Oui on aime ! Et vive la diversité !

Au sommaire de cette vitrine automnale, six disques qu’on aime :


  Bruno ANGELINI : "Leone Alone – Piano solo"

Bruno ANGELINI : "Leone Alone – Piano solo"
Bruno ANGELINI : "Leone Alone – Piano solo"
Illusions Music

Je ne m’en cache pas depuis fort longtemps : Bruno Angelini est un de mes pianistes favoris. Quoi de plus naturel, bien fatiguée un soir de retour du travail que d’écouter son second disque de l’année après son excellent "Instant Sharings" en quartet (Chronique, Pierre Gros-mai 2015) ? Histoire de décrocher... Sans savoir ce qui était à l’origine du disque, ce fut à la première écoute, un moment intense et rempli d’émotions ! Un décollage immédiat... Il était une fois la lévitation ! Car de la musique d’Ennio Morricone, ce n’est qu’à la seconde, puis troisième écoute que j’ai retrouvé les indices, comme des petits cailloux blancs. Leone pour Sergio, Alone pour faire écho à son disque solo "Never Alone" (2006). Deux films ont servi de trame, "Il était une fois la Revolution" (Giu la Testa) et "Le bon, la brute et le truand". À l’heure où beaucoup s’inspirent de musique déjà écrite, sans s’affranchir vraiment du sujet, on peut dire que Angelini de son côté a parfaitement assimilé son sujet, ce qui lui permet de s’en éloigner, de l’admirer, de le mettre en valeur ! On n’est jamais mieux aimé qu’avec une certaine distance, on ressent cet amour de la musique de Morricone par toutes les pores de la peau, c’est un régal intégral où Angelini s’est laissé aller et communique son admiration du musicien italien. Enregistré au Studio de la Buissonne avec l’écoute de Philippe Ghielmetti, le son est parfait et sert admirablement ce magnifique projet. Un disque à s’offrir ( et écouter) les yeux fermés ou offrir à tous les amoureux du piano et/ou des westerns de Sergio Leone. Même Alone !

.::F.D.: :.


  Francesco BEARZATTI Tinissima 4tet : "This Machine Kills Fascists"

Francesco BEARZATTI Tinissima 4tet : "This Machine Kills Fascists"
Francesco BEARZATTI Tinissima 4tet : "This Machine Kills Fascists"
CamJazz

Si l’on écarte momentanément le fait que Francesco Bearzatti est un instrumentiste plus que doué doublé d’un compositeur original, l’une de ses autres qualités est certainement une fascinante faculté d’adaptation aux musiques qu’il choisit de célébrer sans pour autant renier sa personnalité. Dans ce disque hommage au père de la musique folk moderne, le très engagé Woody Guthrie, on retrouve d’abord la forte présence du quartet soudé (Giovanni Falzone, Danilo Gallo, Zeno De Rossi) qui nous donna la «  Suite for Tina Modotti », « X - Suite for Malcolm » et le projet « Monk ‘n’ Roll » ? Sur cette base, le saxophoniste frioulan met en scène l’univers musical qui est le sien : un monde fascinant de mélodies toujours prêtes à prendre la fuite, à monter dans le train en marche pour aller nourrir ailleurs la résistance citoyenne qui les habite, un monde d’images expressionnistes aussi où les couleurs sonores miroitent en rythme comme autant d’idées solidaires à préserver coûte que coûte du libéralisme ambiant. Francesco Bearzatti est un musicien insurgé. Qu’il évoque celui qui voulait tuer les fascistes à coups de guitare n’est pas une bonne nouvelle ; cela démontre hélas qu’ils rôdent encore (Erri De Luca ne vous dira pas le contraire). Mais c’est un soulagement aussi de savoir qu’il reste des jazzmen intègres capables de porter fièrement leur idéal humaniste en bandoulière et de le transformer en une musique originale à l’âme généreuse.

.::Y.D.: :.


  Dave DOUGLAS Quintet : "Brazen Heart"

Dave DOUGLAS Quintet : "Brazen Heart"
Dave DOUGLAS Quintet : "Brazen Heart"
Greenleaf

