Une histoire du jazz
Laurent Cugny

Frémeaux & associés, 240 pages


Quand un auteur écrit « une histoire de… », il sait par avance qu’elle sera incomplète et, s’il l’ignore, il passera au mieux pour un petit prétentieux ; je vous laisse imaginer le pire. Laurent Cugny fait partie de ceux qui savent et son histoire du jazz ne prétend pas à l’exégèse. À l’origine, elle est un cours donné à La Sorbonne et a été réécrite à l’occasion de sa publication chez Frémeaux & associés. En quoi est-ce utile de se livrer à un exercice qui ne donnera pas toutes les réponses ? Dans cet ouvrage, il s’agit de faire vivre le jazz et de rappeler qu’il existe encore, sous des formes multiples, et qu’il suit son chemin en se régénérant à des sources plurielles. Certains passéistes pensent que le jazz est mort à l’aube des années soixante-dix quand il s’est compromis avec le rock, d’autres dinosaures, comme Mezz Mezzrow dans son autobiographie, pensent qu’il a été dénaturé dès les années trente ! Je vous passe la guéguerre entre les figues moisies et les raisins aigres à la fin des années quarante [1]. Il y a pour chaque vie humaine des périodes et des changements. Il en va de même du jazz et chacun peut choisir son âge d’or en fonction de son goût personnel pour une période donnée. À cette aune, écrire Une histoire du jazz, c’est imposer une hauteur de vue, un recul salutaire, sur un mouvement musical décortiqué par l’auteur d’abord de façon linéaire avant d’accepter que trop d’exceptions échappent à cette méthode et d’élargir le propos en explorant les connexions satellitaires à chaque période décrite. L’auteur fait preuve de précision, notamment grâce à la clarté et la concision de son écriture, sans jamais être péremptoire (ce qui est bien souvent la marque des médiocres). D’un mot à l’origine sujette à caution, Jazz, jusqu’à nos jours, le lecteur prendra connaissance de la progression d’un genre musical à peine plus vieux que la doyenne de l’humanité, le tout mis en forme de façon méthodique et intelligible par Laurent Cugny ; il est d’ailleurs notable qu’il soit musicien et c’est probablement la première fois qu’une histoire du jazz est écrite par un jazzman. Mais peut-être me trompé-je et les scoliastes ne manqueront pas de me le signaler. Sans nuire à l’auteur et pour le plaisir de débattre, j’ajouterai simplement que Wayne Shorter a dit un jour que le jazz était un état d’esprit. Je vous laisse vous écharper sur le sujet en ce lundi de Pâques où notre ami culturejazzien Pierre Gros mange la mouna alors que le pape François cause avec son patron entre deux nuages ; de tango ou de jazz, nous ne le saurons jamais.


https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Cugny
https://www.fremeaux.com/fr/

[1Nous évoquons là Hugues Panassié dont les prises de position traditionalistes ont conduit à une bataille célèbre entre le courant conservateur qu’il portait (les « figues moisies » pour la partie adverse), et un courant moderniste dont faisaient partie entre autres Boris Vian, Charles Delaunay et André Hodeir (les « raisins aigres » pour leurs contradicteurs)