Concert de sortie du CD Vortice, titre éponyme du quartet qui réunit Claude TCHAMITCHIAN, contrebasse et compositions, Catherine DELAUNAY clarinette sib, Christophe MONNIOT sax alto et sopranino, Bruno ANGELINI piano. L’a priori qui vaut est que, peu importe la musique qu’ils vont co-fabriquer, ces quatre hénaurmes musiciens ne peuvent que nous réjouir : ils pourraient jouer Au clair de la lune, À la claire fontaine ou Colchiques dans les près, le résultat en serait aussi étonnant que les standards revisités par Monniot ( cf son CD Density of standards avec Mood Indigo, Green Dolphin Street et autre Summertime ). Donc un casting de rêve censé nous offrir de déambuler dans une fête foraine selon les dires de Tchamitchian. Déambulation qui commence devant un stand vide de spectateurs à l’heure où les musiciens répètent : clarinette et piano pour une musiquette timide genre il est bonne heure, on se cherche, musiquette reprise à quatre ; ils s’échauffent, ils y croient, ils vont attirer du monde c’est sûr et voilà l’alto qui se lance dans un solo pas du tout timoré et tâtonnant mais un solo virtuose aux envolées brûlantes avec retombées de flammèches alentour. Avis aux étudiants en cursus de jazz : pour relever ce solo-là et en venir à bout, compter six mois à plein temps. L’alto a jeté sa gourme, retour au calme et conversation avec la clarinette. Engueulade ? Murmures enamourés ? Jte veux moi non plus ? Arrête de prendre toutes les couvertures…. À l’archet, la contrebasse nous projette devant un praticable où des équilibristes répètent à l’envie un mouvement nouveau, le répètent encore, encore et encore jusqu’à atteindre la fluidité et la vitesse voulues. Puis la contrebasse (toujours à l’archet) et le piano se mettent au niveau rythmique d’une bande de jongleurs chauds, bouillants, adroits, agauches : on les voit voler ici et là les cerceaux, les balles et les massues avant que le fracas du piano ( Angelini va donner du boulot à l’accordeur…. ) ne figure la chute d’une palanquée d’assiettes tournicotant au bout de tiges souples. On n’a pas trop le temps de respirer, la visite est palpitante. Sur fond de pulse à la basse et d’accords plaqués au piano, les vents nous invitent à passer derrière le rideau : « Entrez, entrez, venez voir la femme aux six nichons et l’hercule au micro-pénis, la loupe est fournie !!! », vents qui se lancent dans le CV des monstres à force de trilles et de trémolos ( un trémolo, des trémoli ? ). Les auditeurs avisés auront reconnu le chant d’un rouge-gorge au passage. On continue pas loin d’un manège de chevaux de bois avec une musique qui tourne rond et en rond, la clarinette soloïse d’abord dans le registre grave ( tendre l’oreille n’est pas inutile) puis tricote avec le sopranino un mouvement spiralé montant et descendant ( l’axe qui tient les chevaux ? ) avant de laisser la place au piano : c’est enlevé, façon musique de film muet, avec une grue très haute et un mec en équilibre instable sur le bras de la grue : a-t-il chu ? A-t-il mouru ? Parce que la musique se fait lente, funèbre et le piano reste seul pour une trèèèès gros solo qui convoque le Keith Jarret de Cologne ou de Brême ( 1975 !!! comme le temps passe…). C’est inspiré, inspirant, ça respire, C’EST. Complété par un nouveau solo à l’alto. Quelle liberté chez Monniot !!?! À l’écouter, l’idée même de limites disparaît. Ils terminent tous ensemble et pas du tout devant un stand de pêche à la ligne de canards jaunes en celluloid dans un baquet à l’eau plate. Vu l’énergie du final, c’est au moins une marée d’équinoxe coefficient 116 avec vagues à l’attaque de la dune et tuiles envolées. Suivi d’une vague d’applaudissements ( coeff 116 ) pour un rappel bienvenu.


Le Studio de l’Ermitage
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