Yves Rousseau Shabda Sextet

Samedi 17 décembre 2022 - Foyers du théâtre de Caen - 15h30

Clément Janinet, Raphaël Quenehen, Jean-Marc Larché, Yves Rousseau, Jean-Charles Richard, Christophe Marguet
© Sébastien Toulorge

Le Père Noël s’appelle Clément et le Sauveur Raphaël.

17 décembre vers 7 heures du matin :

Driiinng ! (Le téléphone sonne chez Yves Rousseau) "Allo Yves, c’est Géraldine (Laurent, la saxophoniste alto), je suis maalaaade... Je ne pourrai pas jouer à Caen cet après-midi, aaatchoummm..."
... Le contrebassiste a la mine défaite, lui aussi, tout autant que sa saxophoniste alto (on imagine).
Tempête sous le crâne du leader. Quelles options ? Jouer en quintet ? Cette musique est écrite pour trois anches, ce sera boiteux. Pour le second concert de ce nouveau sextet, ça ne va pas.
Il compte sur ce concert, Yves Rousseau, pour que ce nouveau projet à base de compositions parfois anciennes mais toujours chiadées puisse vivre un peu... Si le Père Noël existe, qu’il l’aide maintenant (même avec une semaine d’avance)...

Yves Rousseau
© Sébastien Toulorge

Tout s’agite à partir de ce moment. Il appelle Thomas Savy qui pourrait peut-être sauver la mise. Pas disponible, il est désolé Thomas mais il ne peut vraiment pas.
Il faut alerter les co-équipiers "historiques", les fidèles amis qui ont été de bien des aventures depuis le quartet jadis (Christophe Marguet un peu "mal fichu" lui aussi ces jours-ci, Jean-Marc Larché...) et Jean-Charles Richard qui en connaît, lui, des saxophonistes... Rien à faire, pas de solution. Reste le jeunot de l’équipe, Clément Janinet, violoniste et bidouilleur de mandoline. Il n’y a pas que dans le foot qu’on peut compter sur les jeunes ! Espoir.

Raphaël Quenehen, Clément Janinet
© Sébastien Toulorge

Il trouve illico une solution dans sa hotte câblée sur les bons réseaux :
" Raphaël Quenehen ! Il habite Rouen... avec un peu de chance, un saut dans un TER et il sera sur place à 14h pour la balance...".
... Un vrai Père Noël ce violoniste. Sauver ce concert, c’était le plus beau cadeau qu’on puisse faire à Yves Rousseau ce jour-là.
Et voilà comment le Sauveur Raphaël s’est appelé Géraldine pour ce concert caennais en plein après-midi d’une froide journée d’hiver.

17 décembre 14 heures :

La balance avant le concert... Ça va le faire ou pas ?
Il ne fait pas bien chaud dans les foyers du théâtre mais Raphaël Quenehen est le seul à rester en tee-shirt. Il a survolé les partitions dans le train en écoutant comme il a pu la musique envoyée par Yves dans la matinée. Il est à fond. Les autres ont répété la veille mais pas lui et pourtant, il semble assez serein. On enchaîne quelques thèmes, quelques passages qui méritent d’être ajustés.

Jean-Marc Larché, Jean-Charles Richard
© Sébastien Toulorge

Tout se passe bien. De toute évidence, le vibrant défricheur [1] est un brillant déchiffreur. Il s’accroche aux doubles croches sans décrocher, stoppe aux silences avec la précision d’un vieux briscard. Yves Rousseau a retrouvé le sourire, Jean-Charles Richard et Jean-Marc Larché assistent leur nouveau complice avec bienveillance, un rien épatés. Un signe, on appuie le tempo, on accélère sous la poussée irrépressible de Christophe Marguet. Ça passe. Raphaël Quenehen escalade les grilles, évite les écueils d’une musique souvent escarpée au cheminement plutôt complexe et de toute évidence périlleux. Raphaël veille au grain mais sans pains ! Fin de balance, la sérénité est là, confortée par le choix pertinent et gonflé de la rustine du jour.

