samedi 24 septembre

En ce dernier jour de festival, la seule idée de retrouver le trio de Vincent Courtois, Daniel Erdmann et Robin Fincker était une joie véritable. Je ne me disais d’ailleurs pas autre chose de bon matin, assis derrière le palais du Pharo à contempler la mer en imaginant la lointaine Afrique. Peut-être aurais-je dû pousser le regard encore plus loin afin d’entrevoir le monde de Jack London, ce monde aventureux que le trio s’accapara le soir sur la scène du conservatoire Pierre Barbizet. Et qu’en dire ? Comme à leur habitude, les trois musiciens nous révélèrent que la beauté s’accommode volontiers des espaces mémoriels et du verbe littéraire, surtout quand elle se sublime par la musique. En l’occurrence, c’est dans le registre principalement médium du trio qu’elle s’offrit au public, qu’elle prit des tournures inusitées pour célébrer l’auteur américain disparu à 40 ans en 1916. Trois voix s’enlacèrent autour de ses écrits et chacune eut son mot à dire, l’échangea avec autrui et échafauda de concert une somme musicale étourdissante de naturel, d’inventivité dans l’art du discours et d’humanité affranchie comme seul ce trio peut le faire. Les ayant déjà écoutés par le passé avec leur premier projet, je notai qu’à quelques années d’intervalle le trio s’était abonni, jusqu’à toucher du bout des notes le grandiose, le fécond, la poétique de l’instant et, dans ce contexte précis, l’amour de la vie. Je fus ébloui, à tel point qu’aujourd’hui encore les mots me manquent.

Peut-être est-ce le ravissement évoqué ci-dessus qui me fit passer à côté du projet de Stéphane Payen, consacré à James Baldwin, ce que je regrettai car j’aime depuis longtemps le travail du saxophoniste. De fait, je n’arrivai pas à faire le lien entre la musique proche de l’abstraction et les mots crus de l’auteur. À la fenêtre je restai, incapable de me fondre dans l’univers du septet, de passer de la dichotomie entre instruments et voix à l’unité orchestrale. Eux n’y étaient pour rien ; des musiciens de ce calibre ne ratent jamais leur cible. Mais en ce 24 septembre qui vit naître Francis Scott Fitzgerald (1896), j’éprouvai un certain désarroi à demeurer à distance d’un discours musical inédit, aussi riche de sens et d’engagement. C’est ainsi. Une autre fois peut-être. Je ne vais pas me mettre la rate au court-bouillon pour autant.


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