La
Cité de la Musique a consacré une semaine de
concerts à Wayne Shorter sous l'intitulé "Domaine
Privé" du 17 au 25 janvier 2004. Quel luxe ! Et quel honneur
pour un musicien/compositeur dit "de jazz" !
Le monde du jazz cherche toujours à honorer ses "stars" et
cette "carte blanche" s'inscrit un peu dans cette logique. On y voit
aussi et surtout la mission prioritairement culturelle de la
Cité de la Musique qui peut se permettre de
recréer et de mettre en évidence
concrètement les liens qui unissent les musiciens et
permettent de mieux percevoir les cheminements artistiques. Une telle
semaine est un événement rare mais il est
essentiel que ce type d'initiatives puisse perdurer.
Salif
Keita,
(Wayne Shorter l'a accompagné sur son album "Amen",
enregistré en 1991) évoque les liens vers
l'Afrique.
Le guitariste et chanteur brésilien Milton
Nascimento est un ami de Shorter
et leur collaboration se poursuit épisodiquement depuis les
années 70 et un album magnifique : "Native Dancer".
L'Orchestre National de
Lyon, représente la
curiosité de Shorter pour toutes les musiques et en
particulier la musique "classique" occidentale.
On ne pouvait pas oublier Herbie
Hancock, l'ami incontournable,
compagnon de route depuis le quintet de Miles Davis dans les
années 60 et le quartet actuel (Danilo
Perez, John
Patitucci et Brian
Blade) qui fonctionne dans une
osmose quasi parfaite.
Je n'ai pu assister qu'au concert du samedi 25 janvier,
malheureusement...
Mais je ne regrette rien car l'événement valait
le déplacement : ce n'est pas tous les jours qu'on
réunit LE quartet de Wayne Shorter et la soixantaine de
musiciens d'un orchestre symphonique !
Les "puristes" font parfois la moue devant ce genre d'assemblage
craignant que la force de la musique ne se dilue dans un
mélange sirupeux.
Depuis quelques années, les cordes et les bois ont
à nouveau la cote comme le montrent nombre de productions
récentes (de Michael Brecker à Henri Texier, en
passant par Joni Mitchell...).
Wayne Shorter démontre que chaque composante peut trouver sa
place dans un ensemble savamment construit où les solistes
gardent une grande facilité d'expression. L'alliance de la
rigueur, de la vivacité et de la liberté :
magique !
Et le saxophoniste virevolte dans cet univers radieux, s'exprimant sans
jamais s'imposer, privilégiant le saxophone soprano. Loin de
la notion de soliste/accompagnateurs, on est dans un contexte
où chacun dispose d'espace pour contribuer à
l'oeuvre collective.
Les points forts :
- Des compositions superbes mais le talent de compositeur de Wayne
Shorter n'est plus à démontrer depuis les
années 60 aux côtés de Miles Davis ;
- Des arrangements qui jouent habilement sur les différents
registres de l'orchestre ;
- Un quartet phénoménal où chacun
dispose d'une grande liberté dans un cadre souple qui donne
sa cohérence à l'ensemble ...
Le répertoire de ce concert repose essentiellement sur les
compositions assez récentes de Wayne Shorter qu'on trouve
sur l'album "Alegria" publié en 2003. Elles prennent une
ampleur toute différente du fait de la dimension de
l'orchestre. Pas de réarrangements des "standards" du
saxophoniste au programme. On notera par contre le toilettage subi par
"Joy Rider" publié en 1988 sur l'album éponyme
dans une formation assez "électrique". La
réorchestration, sans violons mais misant sur les graves de
l'orchestre a permis de mettre en valeur toute la force rythmique de ce
thème porté "haut la main" par la contrebasse
irréprochable et enjouée de John Pattitucci.
On attend impatiemment la concrétisation de cette
collaboration à travers un enregistrement (voire un DVD pour
être au goût du jour !).
Que les absents se consolent : cette semaine de concrets a
été filmée et enregistrée
par "Arte" pour une diffusion ultérieure sur la
chaîne. Alors : "A vos cassettes" et lisez attentivement vos
programmes TV pour ne pas manquer ces diffusions !
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