On n’a pas tous les jours vingt ans !
Le Jacky MOLARD quartet fête ses vingt ans : lui-même au violon, Hélène LABARRIÈRE contrebasse, Yannick JORY sax alto et soprano, Janick MARTIN accordéon. Pas de pupitre, tous debout face à nous façon fest noz au fond d’un bistrot.
Mise en bouche, en jambe et en appétit avec l’eau et le feu ( morceau bretonno-irlando-celto-gaélique ) qui sonne musique populaire, fête au village, les jeunes lèvent la jambe, les anciens le coude, et hardi petit, la nuit est à nous. Est-ce une gavotte ? Un plinn ? Peu importe, la pulse invite aux fourmillements dans les mollets, aux jaillissements vers le dancefloor.
La suite de trois morceaux filant de l’Espagne à la Roumanie via la Bulgarie déplie les choix audacieux de ce quartet : des mélodies qui câlinent l’oreille, tournent en boucle, nous plongent dans le confort addictif-auditif émotionnel et des moments de transition sans repères mélodiques ou rythmiques, des moments qui grattouillent la peau façon abrasif à gros grain (mon sonotone déconne ? J’ai encore eu une absence ? ), des cellules répétitives qui courent d’un instrument à l’autre, des moments façon canon hongrois (hongrois que c’est un canon mais non ). En Espagne, on imagine une danse serpentine, on se tient par la main un gars une fille, la progression est minimaliste, un petit pas en avant, un saut sur place et on recommence ; en Bulgarie, le rythme boiteux l’emporte, on les imagine, les Pionniers de l’Étoile Rouge, virevolter avec des figures incroyables d’une virtuosité confondante : en Roumanie, le rythme s’affole, il est olympique : plus haut, plus vite, plus fort !!! Pas sûr que danseurs et danseuses se remettent de cette débauche musculaire. La fête bat son plein, on devine le cymbalum absent et la transe sans champignon ni molécules de synthèse est totale. Au moment où la lutte contre le narcotrafic est survendue dans une certaine presse, serait-ce une option satisfaisante que de revenir aux bals populaires sur fond de musique répétitive pour goûter à la transe sobre ? Il y a cette pièce jouée à l’accordéon et au violon, lamentation poignante qui s’étire sur les longues tenues du soufflet étiré avant de quitter sa torpeur à coup d’accents de l’archer et de secousses de l’accordéon, de s’ébaudir en mode quasi bruitiste et free et de revenir à la vie d’ici en quartet pour un final mélodieux, harmonieux, dansant où la vie l’emporte sur le chagrin. Le programme du concert serait presque aussi convenu qu’attendu s’il n’y avait eu Asphyxie climatique (compo d’Hélène Labarrière ), pièce disruptive à souhait qui convoque l’éolienne qui grince, les poumons asthmatiques de l’accordéon et pratique l’urgence ( walk énergique de la contrebasse, solo de l’alto ) avant un superbe unisson à quatre, quatre qui sonnent comme huit. Citer aussi Adjihina où ces quatre furieux foutent le feu : rythmes tordus, vitesse excessive, les yeux fermés, rendez-vous au point d’orgue. Carrément un clin d’oeil au Chorinho Pra Ele de Portal et Galliano.
Le public qui a empli le lieu au maximum de la jauge est ravi : il les rappelle encore et encore.
Atelier du Plateau
Rue du Plateau, 75020 Paris