Séance de rattrapage pour de beaux disques égarés dans la tonne de Cds reçus
Rogueart
Ramon Lopez : batterie


Pour fêter ses quarante années de présence en France, Ramon Lopez vient de sortir ce disque en solo, un exercice qu’il a déjà commis par le passé, et l’on y retrouve ce qui lui a permis de trouver sa voix et d’être remarqué et adoubé pour nombre de grands musiciens. De la finesse, une constante inventivité et une façon très personnelle de faire chanter les fûts et les cymbales, un art du rythme où la précision côtoie le miroitement fluctuant, voilà ce qui en quelques mots caractérise son jeu. Nous pourrions gloser longuement et aligner les adjectifs pour dire à quel point le natif d’Alicante donne du bonheur à nos oreilles, mais est-ce bien utile d’écrire encore ce que l’on sait déjà depuis belle lurette ? Une chose demeure de toute évidence (qu’il n’abandonnera jamais puisqu’elle est inscrite en lui), sa batterie est charnelle. Elle respire. Elle est expressionniste sans jamais nous casser les oreilles (il y a beaucoup de batteurs dont j’aimerais attacher pieds et mains au début du concert…) car elle raconte des histoires. Et la musique n’est faite que d’histoires ; quand elle se la joue technique, l’émotion disparaît. Nous pensons que Ramon Lopez est un grand moissonneur d’émotions, qu’il aime la vie et que cette capacité enfantine d’émerveillement qu’il alimente en lui fait son jeu, celui-là même qui nous mène à la baguette dans les méandres de son imaginaire.
Whirlwind Recordings
Rez Abbasi : guitare
Bill Ware : vibraphone
Stephan Crump : contrebasse
Eric McPherson : batterie
Hasan Bakr : percussions


Nous avons faille passer à côté de ce disque sorti le 31 mai dernier et cela eut été dommage. Même si on ne présente plus Rez Abbasi, il est bon de rappeler que c’est un guitariste résolument original qui sait s’entourer des meilleurs pour livrer une musique personnelle toujours empreinte d’une profonde beauté. Dans ce troisième album de son quartet de luxe auquel s’ajoute le percussionniste Hasan Bakr, l’équilibre et la fluidité sont les vertus cardinales d’une musique intime qui s’affirme dans la suggestion plus que dans la démonstration. Chaque musicien tient son rang et l’inventivité qu’ils génèrent ensemble est le fruit d’une écoute active et d’une compréhension quasi alchimique. L’apport percussif d’Hasan Bakr est en tout point époustouflant et se fond naturellement dans l’ensemble. Et si la musique de Rez Abbasi peut paraître à certains cérébrale, elle n’en n’est pas moins mélodiquement accessible. Laissons au guitariste le dernier mot : « La méditation m’aide à m’aligner sur la paix qui découle de l’abandon des désirs perpétuels et des conditionnements personnels. Lorsque j’atteins cet espace, la seule chose qui reste est souvent le son. »
Maya Recordings
Angelica Sanchez : piano
Barry guy : contrebasse
Ramon Lopez : batterie, percussions


Angelica Sanchez joue avec les cadors d’un jazz souvent porté sur l’avant-garde (Tony Malaby, Drew Gress, Tom Rainey, Rob Mazurek, Chad Taylor, etc) et ce depuis un bon bout de temps. On la retrouve ici en 2023 (disque sorti en 2024) pour une première rencontre avec un contrebassiste, Barry Guy, et un batteur, Ramon Lopez, qui, eux, se connaissent depuis longtemps. La greffe entre l’américaine, l’anglais et l’espagnol allait-elle prendre ? À l’écoute, la réponse est oui et l’on pourrait même penser qu’ils se connaissent depuis toujours tant la musicalité commune qui les anime est évidente. Les improvisations qui résultent de leur écoute active sont empreintes des contrastes que provoquent les flots : on sait que la vague arrive ans savoir comment elle aborde le rivage, qu’elle soit douce ou marqué par les heurts d’un fonds rugueux. Qui est le plus surpris, le musicien ou l’auditeur ? Quand l’orage sonore s’apaise et que l’intime émerge, c’est la douceur sensible qui accapare l’espace entre les résonances du silence. Entre force vive et relâchement, d’un bout à l’autre de l’enregistrement, les trois musiciens créent un monde chatoyant, puissant, que la nuance et l’émotion n’ignorent jamais. Ces trois-là devraient se rencontrer plus souvent !
http://www.angelicasanchez.com/
Fundacja Stuchaj
Ivo Perelman : saxophone
Aruan Ortiz : piano
Ramon Lopez : batterie


Ivo Perelman, Aruan Ortiz et (encore) Ramon Lopez. Un brésilien, un cubain et un espagnol pour un disque qui n’a rien à voir avec les idiomes musicaux de leurs pays respectifs. De l’improvisation avant-gardiste, un point c’est tout. Mais c’est déjà beaucoup. Parce que les trois compères n’y vont pas de main morte. Ils possèdent une énergie intrinsèque qui propulse leur musique dans des espaces aux angles acérés, des sphères brutes (pas brutales) où les brisures rythmiques sont presque un mantra. Ils s’éloignent et se rapprochent, se télescopent presque, ils s’unissent, ils soufflent, ils frappent, ils rebondissent : ils sont vivants. Certes, quelques oreilles habituées à la souplesse du swing ou à la douce musique d’ascenseur risquent de saigner un peu. Mais bon, pour un décrassage auditif en bonne et due forme, c’est un minimum. Ils sont free et offrent à l’auditeur curieux une dose de liberté sans concession très bénéfique. Pour un néophyte, le plus étonnant dans cette affaire est qu’il se rendra compte malgré lui qu’ils ne font pas n’importe quoi, ils s’écoutent, ils se parlent et ils construisent. Pour eux, une somme de beaux instants, c’est un moment musical qui ouvre généreusement sur la beauté cachée des sonorités alternatives. Rien que pour ça, leur musique est nécessaire.