17 décembre 15 heures 30 :

Yves Rousseau Shabda Sextet à Caen
© Sébastien Toulorge

Comme d’habitude, les foyers du théâtre se remplissent vite. Michel Dubourg [2] peut se féliciter une fois de plus du succès de ces rendez-vous "Jazz dans les foyers" qui durent et perdurent depuis des lustres... Il annonce la défection de Géraldine Laurent (zut alors...) mais son remplacement par un normand, Raphaël Quenehen, volontaire de dernière minute (applaudissements... le public est chouette !). Entrée sur scène de ce sextet inédit. Lors de la création à côté de Portbail dans la Manche, Géraldine Laurent était en pleine forme... Moi, pas trop : je n’y étais pas.
On entame avec Ouverture, ça ne s’invente pas, et on enchaîne avec Shabda. Les cymbales vibrent comme les cordes du violon et de la contrebasse frottées par les archets. La musique prend son envol. Le soprano et le baryton duettisent. L’alto est bien à sa place et ne décroche pas. On respire et la musique gonfle et vit sa vie comme si de rien n’était, ce qui donne la banane au leader.
Suivent Poetic Touch, cordes et saxophones slaloment entre les portées et font monter la tension jusqu’au solo de Christophe Marguet qui a oublié son rhume et sa toux et fonce comme un diable hors de sa boîte. Impressionnant !

Raphaël Quenehen, Jean-Marc Larché, Jean-Charles Richard
© Sébastien Toulorge

Suivent Yarin, pièce extraite des archives et réarrangée pour le sextet puis Avarana (?) qui s’ouvre par un profond solo de contrebasse. La mélodie se construit sur les sonorités croisées, décalées des anches sur roulements de caisse claire. Séance solennelle qui voit s’envoler le Père Noël du jour, Clément Janinet, dans un solo très inspiré. Le concert avance et la greffe prend, solidement. Raphaël Quenehen trouve la juste place dans cet ensemble et rappelle qu’il est un soliste virulent et inspiré quand on lui laisse les coudées franches. Il ne s’en prive pas. Jean-Charles Richard n’est pas en reste. S’il connaît Yves Rousseau depuis belle lurette, ils n’avaient jamais eu l’occasion de cheminer ensemble dans une formation constituée avant Shabda. Le saxophone baryton reste son instrument de prédilection mais il excelle aussi au soprano et surprend quand il l’équipe d’une embouchure "à la turque" pour le faire sonner comme un ney (sur Ova - ?-, pièce d’inspiration turque, justement, quel hasard !).
On s’achemine ainsi, fièvreusement, vers la fin du concert (déjà !). Applaudissements nourris pour saluer l’ensemble et chacun de ses membres mais avec un petit sursaut de fougue au moment des remerciements qu’Yves Rousseau adresse à Raphaël Quenehen, l’homme du match, de toute évidence.
Il n’y aura pas de rappel en raison de containtes techniques pour l’équipe du théâtre... La prochaine fois, sans aucun doute ?
Au final, Géraldine Laurent pouvait siroter tranquillement son Doliprane pendant que ses copains trinquaient à la santé de Saint Raphaël ! Joyeux Noël !


Raphaël Quenehen, Clément Janinet, Jean-Marc Larché ©© Sébastien Toulorge
Raphaël Quenehen, Clément Janinet ©© Sébastien Toulorge
Clément Janinet, Raphaël Quenehen, Jean-Marc Larché, Yves Rousseau, Jean-Charles Richard, Christophe Marguet ©© Sébastien Toulorge
Jean-Marc Larché, Jean-Charles Richard ©© Sébastien Toulorge
Yves Rousseau ©© Sébastien Toulorge
Raphaël Quenehen, Jean-Marc Larché, Clément Janinet ©© Sébastien Toulorge
Raphaël Quenehen, Jean-Marc Larché, Jean-Charles Richard ©© Sébastien Toulorge
Yves Rousseau Shabda Sextet à Caen ©© Sébastien Toulorge
Raphaël Quenehen, Jean-Marc Larché, Jean-Charles Richard, Clément Janinet ©© Sébastien Toulorge
Yves Rousseau Shabda Sextet à Caen ©© Sébastien Toulorge

Raphaël Quénehen : saxophone alto
Jean-Marc Larché : saxophone soprano
Jean-Charles Richard : saxophones baryton et soprano
Clément Janinet : violon, mandoline électrique
Christophe Marguet : batterie
Yves Rousseau : contrebasse, compositions.


Pas encore de disque disponible pour le sextet mais on pourra écouter "À petits pas" par le Duo Continuum qui se compose de Jean-Marc Larché (saxophones soprano et alto) et Yves Rousseau (contrebasse). Un album qui vient de paraître sur le label MCO :


[1Raphaël Quenehen est un des membres actifs du collectif d’artistes rouennais Vibrants Défricheurs. C’est le saxophoniste du quintet Papanosh auquel on doit de nombreux projets et rencontres avec des musiciens de divers horizons.

[2Michel Dubourg est le programmateur "historique" des concerts "Jazz dans les Foyers" mais aussi de toute la composante jazz du programme du théâtre de Caen.