"Des forces qui échappent à votre volonté peuvent emporter tout ce que vous possédez
sauf une chose : votre liberté de choisir comment vous allez répondre à la
situation.
". Cette citation de Viktor Emil Frankl, inventeur de la logothérapie (méthode de soins psychiatriques reposant sur la quête de sens et de spiritualité), figure en bonne place dans le livret de ce disque dont l’essentiel des compositions répond à une commande pour être jouées sur le site du World Trade Center. En cela, cette phrase reflète l’esprit de cette musique, une des voies les plus ancrées dans les formes conventionnelles du jazz suivies par ce trompettiste très prolifique qu’est Dave Douglas. Avec ce remarquable quintet, il a non seulement peaufiné un répertoire au cours de tournées de part et d’autre de l’Atlantique mais il a établi des liens relationnels forts qui permettent à son jazz (oui, du jazz !) de prendre forme et de s’épanouir : c’est le cœur qui parle indiscutablement. L’enregistrement effectué a posteriori rend parfaitement compte de la qualité de jeu qui règne dans une équipe soudée par des heures de scène. Les thèmes sont présents mais exposés dans des formes souples. Les solistes s’expriment successivement mais cela n’a rien de mécanique ni de systématique. Bien que la musique conserve de solides bases rythmiques et harmoniques, on perçoit une constante impression de liberté et d’échanges complices dans cette formation. Certes on pense à l’esprit Blue-Note des années 60 et on se dira en cela que Dave Douglas n’a rien inventé mais les écoutes successives confirment que cette équipe réunissant le saxophoniste Jon Irabagon, le pianiste Matt Mitchell, la fidèle Linda Oh à la contrebasse et l’excellent Rudy Royston à la batterie autour de Dave Douglas constitue un des plus beaux quintets "dans la tradition" qui nous soient donnés d’entendre dans le jazz d’aujourd’hui.

.::T.G.: :.


  Scott DUBOIS : "Winter Light"

Scott DUBOIS : "Winter Light"
Scott DUBOIS : "Winter Light"
ACT

Comme ci-dessus remarqué, quand on a un quartet régulier et des idées suffisamment originales pour nourrir et développer un univers personnel, on réalise de forts beaux disques. Scott DuBois, guitariste new yorkais remarqué mais encore peu connu ici est de ceux-là. Accompagné par l’excellent Gebhard Ullmann au saxophone et à la clarinette basse, par le danois Kresten Osgood à la batterie et par le contrebassiste le plus talentueux de sa génération, Thomas Morgan, Scott Dubois joue une musique intrigante, habitée, pétrie de nuances, qui permet à l’auditeur une écoute active. On pénètre aisément une création a priori dense et ardue car l’on est saisi par des ambiances en clair obscur qui, soudain bascule dans la fulgurance. D’un morceau l’autre, une rythmique obsessionnelle impose des climats tendus qui poussent dans leurs retranchements des mélodies accidentées et pourtant limpides. Épatant. On attend avec impatience de découvrir sur scène ce quartet.

.::Y.D.: :.


  Joëlle LÉANDRE - Benoît DELBECQ - François HOULE : "14 Rue Paul Fort, Paris"

Joëlle LÉANDRE - Benoît DELBECQ - François HOULE : "14 Rue Paul Fort, Paris"
Joëlle LÉANDRE - Benoît DELBECQ - François HOULE : "14 Rue Paul Fort, Paris"
Leo Records

Qu’il s’agisse ici de musique totalement improvisée ne surprendra personne au regard des musiciens ici présents. Et quand on dit totalement improvisée cela veut dire chez ces trois là qu’ils y mettent tout leurs Êtres. Cela demande bien sur d’avoir appris mais également d’avoir appris à désapprendre ce qui est peut être le plus difficile car cela veut aussi dire prendre le risque d’être soi même. Du son on reconnaît la formation classique, la recherche du grain de sable qui fait que l’on devient unique. Comme souvent en pareil cas on retrouve certaines inflexions, on est à l’affût de repères qui peuvent s’avérer rassurants. Chez Benoit Delbecq sa proximité avec la musique de Ligeti, une inspiration africaine rythmique et sonore avec l’utilisation d’objet en bois ; chez Joëlle Léandre l’univers d’une existence vouée à la musique et en particulier à celle de l’interaction ; François Houle, bien que nous connaissions son nom, est pour nous la découverte d’un clarinettiste proche entre autre d’un Steve Lacy mais aussi d’une approche très contemporaine de l’instrument. Cher(e) lecteur-auditeur(lectice-auditrice) comment pourrait on décrire cette musique qui ne demande qu’à être écoutée ? Simplement, ne sois pas effrayé(e), ose, car il ne s‘agit ici que de matière poétique.

.::P.G.: :.


THE DUET : "The Long Journey of The Snail"

The Duet : « The Long Journey of The Snail »
The Duet : « The Long Journey of The Snail »
Autoproduction

Voilà une bien belle surprise au détour du Tremplin Jazz d’Avignon 2015 où ce duo italien avait été sélectionné pour la finale. Composé du pianiste Alberto Bellavia et du saxophoniste Roberto Fiello Rebufello, aucun prix ne lui a été attribué à tort pour diverses raisons (deux disques déjà produits et compositions de facture plutôt classique posant encore la question éternelle : est ce du jazz ?). Du jazz de chambre, comme on dit musique de chambre, tant le côté intimiste prévaut. "The Long Journey of The Snail", c’est la patience du petit escargot qui va son chemin en toute tranquillité comme nos deux musiciens qui jouent ensemble depuis plus de quatorze ans dans une association qui n’est pas très fréquente. Musiciens aguerris et souvent récompensés en Italie avec plusieurs disques à leur actif pour cette formation ( Jokes in the Sky, La Stanza Delle Marionette), leur talent mérite d’être reconnu au-delà de leur pays d’origine.

