West in Peace

Dans l’esprit de Frank Zappa

Il est évident que depuis quelque temps le jazz n’est plus ce qu’il était et c’est tant mieux… il y a donc maintenant plusieurs jazz ainsi qu’on peut l’entendre. Gunther Schuller, John Lewis (le fameux « Troisième Courant) et quelques autres (dont Django Reinhardt) furent parmi les premiers à élargir le spectre du jazz originel, original ou conventionnel.

Andy Emler Mégaoctet - "West in peace"
Nocturne 2007

On peut, on doit, considérer que le disque des frères Belmondo Hymne au soleil (bflat 2002) fut le déclencheur en France d’une vague, d’une vogue aussi, qui se traduisit par quelques autres œuvres (la plupart produites par le label Nocturne) estimées ou non en fonction des goûts de chacun. J’avoue que certaines productions (à part les Belmondo, les premiers à avoir interprété Lili Boulanger et Maurice Duruflé et ce avec une telle ferveur (ah ! le solo de Stéphane dans Pie Jesù) ne me procurèrent pas de plaisirs particuliers suffisants, contrairement à Thierry Giard par ailleurs souvent dithyrambique (voir ses différentes chroniques).

Là, pour moi, c’est encore autre chose, me semble-t-il.

L’auteur-compositeur, le jeune « écrivain » tel qu’il se nomme dans son texte de présentation, déclare tout de go : la musique que nous pratiquons n’est pas identifiée par un terme générique quelconque mais elle reste le résultat d’une digestion progressive des musiques passées avec une prédilection pour celle du XXe siècle (« classique, contemporaine, rock, pop, jazz, etc)… et poursuit la découverte de l’immense Frank Zappa, dont les arrangements et l’humour me firent vibrer instantanément, ouvrit mes oreilles aux incontournables Stravinsky et Varèse puis plus tard à Bartok, Dutilleux et Ligeti. (fin de citation d’une partie du texte inclus dans le livret du cd).

Cette autre chose, c’est le côté joyeux, gai, enjoué, ludique, foutraque, jubilatoire, gentiment bordélique dans le bon sens du terme, enjôleur sans putasserie, bref totalement emballant car, oh oui, ça balance, chahute, bourlingue, tangue, culbute, grand chambardement et big grabuge…

A noter les superbes unissons des différentes sections ou d’ensemble, le solo dans Les ions sauvages de François Thuillier qui est sans nul doute, avec Michel Godard, le meilleur joueur de saxhorn et de tuba qu’on puisse entendre actuellement dans le jazz ou musiques associées, l’intervention très lyrique de Thomas de Pourquery au saxophone alto au centre de The last suite (titre original : Red rondo à l’arménienne), celle de son confrère Guillaume Orti, rageur de tristesse et de révolte dans West in peace… bref, tous les solistes s’expriment à qui mieux mieux sous les yeux et oreilles du chef, ravi.

Andy Emler fait lui-même de la musicologie sur ses propres œuvres, ce qui devrait éviter à bien des confrères de se ridiculiser (quand ils essaient d’en faire), ce qui est parfois rigolo (d’après les spécialistes).

Cinquante et une minutes de plaisir. On aurait aimé plus, vraiment plus.


> ANDY EMLER MegaOctet - West in Peace - Nocturne NTCD410 - distribution Nocturne.

MEDERIC COLLIGNON (bugle, saxhorn alto, voix), LAURENT DEHORS (saxophone ténor, clarinette basse et cornemuse), GUILLAUME ORTI (saxophone alto et contre ténor), THOMAS de POURQUERY (saxophone alto),
FRANÇOIS THUILLIER (saxhorn basse, tuba basse), CLAUDE TCHAMITCHIAN (contrebasse), ERIC ECHAMPARD (batterie), FRANÇOIS VERLY (percussions), ANDY EMLER (piano, composition et direction)
Enregistré en novembre 2006

1/ Les lions sauvages (incluant Ta danse de Cuba). 2/ Les 9 cents lunes. 3/ The lost suite. 4/ West in Peace. 6/ Hugs. 7/ Final et postlude (incluant Ministral).


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