Dernier opus de la résidence de Catherine DELAUNAY et sa clarinette en compagnie de Régis HUBY violons et Fabrice MARTINEZ trompette et bugle. Un trio exotique qui mêle cordes, cuivre et bois et n’est pas sans rappeler le trio Humair-Texier-Jenneau à la toute fin des années 70, trio qui paraissait étrange et culotté en remplaçant le piano par un sax. Ici, ni piano, ni contrebasse ni batterie, un trio disruptif !!! Qui ouvre le concert avec une pièce en forme de lamentation. Le violon se déguise en guitare, la clarinette et la trompette se chargent du thème et tout de suite, sans autres préliminaires, solo de trompette. Lamentation ou marche funèbre, il y a dans le tempo lent quelque chose qui rappelle Saint James Infirmary. Le solo de trompette, tendre, velouté, émotionnant, tripal, est stratosphérique. Suit une pièce inspirée d’un poème de Malcolm Lowry ( non, on n’est pas à la Maison de la Poésie ) : Whirl Pool ( sans lien avec l’électro-ménager, faut-il le préciser ? ) et le trio se répartit les tâches : pendant que le violon s’ébaubit, la clarinette étire des sons et la trompette pose des accents rapides et serrés dans les graves. Deux morceaux et déjà, on ne peut que se réjouir du très très haut niveau de ce trio : il nous enchante. Au tour de la clarinette d’ouvrir le morceau suivant, des arpèges down-up en forme de cri avec les pizz façon contrebasse au violon et des tenues à la trompette qui prend un nouveau solo hénaurme sur fond de violon façon violoncelle. Martinez, as usual, joue avec ses tripes et noue les nôtres.
Et puis il y a cette très longue pièce, qui prend les 2/3 du concert, d’un seul souffle uniquement scandée par des retours à l’unisson. Un genre de suite époustouflante. On entend le duo survitaminé clarinette-violon, emporté dans une conversation d’une extrême volubilité au faux air de vol du bourdon (asiatique) pendant que le bugle tire des lignes de basse ; on entend le violon soloïser avec l’archet glissant-virevoltant-frottant pendant que la clarinette répète une petite phrase mélodique toute simple. C’est trétrétrébôooo. Puis le bugle soloïse à son tour et se donne des airs de tuba en allant fricoter dans les extrêmes graves ; la clarinette se fend d’un solo sans esbrouffe, avec le strict nécessaire, qui fait se tordre nos boyaux. Bref, on se croirait dans une illustration de la phrase mémorable de Grégory Bateson : « La sagesse, c’est s’asseoir autour d’une table pour parler de nos différences sans chercher à les changer ». Et on ne saisit qu’à la dernière note qu’on a vécu en apesanteur et en apnée un concert de très haute volée.
On les rappelle pour une Salsa à la jambe de bois qui devrait faire son petit effet dans la nouvelle manif contre la réforme des retraites.
Concert exceptionnel et éphémère puisque sans captation ni worldtour à suivre.


Atelier du Plateau
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