Douze petites suites, douze conversations aux ambiances contrastées avec parfois des influences décelables bien assimilées ( Ravel, Debussy, Stravinsky, Gershwin, Prokofiev...), qui sont autant de mini-paysages calmes ou agités suivant que le saxophone passe du soprano au baryton. Des compositions toutes originales, totalement improvisées au moment de l’enregistrement, soignées, avec beaucoup de sensibilité (comme dans le titre éponyme), qui donnent envie de les entendre à nouveau, pleines de charme avec des changements de rythme facétieux. De petites histoires qui pourraient accompagner un dessin animé comme dans " Le Matin des Noires" d’Archie Shepp (Stories of Mizuno Tofanaky). L’entente est totale et perceptible avec des moments véritablement magiques. Souhaitons que ce duo avant tout européen ( il est étrange que l’on parle encore de musiciens de nationalité ou française, ou allemande, ou italienne, ou belge etc...! ) ait un terrain de jeu à la largeur de sa qualité !
Commercialisé pour l’instant sur i-tunes.

.::F.D.: :.


  Les références :

Bruno ANGELINI : "Leone Alone – Piano solo"

> Illusions Music ILL313007 / www.illusionsmusic.fr (exclusivement)

Bruno Angelini : piano, Fender Rhodes, percussions

01-07 : Giu La Testa (E. Morricone) / 08-14 : Il Buono, Il Brutto, Il Cattivo (E. Morricone) // Enregistré par Gérard de Haro au Studio La Buissonne de Pernes-Les-Fontaines (84) le 14 novembre 2014.

Francesco BEARZATTI Tinissima 4tet : "This Machine Kills Fascists"

> CamJazz CAMJ 7893 / Harmonia Mundi

Francesco Bearzatti : saxophone ténor, clarinette, voix, compositions sauf 11 / Giovanni Falzone : trompette, effets vocaux, voix / Danilo Gallo : basse, contrebasse, voix / Zeno De Rossi : batterie, percussions, voix /+/ Petra Magoni : voix sur 10.

01. Okemah (Intro) / 02. Dust Bowl / 03. Okemah / 04. Long Train Running / 05. Hobo Rag / 06. N.Y. / 07. Witch Hunt / 08. When U Left / 09. Okemah (Reprise) / 10. One For Sacco And Vanzetti / 11. This Land Is Your Land // Enregistré à Cavalicco (Italie) en avril 2015.

Dave DOUGLAS Quintet : "Brazen Heart"

> Greenleaf Records / Orkhêstra

Dave Douglas : trompette et compositions / Jon Irabagon : saxophones / Matt Mitchell : piano / Linda Oh : contrebasse / Rudy Royston : batterie

01. Brazen Heart / 02. Deep River (trad.) / 03. Hawaiian Punch / 04. Inure Phase / 05. Lone Wolf / 06. Miracle Gro / 07. Ocean Spray / 08. Pyrrhic Apology / 09. There is a Balm in Gilead (trad.) / 10. Variable Current / 11. Wake Up Claire // Enregistré aux USA vers 2013-2014 ?

Scott DUBOIS : "Winter Light"

> ACT ACT 9810-2 / Harmonia Mundi

Scott DuBois : guitare, compositions / Gebhard Ullman : saxophone ténor et clarinette basse / Thomas Morgan : contrebasse / Kresten Osgood : batterie

01. First Light Tundra / 02. Early Morning Forest / 03. Late Morning Snow / 04. Noon White Mountain / 05. Afternoon Ice Fog / 06. Evening Blizzard / 07. Night Tundra // Enregistré à Copenhague, Danemark le 29 janvier 2015.

Joëlle LÉANDRE - Benoît DELBECQ - François HOULE : "14 Rue Paul Fort, Paris"

> Leo Records ‎– CD LR 731 / Orkhêstra

Joëlle Léandre : contrebasse / François Houle : clarinette / Benoit Delbecq : piano

01.14 Rue Paul Fort 1 / 02. 14 Rue Paul Fort 2 / 03. 14 Rue Paul Fort 3 / 04. 14 Rue Paul Fort 4 / 05. 14 Rue Paul Fort 5 / 06. 14 Rue Paul Fort 6 / 07. 14 Rue Paul Fort 7 // Enregistré le 24 Novembre 2013, 14 rue Paul Fort par Jean Marc Foussat.

The Duet : « The Long Journey of The Snail »

> Distribution digitale UP

Roberto Fiello Rebufello : saxophones / Alberto Bellavia : piano

01. Thank you Mr George / 02. Great light in a little thought / 03. Stories of Mizuno Tofanaky / 04. Two small mountains / 05. Thehouse that does not exist / 06. Carlito / 07. The long journey of the snail / 08. Escape to our absurd landscape / 09. Tales of an old man / 10. A world that never ends / 11. Room N°2 / 12. The end