Vendredi 28 février 2025

Enzo Carniel : piano, piano préparé, Fender Rhodes, synthés, sound design
Marc Antoine Perrio : guitare, guitare électrique, sound design
Simon Tailleu : contrebasse
Ariel Tessier : batterie, percussions, pierres
Loran Qui & AAAseed Crew : vidéo procédurale, IA.

Je ne m’attendais pas en franchissant le seuil de La Petite Halle de la Villette à être transporté dans un autre monde. D’abord un monde d’une certaine mondanité parisienne, amatrice de vin blanc, de chapeaux feutrés, et de belle musique, dans lequel je pénétrais donc, non sans une certaine timidité qui caractérisait un vague sentiment d’imposture, jusqu’à un siège en coin de la salle, trouvant ainsi une place digne de mon besoin de discrétion. À peine le temps de m’y faire que, mes yeux se posant sur la scène, je me retrouvais déjà ailleurs. En face de moi, un visage projeté sur un écran, illuminant un plateau tout à fait énigmatique dont le dispositif ne manquera pas de m’interroger. Mais ce visage synthétique, inexpressif, il me ramena tout de suite en enfance, aux moments où je consacrais le plus clair de mon temps à parcourir les pages d’un Akira ou d’un Ghost in the shell et que j’imaginais, la tête contre la fenêtre du salon, le monde (pas toujours radieux) du futur. C’en était alors fini de la gêne et de la timidité ingénue : je m’étais mis à rêver.

En tout cas, Enzo Carniel et son quartet House of Echo ne s’y trompent pas, et font, depuis la création du groupe en 2010, la part belle à l’exploration : exploration des genres, n’hésitant pas à piocher du côté de l’électro, de la techno, et même du rap ; mais aussi exploration d’un imaginaire qui se veut toujours plus vaste, toujours plus libre, tout autant qu’il est intime et rempli de poésie.
Avec ce nouveau projet, Wallsdown II, dont le premier volet était sorti courant de l’année 2020, Enzo Carniel et son équipage repartent à l’aventure, accompagnés de l’artiste Loran Qui et du AAAseed Crew, entremêlant piano et ordinateurs, guitare et caméras, et vont explorer les possibilités de la machine, notamment à travers l’IA qui déformera, ou révèlera, le visage, les corps de nos musiciens pendant qu’ils explorent un monde inconnu et nouveau.
Embarquons donc ensemble pour ce voyage intergalactique vers un monde extra-réel, dans lequel vont se confronter une sensibilité folle, une douceur extrême incarnée par les notes légères du piano d’Enzo Carniel ou la virtuosité du jeu de guitare de Marc Antoine Perrio, et la froideur métallique, fracassante, de la batterie de Ariel Tessier et de la contrebasse de Simon Tailleu. Une confrontation qui semblera parfois à l’avantage de la machine, lorsqu’elle refusera de charger un sample, laissant quelques instants nos musiciens impuissants, mais qui finira par céder dès lors que ceux-ci laisseront éclater la puissance poétique et libératrice de leurs instruments.

Préparez vous à être secoués, bousculés par une musique transhumaine qui vous enverra jusque dans les Clouds (1er morceau de l’album), une nouvelle réalité dans laquelle les sons numériques et organiques se confondent formant un corps hybride mi humain mi machine.

Enzo Carniel et son équipage rêvent. Ils rêvent de franchir les barrières, de dynamiter les carcans, d’abolir les frontières. Abolir les frontières musicales, esthétiques, mais aussi abolir les frontières entre les mondes, entre les corps, entre les imaginaires. L’House of Echo n’a de cesse de naviguer à travers ce vide stellaire qu’il abreuve de lumières et d’Illuminations (second morceau de l’album), et nous fait voyager dans ses Electric Dreams, dans un monde qui n’existe pas encore, duquel on peinera à retomber pour reposer le pied à terre et s’en aller la tête pleine de rêves. De quoi efficacement vaincre sa timidité !


https://www.lapetitehalle.com/
https://www.nomadmusic.fr/fr/artists/enzo-carniel/