Le Festival SONS D’HIVER a proposé cette année un concert différent des autres, puisqu’il s’agissait de flamenco traditionnel.
Le Festival SONS D’HIVER a proposé cette année un concert différent des autres, puisqu’il s’agissait de flamenco traditionnel.
Tomasa Guerrero Carrasco “La Macanita” (Jérez 1968) avait une voix éteinte, sourde, qui passait mal dans le microphone qu’elle avait au bord des lèvres. Dans ces conditions, il lui fut bien difficile de provoquer l’émotion, malgré son contentement d’être à Paris. Son répertoire mêle le traditionnel, la chanson (son hommage à Terremoto) ou son interprétation personnelle, selon ses dires, de la siguiriya. Il y eut beaucoup de bulerias. Son guitariste avait un son assez sec, et était très libre dans ses improvisations, parfois bien éloignées de la tradition, mais il accompagnait impeccablement les rythmes des divers chants. Deux percussionnistes à mains (palmeros) faisaient partie du groupe, sonorisés comme tels, ce qui modifiait l’équilibre traditionnel chant/guitare et donnait un aspect curieusement mécanique à l’ensemble. L’un des percussionnistes se tailla un beau succès dans les danses parodiques qui illustrent les bulerias traditionnellement données à la fin des sets (80 mn).
Manuel de los Santos Pastor “Agujetas” (Rota, 1939) est illettré et ne sait pas lire la musique -conditions, selon lui, indispensables à l’exercice du cante hondo. Dès les premiers accords du guitariste, son ample, virtuosité des improvisations, on savait que l’on était là pour de bon. Pas de chansons, ni de genre mineur, mais Soleas, Siguiriyas, Martinete etc. La voix d’Agujetas est étonnamment claire et articulée -c’est aussi un “diseur”, dont beaucoup de chutes m’ont échappé à dire vrai. Agujetas est un représentant du chant le plus traditionnel, sans beaucoup de fioriture, droit à l’émotion.
Sa femme, une japonaise au visage fermé, habillée de gris sombre à la mode Meiji, dansa d’une manière hiératique -désapprobation des amateurs sérieux.
Le flamenco est une musique populaire, qui évolue à peine dans le temps. Mais à côté de la tradition, se sont créés des genres mêlés, qui sont finalement des branches de la pop-musique anglo-saxonne et ont perdu la force des musiques originelles.
On peut noter la différence avec le jazz, qui est une musique savante ; il fallait savoir lire la musique pour jouer dans les grands orchestres, voire dans les petites formations de Jelly Roll Morton. On peut trouver d’intéressantes considérations historiques dans The Rest is Noise (2008) d’ Alex Ross (The Invisible, p. 130-170), qui remarque que, si les afro-américains ont pu faire des études musicales après la fin de l’esclavage, ils ont été rejetés du milieu “classique” et ont dû gagner leur vie dans la musique de divertissement et le spectacle. C’est à cette origine, sans doute, que le jazz doit de ne pas être resté enfermé sur lui-même, chaque artiste essayant à son tour de créer du nouveau. Il est probable que c’est cette origine qui en a permis l’acceptation par la société américaine, puis européenne et mondiale, avec un succès confinant au monopole dans ses dérivés actuels.
Créteil, vendredi 14 février 2014 à 20.30
- La Macanita (chant), Manuel Valencia Medrano (guitare), Manuel Romero Guerrero et Manuel Pantoja Carpio (palmas).
- Manuel Agujetas (chant), Antonio Soto Arjona (guitare), Ikeda Kanako (danse).
dans le cadre du festival Sons d’Hiver 2014.
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