Quatre disques de plus choisis parmi la multitude
Hubro Music
Trond Kallevåg : guitare, pedal steel, électronique, synthétiseurs, cloches, piano
Tuva Halse : violon
Mats Eilertsen : contrebasse
Gard Nilssen : batterie


Il est dit de ce disque qu’il fait penser à Ry Cooder, David Lynch ou encore Daniel Lanois. Pour notre part, nous avons dès les premières notes pensé au film iconique de Wim Wenders, Paris Texas. Cela ne suffit pas à faire un bon disque me direz-vous. Certes, mais cela importe peu puisque Trond Kallevåg n’en fait que de très bons et ce dernier opus le démontre une fois de plus. Au-delà des particularismes et des similitudes qui lient la côte norvégienne et les grandes plaines américaines qui peuvent définir cette musique, nous avons été marqués par la douce force de vie qui l’habite. Mélancolique peut-être, mais toujours positive, elle développe une richesse de timbres parfaitement gérée. Toujours finement évoquées, travaillées sur le fil, les images musicales produites par le quartet n’en sont pas moins charnelles, chaleureuses. C’est l’un des points forts marquants de cet album aux mélodies imparables qui porte inévitablement l’auditeur vers l’onirisme, la flamme d’une chandelle un soir devant une fenêtre donnant sur un paysage nébuleux et atemporel. En outre, le leader s’est entouré d’une rythmique de folie et d’une jeune musicienne, Tula Halse, dont le violon est particulièrement cristallin, presque diaphane et pourtant lumineux. Entre deux mondes, Trond Kallevåg et ses acolytes en ont créé un autre, le leur, à la flagrante originalité. Chapeau bas.
https://www.trondkallevag.com/
Intakt Records
Sylvie Courvoisier : piano
Wadada Leo Smith : trompette


Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer. Entre le piano versatile de l’une et la trompette exploratrice de l’autre (l’inverse est tout aussi valable), il existait un monde qu’ils ont su musicalement mettre à jour. Un monde comme celui-ci laisse à l’instant son pouvoir et à la note la vision de son futur dans la nécessaire réunion avec les autres notes. Les sonorités qui en résultent font office de langage ouvert, libre dans son développement et friand d’espace comme de profondeur. Sylvie Courvoisier et Wadada Leo Smith font de chaque morceau une création bicéphale à l’architecture unique. A tout moment, l’une et l’autre s’ajuste à leurs discours respectifs dans l’immédiateté de l’élaboration créative. C’est d’un bout à l’autre du disque saisissant car à aucun moment la forme d’improvisation brute qu’ils expriment n’est prise en faute ; c’est une alchimie naturelle allant au-delà du compréhensible. C’est là. Juste là. Et c’est brillantissime. Le spectre qui les unit est large et comme suspendu dans un univers à eux seuls accessible qu’ils arrivent pourtant à partager. Beau à l’état pur, impressionnant et indispensable.
https://sylviecourvoisier.com/
https://www.wadadaleosmith.com/
Label Bleu
Daniel Zimmermann trombone
Pierre Durand : guitare
Elise Blanchard : basse
Julien Charlet : batterie
Invités :
Sansaverino : chant
Thomas De Pourquery : saxophone

Cet album de l’excellent tromboniste pourra peut-être se nommer Pop songs, ou quelque chose dans le genre. Quoi qu’il en soit, il déroule des thèmes de par leurs mélodies aisément lisibles. Chaque morceau possède son histoire, qu’elle vienne de l’intime ou du sociétal, et il exprime avec justesse et brio des univers différents qui interfèrent entre eux sans vraiment qu’on le souhaite ou le veule. C’est tiré au cordeau, équilibré et bien souvent très évocateur. C’est d’ailleurs ce que l’on demande à la musique, qu’elle nous parle. Le plus dur, c’est toujours de trouver l’angle d’attaque qui permet au compositeur d’interpréter son travail, avec ses condisciples, de telle manière que l’on oublie la technique et que seule l’émotion prime. Daniel Zimmermann le fait de manière fluide et naturelle et c’est ainsi qu’il embarque l’auditeur dans un monde abordant des sujets plus ou moins sombres, plus ou moins souriants, qui s’effacent presque devant la beauté de la musique. Recommandé.
https://danielzimmermanntrombone.com/
Jazz Family
Shems Bendali : trompette
Arthur Donnot : saxophone ténor
Andrew Audiger : piano & claviers
Yves Marcotte : contrebasse
Marton Kiss : batterie
Invités :
Climène Zarkan : chant
Amine Mraihi : oud

Shems Bendali vit entre deux cultures et son expression musicale s’en nourrit jusqu’à aboutir à une identité musicale plurielle combinant avec brio des influences multiples. Son quintet est particulièrement équilibré, souvent aérien, et produit un jazz actuel très ouvert et non dénué d’un aspect contemplatif très agréable à l’oreille. Acoustique mais n’ignorant pas les possibilités sonores de la modernité, sa musique est faite de mélodies entêtantes mariant l’orient et l’occident. Tout est parfaitement réalisé et chacun des musiciens apporte une contribution nécessaire à la vision musicale du leader sans jamais en faire de trop, ce qui est bienvenu, n’est-ce-pas ? De belles nappes sonores sont développées, offrant de l’espace à une expression de l’intime tendant à la méditation, qui lorgne malgré tout vers un expressionnisme efflorescent. De la belle musique de jazz : à découvrir.