Mercredi 19 avril 2023

Laissez-moi vous dire ceci : Nicole Mitchell et Silvia Bolognesi sur la même scène un mercredi soir au Périscope, j’en salivais d’avance. Place à la création musicale de haut rang, entre musique contemporaine et improvisation, me disais-je allègrement chemin faisant (dédicace en passant à Jacques Lacarrière). Arrivé là-bas, je notai qu’il y avait beaucoup moins de chaises vides que lors de mes derniers passages. J’acceptai volontiers l’augure qui plaçait le duo sous les meilleurs auspices. Et je ne fus pas déçu puisque je fus charmé, bienheureux, transporté, etc. Comment vous dire ? Ce fut l’histoire de deux parallèles qui se rencontrèrent au gré des mouvements musicaux qu’elles créèrent. Si Nicole Mitchell et Silvia Bolognesi empruntèrent leurs chemins respectifs sur le fil de l’improvisation, elles surent à tout moment écouter l’autre et la rejoindre au gré d’irrépressibles envies de communion musicale. Plus que complices, elles livrèrent une joute amicale et festive aux confins du jazz. La contrebasse fut dynamique et percussive, alanguie ou agitée sous l’archet, la flûte prise entre le souffle et le chant, toujours prête à déjouer l’évidence. Entre les regards et leur expression sonore, entre silence soudain et subite cavalcade, une musique aussi atypique que buissonnière naquit. L’histoire contée là fut à la hauteur du talent des créatrices et pas une seconde d’ennui ou d’interrogation, pas une seule, ne survint. Malgré, ou grâce à, un problème de son, dès l’entame du concert et qui se prolongea sur une bonne moitié du temps imparti, les deux musiciennes sortirent plus encore des habitudes qu’elles auraient pu avoir. Le compérage n’en fut que plus dense et les sourires sémillants et taquins. Entre les mains des artistes, la musique en profita pour saisir au vol cette chance offerte par le destin (le hasard n’existe pas, ne discutez pas je vous prie) ; les spectateurs (moi compris) ne furent que plus réceptifs à cette poétique de l’instant et ils le firent savoir. Après un beau rappel, Nicole Mitchell et Silvia Bolognesi, avec le naturel et la simplicité qui les caractérisa, durent revenir pour saluer encore et recueillir, heureuses, l’hommage enjoué d’un auditoire conquis. Je note au passage le mérite du Périscope qui prend le risque de programmer de telles artistes, loin des sentiers battus et rebattus. C’est rafraîchissant et inspirant. C’était un 19 avril printanier, jour qui vit disparaître en 2001 le poète André Du Bouchet. Je vous encourage à lire Truinas le 21 avril 2001, petit ouvrage consacré par Philippe Jaccottet à son ami, ce qui n’empêche nullement de découvrir ou de relire ses mots de granit austères et denses.


https://www.periscope-lyon.com/
https://www.nicolemitchell.com/
https://www.silviabolognesimusic.com/