Un américain, un français, un français natif d’Israel et une allemande pour quatre disques ayant chacun leur intérêt (sinon on en parlerait pas...)
Highnote Records
Cyrus Chestnut : piano
Stacy Dillard : tenor saxophone (1, 2, 6 & 7) & soprano saxophone (3, 4, 5 & 9)
Gerald Cannon : bass (sauf 8)
Chris Beck : drums (sauf 8)
Cyrus Chestnut fait de partie de ces pianistes estimés de tous qui, au moins chez nous, ne prennent que peu la lumière bien qu’ils aient joué avec la crème de la crème du gratin. La liste est trop longue mais elle est explicite. Connu pour sa précision et son sens de l’espace, il démontre une fois de plus avec ce disque en quartet dans lequel on écoute des musiciens aussi fins que lui qu’il est, dans son genre, une référence. On ne se pose aucune question à l’écoute car tout coule de source avec une aisance déconcertante. C’est du jazz classique d’aujourd’hui et c’est peut- être une des raisons qui cantonne ce magnifique artiste dans une demi ombre médiatique ; pas assez conceptuel, pas assez intello, pas assez crossover (bidouille de la pop Cyrus !), être jazz ne suffit plus. Il n’en demeure pas moins que ce disque est d’une superbe élégance et d’une intelligence musicale patente (d’ailleurs tout est dit dans le titre : Rhythm, Melody and Harmony), avec des chatoiements colorés jamais outranciers, une approche ciselée qui en font un magnifique disque de jazz. Recommandé.
https://www.cyruschestnut.net/
Steeplechase Records
Yves Brouqui : guitare
Spike Wilner : piano
Paul Gill : contrebasse
Anthony Pinciotti : batterie
Encore du jazz ! Pire encore, il est publié chez Steeplechase, des amateurs éclairés de jazz… Comme l’écrit Francis Capeau : On retrouve ici tout ce qui fait la quintessence du jeu d’Yves Brouqui : l’absence de bavardage stérile, de pesanteur, la douceur privilégiée à la vélocité, allant constamment à l’essentiel, celui de la note juste, de la note pure, jamais celle de trop, avec un son bien identifié de quartet « piano-guitare » des années 60, dans une esthétique évocatrice de celle des Blue Note de l’époque. Il y a même un solo de contrebasse à l’archet qui pourrait être chanté à la Slam Stewart (1914-1987). Pire que pire, il y a des quatre quatre et tout ce qui fait un jazz classique de chez classique. Alors quoi ? Seuls les abrutis fuiront ce disque franchement agréable à écouter pour ce qu’il a d’intemporel et de swinguant, et la qualité des membres du quartet n’y est pas pour rien. Il ne vous reste que deux solutions : pleurer l’avant-garde qui n’est plus ce qu’elle était ou vous laisser aller à un moment jouissif de plaisir auditif, sans vous prendre la tête, grâce à d’excellents jazzmen perpétuant une tradition faite de finesse et de joie de vivre.
Naïve
Yaron Herman : piano
Maria Grand : saxophone ténor (1,2,3,6,7,8,9)
Alexandra Grimal : saxophone ténor (3,4,5,8)
Haggai Cohen Milo : contrebasse
Ziv Ravitz : batterie
Yaron Herman dit de son nouveau disque : J’ai imaginé chaque composition comme un scénario différent, un paysage offrant un terrain fertile à partir duquel l’improvisation pouvait se développer. […] Trouver l’espace où la musique coule sans effort et vient du cœur. Dans son quintet, on note la présence de deux jeunes saxophonistes remarquables, Maria Grand et Alexandra Grimal, et de Ziv Ravitz, toujours aussi brillant derrière ses fûts. On y découvre aussi un contrebassiste à la sonorité chaleureuse, Haggai Cohen Milo : de quoi mettre à l’aise le pianiste et leader dans sa quête musicale faite d’un lyrisme assumé qui cherche à tutoyer des hauteurs paysagères assez originales dans l’espace d’un jazz contemporain précédemment élaboré par des personnalités marquantes comme Keith Jarrett ou encore Brad Mehldau. Avec beaucoup de place laissée à l’improvisation (il a dit en 2017 : Je suis un improvisateur à la base, c’est le fondement de mon être. Si tu sais ce qui va arriver, ce n’est plus du jazz) son quintet propose une musique d’une belle densité. Recommandé.
Act
Johanna Summer : piano
Cette chronique est brève car Ce disque est un EP. Il est donc court. Comme son titre l’indique, il a été enregistré sur un piano droit. Il possède donc un son particulier. Johanna Summer interprète deux standards du jazz, Giant Steps, I Remember You et Stella by starlight complétés par ses propres improvisations, une reprise de Teardrop de Massive Attack et l’Elégie en la bémol majeur de Richard Wagner, assez rarement jouée d’ailleurs ; un programme varié, plus varié quand ces précédents disques consacrés à des compositeurs classiques. On en conclut qu’elle a l’esprit grand ouvert et c’est une bonne nouvelle. Totalement intimiste, ce bref album offre un regard sur un moment de musique particulier, une sorte d’intermède lors de l’enregistrement d’un disque de Malakoff Kowalski. On regrette qu’il soit aussi accourci car la pianiste allemande possède un univers personnel plus qu’intéressant.