilà.
Revenez les mecs, c’est quand vous voulez pour une seconde couche et n’attendez pas le prochain jubilé plizz.
Sur la photo, de gauche à droite : Christophe Marguet, Manu Codjia, Sébastien Texier, Henri Texier, François Corneloup, Louis Moutin et Francesco Bearzatti. Absents de la photo : Joe Lovano et John Scofield.
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