La saxophoniste Olga Amelchenko était au Studio de l’Ermitage à Paris le 16 septembre 2025 pour présenter son nouvel album Howling Silence paru récemment chez Edition Records.
Olga Amelchenko : Saxophone alto, Compositon
Enzo Carniel : Piano
Etienne Renard : Contrebasse
Jesus Vega : Batterie
Pierre Perchaud : Guitare

J’étais arrivé ce soir-là dans la salle du Studio de l’Hermitage avec le cœur lourd, l’esprit en berne, et les vêtements trempés par la pluie froide du septembre parisien. Je m’étais installé au beau milieu du public, dans l’espoir de m’y réchauffer et d’y trouver quelconque réconfort dans les discussions et les voix souvent animées et joyeuses autour de moi. Dans cette salle que je découvrais, aux couleurs de rouille, rouge et noire, je regardais les différentes figures métalliques ornées de miroirs dans lesquels les couleurs se répondaient faiblement. J’étais cependant dérangé par un air bruyant qui sifflait dans mon cou, et serpentait entre les chaises du public. Dans ce souffle que je connaissais bien, puisque je l’avais affronté toute la soirée, je sentais tout de même quelque chose de nouveau : un bruit nouveau dans l’air, illuminé déjà par les projecteurs verts, jaunes, et rouges de la scène, comme l’annonce secrète du voyage qui allait m’emporter en cette nuit de septembre. Nos musiciens, emmenés par Olga Amelchenko, présentaient ce soir-là leur nouvel album : The Howling Silence , pensé et composé par celle-ci et abordant des sujets tels que l’exil, l’oubli et la violence pour elle, saxophoniste venue de Sibérie, avec l’idée de redonner une voix à ceux qui n’en ont pas ou n’en ont plus, et l’envie d’explorer les mécanismes intérieurs qui poussent à s’affirmer, à sortir du silence, et à découvrir sa voix. Cette exploration dans un espace et un temps nouveau, se déploie le temps d’une année, d’un morceau par mois avec la volonté de composer un album le temps d’une vie, semblable à son for intérieur, au fil de la musique.
C’est bel et bien à la naissance d’une voix, d’abord un cri dans le silence auquel j’assistais ce soir-là. Le saxophone s’installant dans les graves, un souffle d’abord intérieur puis plus haut, plus loin, occupait l’espace jusqu’à lancer la rébellion. Se lançaient alors les autres musiciens. Je retrouvais à cette occasion Monsieur Enzo Carniel au piano, toujours dans un jeu très percutant et précis, plaquant les accords comme on jetterait les couleurs sur un tableau, et donnant le ton, emboîtant le pas à cette ascension libératrice. Dans une atmosphère particulière, à la fois rassurante, chaleureuse, et bouillante, le thème musical développé par le saxophone était suivi par la guitare de Pierre Perchaud qui jouait presque à double voix : alliant une virtuosité onirique et une férocité brutale qui prenait de plus en plus le contrôle. Lorsque le morceau passa soudainement en binaire, c’est cette prise de pouvoir, cette affirmation de soi qui fit exploser d’un seul coup les barrières dans un déploiement de puissance musicale. J’eus à ce moment-là la sensation d’une montagne gravie en un instant. Mon esprit, confiné parmi les sièges du public parvenait alors à s’enfuir et s’en allait porté par cette joie immense qui s’emparait de moi.
Je quittais alors le Vendémiaire parisien et embarquais pour la chaleur estivale du second morceau April , dont la douceur connotait l’espoir retrouvé. Le jeu de nos musiciens se fit alors beaucoup moins furieux, beaucoup plus léger, plus joueur, se laissant même aller au swing, dans des moments de tendre séduction. Ce second morceau conservait la même structure, reposant sur l’ascension rythmique et musicale puis de la redescente, souvent dans un système binaire, mais qui connotait cette fois-ci le plaisir, l’amour de l’instant, une nostalgie douce, un rêve apaisant, à la manière des cymbales résonnantes et rayonnantes de Jesus Vega.
Je laissais le temps de l’amour passer si bien que May finit par pointer le bout de son nez. Je quittais le soleil et les bons souvenirs alors que la pluie se mettait à tomber. Ce nouveau morceau, introduit par Olga Amelchenko avec ces mots : « When it’s time to say goodbye », se trouvait être l’envers du morceau précédent, évoquant les thèmes de la séparation familiale et de la solitude. C’était alors l’occasion pour notre saxophoniste de montrer toute la virtuosité et la subtilité de son jeu, capable de pousser des cris déchirants, maniant les registres et les harmonies pour transmettre des sentiments complexes de regret, de peur, de tristesse, d’amour. L’esprit encore dans les nuages, j’étais subjugué par la poésie de ce jeu et j’admirais les couleurs, les images que nos musiciens faisaient apparaître devant moi.
Le morceau suivant, Walking Shadows , était un morceau au tempo très lent, comme une marche lente dans la pénombre, sur un thème au piano composé de deux accords obscurs. Je plongeais alors dans cette poésie déambulatoire et retrouvait peu à peu, au fil de la musique, la chaleur d’avril dont je voyais les couleurs s’annoncer. C’était une marche dans la nuit qui devenait une marche vers le jour, une marche dans l’ombre pour mieux voir les rayons du soleil, une marche dans les feux de la nuit qui me conduisait jusqu’au dernier morceau de ce concert Create the light . Les yeux éblouis par le renouveau soudain, j’étais éclaboussé par une nouvelle pluie, fraiche et brillante, et je distinguais au-dessus de nos musiciens cet arc-en-ciel fait de joie, de musique, et de lumière.
Mardi 16 septembre 2025 - 20h30
Studio de l’Hermitage,
8 rue de l’Ermitage, Paris 20ème
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