Eleonora Suite

Après ces journées de désespérance et d’espoir mêlées, après ce rassemblement du peuple debout ( qui écrira un « Stabat populus » enjazzé ? ), la vie ordinaire reprend son cours et l’année musicale aussi. Au moment des enterrements ici et là, le Sunset qui a tout d’une crypte accueille le Jean-Marc FOLTZ Trio. On est prié d’arrimer sa carcasse au fond du siège minimaliste. Excusez du peu : Jean-Marc FOLTZ aux clarinettes, Régis HUBY au violon et Claudia SOLAL avec sa voix. Rien que « ça ». Des furieux de l’improvisation, de la musique écrite et des chemins de traverse, fertilisations croisées et autres « transversalités ». Tiens, sûr que Wolinski l’aurait croquée la Claudia, avec son crayon impertinent et amoureux des...
En huit chapitres, il est question de Billie Holiday ( Éleanora de son petit nom ) et de « L’amour et la vie d’une femme » de Robert Schuman que Foltz fait se rencontrer par dessus le temps. Le romantisme du second et le destin impitoyable de la première.
Ces trois larrons nous invitent à un voyage intimiste, un truc sans exubérance aucune, à fleur de peau, du pianississimo au mezzo forte pour une histoire d’amour-toujours et d’amour pas-toujours aussi.

On y entend My man de notre Piaf nationale,
Me myself and I,
ce standard des standards The man I love introduit par un texte parlé incantatoire : I love my man. Une invitation à l’amour total ( J’ai été ton esclave, ta môme) mais digne (devenir ta chienne ? je te verrai mort avant..). Revisité, trituré, ré-éxploré, ré-inventé. Ah !!! Cette interprétation solale !!! Son articulation, son phrasé, sa précision font que le texte en anglais arrive à nos oreilles en français...
Foltz sonne comme Jimmy Giuffre avec des bouts du Tony Scott de Music for Zen meditation.
Au risque de lasser les impatients, ils prennent leur temps ( non, on ne double pas, restez derrière) parce raconter-narrer-décrire-émotionner ça prend du temps.

Le second set nous attrape en plein coeur (sauf quelques couples qui, venus boire un coup avant d’aller en tirer un, ont déserté, préférant expérimenter....) avec le poignant Solitude :
In my solitude
You haunt me
with dreadful ease
(…) I sit in my chair
and filled with despair.
un blues (Longan Blues ??? ) sans fioriture, dépouillé, essentiel, tout en délicatesse, avec des vrais morceaux de roots dedans. MMMMmmmm !!!!! Cabu aurait relevé les sourcils avant de croquer en deux traits précis le visage de Foltz.
Outre les conversations à deux et trois, chacun y est allé de son solo a cappella, sans afféterie, nu dans sa vérité pour raconter une femme, un homme, la vie qui passe, ses hauts, ses bas, de l’amour voulu, retenu, perdu.
Nostalgie, tristesse, réalisme, acceptation,
Magnifique concert qui soulage les bleus à l’âme et en recoud les pans déchirés.

> Au Sunset - Rue des Lombards - 75001 PARIS - jeudi 15 janvier 2015.


Le disque :

Jean-Marc FOLTZ : "Eleanora Suite – A woman’s love and life"
Jean-Marc FOLTZ : "Eleanora Suite – A woman’s love and life"
Vision Fugitive



Retrouvez ce disque dans la "Pile de disques" de janvier 2015... lire ici !

> Vision Fugitive VFCD313008 / Harmonia Mundi

Jean-Marc Foltz : clarinettes / Régis Huby : violon / Claudia Solal : voix

01. Chapter I : Schumann’s song - Somebody on my mind - Eleanora / 02. Chapter II : Now Baby or never - Make up your mind / 03. Chapter III : As Evidence - My Man - Billie’s Blues - Ain’t Good looking / 04. Chapter IV : (in My) Solitude / 05. Chapter V : : Schumann’s song - Don’t Explain / 06. Chapter VI : A letter to Lester - God Bless The Child / 07. Chapter VII : A letter to Her - Lady Sings The Blues / 08. Chapter VIII : Trav’lin’ Light // Enregistré au Studio La Buissonne par Gérard de Haro (2013-2014 ?) - Directeur artistique invité : Philippe Mouratoglou.

Le teaser vidéo du disque :