Jeudi 13 février 2025

Henri Texier : contrebasse
Sébastien Texier : saxophone
Gautier Garrigue : batterie

Une fois par mois, l’Ecuje (Espace Culturel et Universitaire Juif d’Europe) se transforme pour accueillir un concert dans le cadre du programme « Jazz à l’Ecuje ». Et les choses sont bien faites, puisque c’est une affiche formidable que propose le centre pour celui du mois de février. Accompagné de son fils Sébastien Texier et de Gautier Garrigue,« le wonder kid de la batterie française », Henri Texier est présenté comme une « légende du jazz ». Il faut dire que celui-ci mène une carrière brillante depuis ses débuts, il y a plus de 50 ans : il avait 18 ans lors de son premier concert avec Chet Baker... Faisant résonner des premières notes mystérieuses, le contrebassiste présente seul une première mélodie audacieuse, aux sonorités exotiques : c’est une cithare que l’on croirait entendre ! Ici encore, l’on sent immédiatement que c’est une chance d’assister à cet échange : les deux autres musiciens se mêlent aux strates de voix, et chacun apporte la richesse de sa palette pour ce mélange particulier de couleurs. Voici que père et fils tournent la tête vers le batteur : pour son premier solo de la soirée, celui-ci s’en donne à coeur joie et délivre une interprétation d’une intensité époustouflante. L’aisance et le naturel du trio saute aux yeux (et aux oreilles), et le public rapidement enivré par les mélodies virevoltantes et l’ampleur du son de la contrebasse, se trouve mêlé à un jeu où tous trois rivalisent d’inventivité. Cette collaboration respectueuse semble ainsi fondée sur un principe d’innutrition, que permettent une écoute attentive et surtout une confiance que s’accordent mutuellement les artistes. En témoigne un nouveau solo de batterie : d’un jeu précis, délicat, sur les cymbales uniquement, Gautier Garrigue explore son instrument et manoeuvre pour ménager une transition vers un morceau plus langoureux et mélancolique, mais non moins virtuose, car toujours les musiciens tendent vers un équilibre et construisent ensemble une atmosphère singulière. Il s’agit d’une nouvelle composition du batteur lui-même, nous informe Henri Texier. Ce dernier prend le temps de présenter le morceau qui succède à cette ballade : quelques minutes d’éclaircissement historique qui en valent la peine. Tiré de l’abum « An Indian’s Life », Black Indians renvoie aux Noir-Américains, dont les ancêtres, esclaves fugitifs, ont trouvé refuge chez les Améridiens de Louisiane. Ici, Sébastien Texier convoque sa clarinette et sur une basse presque en ostinato, le trio rend un hommage pénétrant à ce métissage des cultures. A l’entracte, cette phrase entendue qui résume parfaitement l’impression sans doute partagée par l’ensemble des auditeurs : « Ils assurent grave, les trois ! » Qu’il s’agisse de compositions originales ou de standards, on ne peut qu’apprécier la personnalité et la sensibilité qui transparaissent dans leur musique. Le deuxième set s’ouvre, et de nouveau, le batteur nous gâte d’un long moment de frénésie polyrythmique. Nouvel hommage, cette fois-ci à Bertrand Tavernier, avec Round Midnight de Monk. Une plainte vibrante s’élève du saxophone, et cette interprétation saisissante de profondeur me fait remarquer à quel point chaque musicien insuffle à sa manière une vie particulière à son instrument. Sous ses doigts, la contrebasse d’Henri Texier devient tour à tour harpe ou percussions ; il fait preuve de son talent et de sa fantaisie à tout instant, sous l’œil tendre (et attendrissant) de son fils. Et s’il récolte les rires du public en s’amusant à en tirer quelques sons avec un balai de batterie, il n’en propose pas moins une expérience musicale originale. Un dernier morceau : Cinecittà, composé par Sébastien Texier. Quoi de mieux que ce titre aux accents méditerranéens pour conclure ce moment riche de couleurs vives et d’images ensoleillées ? Réponse : en bis, un Besame Mucho, repris dans un murmure par les auditeurs pour un dernier moment d’émotion partagée... peut-être même un peu trop partagée, puisque mes voisins prennent cette incitation au pied de la lettre, quitte à envahir peu à peu mon siège...


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