De bien beaux disques à écouter, dans des genres différents, qui vous donneront un peu du soleil qui nous manque.
Ecm
Mathias Eick : trompette, voix, claviers
Kristjan Randalu : piano
Ole Morten Vågan : contrebasse
Hans Hulbækmo : batterie
Les jazzmen norvégiens savent faire des mélodies entêtantes, de celles qui vous s’installent sous votre crâne et semblent ne jamais vouloir le quitter. Mathias Eick et ses très estimés collègues n’échappent pas à la règle. Peut-être même en sont-ils les parangons. Que les rythmes soient enlevés ou plus apaisés n’y change rien. L’évanescence des paysages septentrionaux est la matrice de sa musique. Elle emprunte ses chemins sans autre but que de faire le voyage. Le temps suspendu s’invite tous aux longs des titres du disque et invite au lâcher prise. L’osmose entre les musiciens est évidente et rien ne peut les détourner des flux mélodieux et serpentins qu’ils créent. L’expressivité douce et subtile du trompettiste, le son pur de son instrument, portent l’ensemble de la formation et définissent l’esprit du disque, même si les musiciens qui l’accompagnent sont à son niveau. La musique de Mathias Eick laisse une empreinte durable sur l’auditeur tant par son aspect planant, ni trop haut ni trop bas, que par son raffinement. En ces temps calamiteux, c’est une oasis de beauté inactuelle. Passer à côté serait triste.
Ecm
Billy Hart : batterie
Ethan Iverson : piano
Mark Turner : saxophone
Ben Street : contrebasse
On n’a pas tous les jours vingt ans. Ce n’est pas l’âge du leader mais celui de son quartet, un quartet constitué de fortes personnalités qui propose des thèmes stylistiquement variés, remarquablement tirés au cordeau et toujours d’une musicalité brillante. Les quatre musiciens déploient leurs talents respectifs, et ils sont grands, avec un souci constant de cohésion, un respect du collectif, qui ne manqueront pas de séduire l’auditeur le plus exigeant. Comme ils sont en sus aisément identifiables, chacun avec leur instrument, il est étonnant de constater à quel point ils sont capables d’unifier leurs voix au service d’un jazz contemporain très haut de gamme et néanmoins toujours accessible. C’est du beau travail. Naturellement, Billy Hart se laisse quelques espaces pour démontrer (le faut-il encore) à quel point sa polyvalence inspirée et sa précision sont époustouflantes, mais il a la sagesse de ne pas en faire trop et de laisser ses amis exprimer pleinement leur différence. Pour ceux qui aime les couleurs du jazz.
https://www.billyhartmusic.com/
Chill Tone Records
Noah Preminger : saxophone ténor
Julian Shore : piano
Kim Cass : contrebasse
Allan Mednard : batterie
Un album intitulé ballads avec un leader qui joue du saxophone ténor ? C’est… Noah Preminger, en quartet. Il n’est pas encore quarantenaire mais s’est déjà fait plus que remarquer du côté de la grosse pomme. Ah bon ? À l’écoute, on ne se demande plus pourquoi. La chaleur luxuriante de sa sonorité nous rappelle quelques grands anciens, notamment Ben Webster (pour ne citer que lui). Chaque note est pleine, chaque phrase est souple, et le supplément d’âme qu’il faut pour jouer ce type de répertoire est là. N’allez pas cependant croire qu’il est passéiste car son discours est d’une réelle modernité. D’ailleurs, il ne reprend pas des standards mais joue ses compositions. Ses accompagnateurs font plus que leur boulot pour porter la voix expressive du leader et l’ensemble est d’une homogénéité flagrante. Bien que le tempo soit globalement étale, on se laisse séduire sans effort par cette musique aux vertus apaisante. À découvrir donc, et sans tarder.
https://www.noahpreminger.com/
Les Improfreesateurs
Rémi Gaudillat : trompette
Fred Roudet : trompette
Loïc Bachevillier : trombone
Laurent Vichard clarinette basse
Dix années d’existence assurent à ce quartet de vents une indiscutable cohésion qui transparaît dès les premières notes. En toute franchise, on le savait déjà. On n’est donc pas surpris par la qualité du travail exposé dans ce disque. Par contre, il fallait oser mêler Satie et Monk, c’est du moins la première pensée qui vient à l’esprit de l’auditeur. Ensuite, l’évidence se fait jour car les deux compositeurs sont liés par un humour et un anticonformisme salvateurs qui siéent au Possible(s) Quartet. Excellement chambristes, ils prennent un malin plaisir à truffer leur propos musical de références et cultivent l’alternative avec une élégante décontraction. Des pleins et des déliés au cœur d’un minimalisme poétique travestissent avec joliesse les deux barbichus ; une forme d’hommage qu’ils auraient à notre humble avis apprécié. Les musiciens semblent sourire à chaque note jouée et qu’ils fréquentent la mélancolie ou une joie sautillante, presque enfantine, ne change rien à l’affaire, c’est une musique inspirée, harmonieusement équilibrée, qui séduira sans peine les amateurs aimant sortir des sentiers rebattus. Indispensable.